Page images
PDF
EPUB

grades, honneurs militaires de l'ancienne et de la nouvelle noblesse et celui de la Légion d'honneur, dont la croix portera l'effigie de Henri IV, au lieu de celle de Napoléon;

La libre admissibilité de tous les Français à tous les emplois civils et militaires;

Le maintien des grandes institutions de l'Empire : le Conseil d'État, la Cour de cassation, la Cour des comptes, l'Université.

L'empereur Alexandre n'avait pas voulu s'éloigner que l'acte constitutionnel ne fût rédigé. Quand il le sut adopté, lui et ses alliés signèrent la paix, sur les bases acceptées par Taileyrand le 23 avril, et l'évacuation de la France par les troupes ennemies commença (30 mai).

La Charte satisfaisait la classe moyenne. Puisque l'Empire était tombé, on se consolait de la gloire et de la puissance perdues par l'espoir d'avoir au moins trouvé du repos et de la liberté; mais avec les Bourbons étaient revenus les émigrés, qui menacèrent les intérêts nouveaux créés par la Révolution. On inquiéta les possesseurs de biens nationaux. On ne respecta ni la liberté des cultes, ni la tolérance religieuse; on prit pour ministre de la guerre le général Dupont, dont le nom se rattachait à notre premier revers, la capitulation de Baylen; on rendit des honneurs publics à la mémoire de Georges Cadoudal et de Moreau, notoirement coupables, l'un d'une tentative d'assassinat, l'autre de trahison. Le roi signait ses ordonnances de la vieille formule de Louis XIV : « Car tel est notre bon plaisir. » Les grades, les honneurs étaient prodigués aux émigrés, tandis que 14 000 officiers, qui avaient gagné leurs épaulettes en face de l'ennemi, étaient renvoyés en demi-solde. Les soldats de l'armée de Condé, des hommes même qui n'avaient jamais porté l'épée, devenaient généraux. Les officiers de marine rentraient avec le grade immédiatement supérieur à celui qu'ils avaient le jour de l'émigration; ceux qui avaient servi sur les flottes britanniques conservaient le rang que l'amirauté anglaise leur avait donné. Les campagnes de guerre faites contre la France leur comptaient pour la retraite (ordonnance du 25 mai). En dix mois, le gouvernement de Louis XVIII s'était usé.

Retour de l'île d'Elbe (20 mars 1815). — Cependant de l'île d'Elbe Napoléon écoutait tous les bruits qui lui arrivaient de France. Il voyait les Bourbons accumuler les fautes, et leur impopularité grandir. Menacé d'être enlevé dans son

ile pour être jeté sur quelque rocher plus solitaire, il préféra tenter encore une fois la fortune. Il s'embarque avec quelques centaines d'hommes et aborde au golfe Juan', près de Cannes, dans le département du Var (1er mars). « Français, dit-il dans une proclamation, élevé au trône par votre choix, tout ce qui a été fait sans vous est illégitime. Soldats, tous ceux que nous avons vus depuis vingt-cinq ans parcourir toute l'Europe pour nous susciter des ennemis, qui ont passé leur

[graphic][merged small]

vie à combattre contre nous dans les rangs des armées étrangères, prétendraient-ils enchaîner nos aigles? Venez vous ranger sous les drapeaux de votre chef; son existence ne se compose que de la vôtre; ses droits ne sont que ceux du peuple et les vôtres; son intérêt, son honneur et sa gloire ne sont autres que votre intérêt, votre honneur et votre gloire. La victoire marchera au pas de charge, l'aigle, avec les cou

1. Un petit monument indique la place où Napoléon passa la nuit.

[graphic][merged small]

leurs nationales, volera de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame. »

De Cannes à Grenoble, la petite troupe ne rencontra pas un obstacle. « Citoyens, disait l'Empereur aux paysans, je compte sur le peuple, parce que je suis l'homme du peuple. » Il avouait franchement qu'il s'était trompé en voulant donner à la France l'empire du monde, ne parlait que de paix et de liberté, promettait une constitution et des garanties. Près de Grenoble il rencontra les premières troupes envoyées contre lui. Il s'avança seul et dit : « Y a-t-il quelqu'un d'entre vous qui veuille tuer son Empereur? » Les armes tombèrent des mains des soldats, qui répondirent par un immense cri de Vive l'Empereur! Labédoyère lui amena le 7o de ligne; chaque soldat avait repris sa cocarde tricolore, religieusement gardée depuis dix mois au fond des sacs. Dès lors la route ne fut qu'un triomphe à Grenoble, les habitants enfoncèrent eux-mêmes les portes de leur ville pour les laisser entrer; à Lyon, où il arriva le 10, accueil aussi enthousiaste. Il n'y resta que jusqu'au 13 et y reprit l'exercice du pouvoir souverain; Ney, parti de Paris tout dévoué au roi, vit ses régiments céder à l'entraînement universel et vint lui-même rejoindre à Auxerre son ancien chef. Le 20 mars, Napoléon rentrait aux Tuileries, que Louis XVIII avait quittées la veille. Pas un coup de fusil n'était parti pour défendre les Bourbons, pas une goutte de sang n'avait été versée pour le rétablissement de l'Empire: c'est que cette révolution inouïe ne sortait pas d'un complot, mais d'une conspiration universelle.

Les Cent-Jours (20 mars-22 juin).—Les événements accomplis depuis une année avaient appris à Napoléon qu'il avait laissé en dehors de son gouvernement une des forces vives de la France, l'esprit de liberté. Cette force, il voulut la ressaisir, et, pour donner un gage aux libéraux, il confia le ministère de l'intérieur à Carnot, républicain intègre. En même temps, il supprimait les lettres de noblesse féodale, brisait les entraves de la presse, rendait la nomination des maires à l'élection; il disait à Benjamin Constant : « Je ne suis pas seulement, comme on l'a dit, l'Empereur des soldats, je suis celui des paysans, des plébéiens, de la France. Aussi, malgré tout le passé, vous voyez le peuple revenir à moi. Il y a sympathie entre nous, parce que je suis sorti de ses rangs; ce n'est pas comme avec les privilégiés.... Mais je ne veux pas être le roi d'une jacquerie. S'il y a des moyens de

[graphic][merged small][merged small][subsumed]
« PreviousContinue »