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il s'adossa comme à un point d'appui inexpugnable à la grande place de Vérone. L'empereur d'Autriche, avec un nouveau général et des renforts considérables, était venu y attendre l'armée française. Les Autrichiens avaient depuis vingt ans étudié ce champ de bataille; ils étaient 160 000 échelonnés sur les hauteurs, appuyés au village et à la tour de Solférino, et pouvant nous déborder dans la plaine. Napoléon III avait à peine 140 000 hommes sous la main et était obligé de combattre sur une ligne de cinq lieues d'étendue. Tandis que son aile droite lutte contre l'ennemi dans la plaine pour n'être point débordée, et que le roi Victor-Emmanuel l'appuie à gauche, il dirige l'attaque au centre, et, malgré une pluie de projectiles qui atteignent les cent-gardes autour de lui, emporte successivement le mont Fenile, le mont des Cyprès et enfin le village de Solférino. Le centre de l'ennemi est enfoncé; ses réserves sont atteintes, avant d'avoir pu s'engager, par les boulets de nos nouveaux canons rayés. Tout fuit dans un affreux pêle-mêle; mais un orage épouvantable, accompagné de grêle et d'une pluie torrentielle, arrête les vainqueurs et permet aux Autrichiens de repasser le Mincio; ils laissaient 25 000 hommes hors de combat. L'empereur Napoléon prenait, le soir, son quartier général dans la chambre même qu'avait occupée le matin François-Joseph (24 juin).

Deux fois vainqueur, l'Empereur offrit subitement la paix à son ennemi. L'Italie était délivrée, quoiqu'une portion du territoire italien, la Vénétie, restât encore aux mains de l'Autriche. L'Europe, étourdie de ces rapides victoires, laissait voir que sa jalousie se réveillait. L'Empereur crut avoir assez fait pour l'Italie en rejetant derrière le Mincio l'Autriche établie naguère au bord du Tessin, et il signa avec François-Joseph, à Villafraca, une paix dont les conditions praticables furent confirmées à la fin de l'année par le traité de Zurich. Par cette paix, l'Autriche abandonnait la Lombardie, dont la France agrandissait le Piémont pour se faire un allié fidèle au delà des Alpes. Le Mincio devenait la limite de l'Autriche dans la Péninsule, dont les divers États devaient former une grande confédération sous la présidence du pape. Mais tous les intéressés rejetèrent ce plan, et le mouvement révolutionnaire continua. L'Empereur se borna à empêcher l'Autriche d'intervenir. Alors on vit successivement s'écrouler ces gouvernements de Parme, de Modène, des Légations romaines, de Toscane et de Naples, qui, depuis 1814, n'avaient été que des lieutenances de l'Autriche, et l'Italie n'allait plus former qu'un seul royaume, moins Venise et Rome, lorsque l'Empereur crut devoir prendre une précaution nécessaire pour notre sécurité : il réclama le prix de l'assistance qu'il avait donnée, et se fit céder, par le traité de Turin, 24 mars 1860, la Savoie et le comté de Nice, qui augmentèrent la France de trois départements, et portèrent notre frontière méridionale sur la crête des Alpes. Pour la première fois depuis 1815 la France franchissait, non

par force et par surprise, mais à la suite d'un grand service rendu à une nation amie, par de pacifiques accords et après le vote solennel des populations, les limites tracées autour d'elle à l'époque de ses revers. L'Europe n'osa point réclamer. La France et presque toutes les puissances ont maintenant reconnu le nouveau royaume d'Italie.

Expéditions et guerres hors d'Europe en Syrie, en Chine, en Cochinchine, au Mexique. — L'Europe ne peut plus s'isoler des autres continents; avec les progrès de la civilisation, du commerce et des relations générales des peuples, c'est un devoir pour la France, la seconde des nations maritimes, de porter ses yeux ou sa main au delà des mers, partout où son honneur et ses intérêts peuvent être engagés. C'est la première fois que, avec ou sans l'appui de l'Angleterre, souvent sous sa surveillance jalouse, elle l'a fait avec autant d'indépendance et de fermeté.

En 1860, le massacre des Maronites chrétiens par les Druses de Syrie démontrait de nouveau l'impuissance de l'empire ottoman à protéger ses sujets, et excitait les plaintes intéressées de la Russie. La France, qui s'émut la première, eut l'honneur d'être chargée par les grandes puissances d'envoyer et d'entretenir un corps de troupes en Syrie, pour aider le gouvernement turc à punir les coupables, et à réorganiser le Liban. 6000 Français relevèrent, en le mettant au service d'une question d'humanité, le nom français redevenu populaire dans ces contrées; et l'année suivante une conférence diplomatique, réunie à Constantinople, régla le gouvernement du Liban de manière à éviter le retour de ces déplorables catastrophes. Cette apparition du drapeau français en Orient n'était pas inutile à la poursuite d'une grande entreprise commencée par M. de Lesseps sous les auspices du gouvernement français, l'établissement à l'isthme de Suez d'un canal qui réunît la Méditerranée à la mer Rouge, et mit directement l'Europe en communication avec l'extrême Orient.

La même année, à l'autre extrémité de l'Asie, la France et l'Angleterre avaient été obligées de diriger une expédition contre la Chine, qui avait violé les conditions d'un traité précédemment fait avec elle. Ce n'était pas une petite entreprise que de venger, à six mille lieues de distance, l'honneur des deux nations. En moins de six mois, les flottes alliées transportèrent 15 000 hommes et tout un immense appareil de guerre sur les rivages du Peï-Ho. L'empereur de Chine envoya 70 000 hommes avec son meilleur général audevant de ceux qu'il appelait des barbares. Cette armée et les forts accumulés sur la route de Péking ne tinrent pas devant la petite troupe européenne que commandait le général Cousin-Montauban. Les bouches du fleuve furent forcées, les forts qui les défendaient enlevés par une vive et brillante attaque, après quoi les alliés marchèrent résolûment sur Péking. La cour chinoise essaya de tromper ses ennemis par de fausses négociations, dont quelques-uns de nos

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envoyés furent victimes, et essaya de nous surprendre. Elle perdit la bataille de Palikao. La ville de Péking, découverte, allait être bombardée; déjà le palais d'été avait été pris et livré au pillage. Le prince Kong, frère de l'empereur, se décida à traiter sérieusement (25 octobre 1860). Les armées alliées entrèrent dans Péking pourrecevoir les ratifications du traité, en vertu duquel le gouvernement chinois s'engagea à admettre des ambassadeurs anglais et français dans la capitale, paya une indemnité de 120 millions, ouvrit le port de Tsien-Tsin, garantit d'avantageuses conditions commerciales aux vainqueurs, et restitua à la France les églises et cimetières appartenant aux chrétiens. Le Céleste-Empire était ouvert, et, en même temps, l'empire du Japon, qui avait deux années auparavant fait des traités de commerce avec les principaux États européens, était disposé, par crainte d'une leçon pareille, à les mieux respecter.

Le gouvernement français profita de sa victoire dans ces parages pour achever contre l'empire d'Annam, en Cochinchine, une expédition commencée deux années auparavant, de concert avec les Espagnols. Il était impossible d'obtenir de ce gouvernement la sécurité de nos missionnaires et de nos relations commerciales. La France avait résolu de former un établissement aux embouchures du grand fleuve Cambodge, et s'était emparée de Saïgon, pour en faire la capitale. Mais nous y vivions au milieu de continuelles inquiétudes. Le vice-amiral Charner, revenu de Chine avec des troupes, défit les Annamites dans les plaines de Ki-Hoa et s'empara de Mythɔ. L'amiral Bonnard prit à son tour Bien-Hoa et imposa à l'empereur Tu-Duc une paix signée en 1863, qui stipule le respect des missionnaires, un traité de commerce avantageux, et la possession de trois provinces vers les bouches du Cambodge, dans un pays admirablement fertile, entre les Indes et la Chine, à portée des Philippines et des Moluques. « L'établissement de Saïgon, disait naguère un voyageur anglais, pourrait changer la direction du commerce, et devenir le principe d'un empire égal peut-être un jour à celui de l'Inde. » Ainsi la France, qu'on s'habituait trop à regarder comme une puissance surtout continentale, portait son activité sur tous les rivages de l'Océan. Elle fut dans le même temps appelée à un autre bout du monde. Depuis longtemps la France, l'Angleterre et l'Espagne avaient des injures à venger et des réclamations à exercer contre le gouvernement anarchique du Mexique. Au commencement de l'année 1862, les trois puissances s'entendirent pour agir en commun. L'expédition était déjà en cours d'exécution lorsque les gouvernements de Londres et de Madrid, à la suite de malentendus, renoncèrent à l'entreprise. La France, restée seule, persista à venger les communes injures. Un échec ayant engagé l'honneur du drapeau, il fallut envoyer, au lieu de 6000 hommes partis d'abord, jusqu'à 35 000 soldats. Puebla fut un nouveau Sébastopol. Mais les clefs de Mexico y étaient, et le général Forey les y prit (13 mai 1863).

Quelques jours après (10 juin), il entrait à Mexico, et la population proclamait empereur, sur les indications de la France, un prince autrichien, l'archiduc Maximilien. Mais, après le départ de nos troupes en 1867, le malheureux prince fait prisonnier dans Queretaro par les républicains, tomba sous leurs coups. Il fut fusillé après un jugement dérisoire.

Résumé.

Au dehors, Napoléon III avait rendu à l'empire turc l'indépendance et la sécurité, aux provinces roumaines l'union qui fait la force, aux chrétiens de Syrie des garanties d'existence, au christianisme, à notre commerce et à notre influence l'entrée de la Chine, de la Cochinchine et du Japon. ·

Au dedans, il avait rétabli l'ordre, transformé les villes, couvert le pays d'un immense réseau de chemins de fer, développé l'agriculture qui changeait la face de plusieurs provinces, l'industrie qui tenait tête à celle de l'Angleterre, le commerce qui transporte pour 6 milliards de produits. Il avait accru le bien-être des classes laborieuses en leur donnant du travail, soulagé leurs misères par des institutions de bienfaisance, et rendu aux classes bourgeoises des libertés qu'elles aiment et qu'elles avaient perdues à la suite des discordes civiles. Ce fut l'œuvre, en 1861 et 1862, de deux sénatusconsultes, dont l'un rendit aux deux Chambres, avec la publicité des séances, le droit de s'exprimer, dans une adresse annuelle, sur les grandes questions de politique intérieures et extérieures, et dont l'autre garantit au Corps législatif un contrôle plus efficace sur l'emploi des finances nationales.

C'était la réalisation progressive d'une promesse que l'Empereur avait faite le jour où il avait annoncé, dès le commencement de son règne, qu'il profiterait des premiers moments d'apaisement pour couronner par la liberté l'édifice de 1852.

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Faits divers. 1864. Lettre de l'Empereur prescrivant la reconstruction de l'Hôtel-Dieu. Convention du 15 septembre avec le roi d'Italie. Victor-Emmanuel s'engage à ne pas attaquer Rome que nos troupes ont évacuée en 1866. La capitale de l'Italie fut transportée à Florence.

1865. Lois sur la mise en liberté provisoire et sur l'enseignement secondaire spécial. - Voyage de l'Empereur en Algérie (mai); régence de l'impératrice. — Épidémie cholérique à Marseille, Toulon, Paris (sept.-oct.). Visite de l'Empereur et de l'Impératrice dans

les hôpitaux.

1866. Sénatus-consulte du 14 juillet interdisant toute discussion de la Constitution ailleurs qu'au Sénat.

Fêtes

Le choléra à Amiens. Visite de l'Impératrice (4 juillet). de Nancy (14-18 juillet) pour célébrer le centième anniversaire de la réunion de la Lorraine à la France.

Lettre de l'Empereur (28 juillet) annonçant la fondation d'une caisse des invalides du travail. — Développement de l'instruction primaire. Création de l'École normale de Cluny.

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Ancienne abbaye de Cluny - Ecole normale de l'enseignement secondaire spécial.

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