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préoccupait l'opinion. Si les conseils généraux « avaient eu l'attitude antirépublicaine qu'on leur prêtait d'avance, c'eût été un symptôme de désaffection aux institutions populaires, de scission entre « les départements et Paris, de fédération des rayons < contre le centre qui aurait rappelé la Gironde et ses • déchirements. On attendait donc avec anxiété.

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On n'a pas attendu longtemps: il n'y a qu'une « France en France; la même acceptation de la République, la même résolution prudente de l'asseoir et « de la maintenir, la même sagesse à l'inspirer et à la « fortifier contre toutes les natures de factions, se sont « manifestées dans l'immense majorité des conseils a généraux. Deux ou trois seulement où le vieil esprit << turbulent et imprévoyant de la Gironde a trouvé

deux ou trois voix sur deux ou trois mille ont essayé de balbutier une protestation. La masse a senti par« tout que demander la transformation de la démocratie en royauté à présent, c'était demander d'abord une première révolution pour sortir de la Répu« blique, puis une série de révolutions pour donner ⚫cette royauté à telle ou telle branche de prétendants,

puis une tyrannie pour maintenir cette royauté vic<torieuse des autres, puis une explosion successive «de révolutions et de convulsions démocratiques pour secouer ces royautés et pour reprendre là souveraineté régulière du peuple.

• Les conseils généraux ont passé comme le Gou• vernement provisoire de février, comme le suffrage ⚫ universel le 27 avril 1848, comme l'Assemblée

« Nationale le 8 mai, comme les électeurs le 10 dé«cembre, comme l'Assemblée Législative le 13 mai « 1849; comme la nécessité, comme la politique, << comme le sens commun, comme la Providence, ils « ont dit La République ou la guerre civile! la République ou l'anarchie! la République ou la tyrannie! la République ou des convulsions écu« mantes! Voilà le cercle dans lequel Dieu a enfermé « en ce moment la France: tenons-nous-y, et orga« nisons la société dans la République, ou exposons-la « à périr.

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Mais pendant que les conseils généraux, organes << sincères et partout inspirés par l'âme du sol, par<laient et agissaient ainsi, pendant que le France se «calmait et administrait sous leur inspiration, les

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partis ou plutôt les salons (car ces partis se réduisent à la proportion de quatre noms), les salons et les « réunions des partis ennemis, naturellement antipathiques à la République parce que la République pèse sur leur souvenir et accuse leur imprévoyance, « ces partis, disons-nous, se trompaient au calme du pays, et à l'attitude du peuple. Ils se flattaient que ce calme signifiait indifférence et disposition à accepter tout nouveau joug qu'on lui préparerait « pour le débarrasser de sa liberté. Ils se disaient : « Osons beaucoup au retour de l'Assemblée. La France, le Président, l'Assemblée Nationale subiront tout ce que nous aurons osé! Nous ne sommes pas forts; mais soyons hardis et entreprenants, on nous « croira forts! Que nos journaux à Bordeaux et à

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Paris sonnent tous les jours la charge contre les ⚫ gouvernements que nous appellerons populaires « parce qu'ils sont nationaux! qu'ils vilipendent les « idées philosophiques d'où le monde moderne est « éclos! qu'ils bafouent la souveraineté régulière des citoyens comme une invention de la barbarie ! qu'ils déifient la souveraineté du hasard comme le chef« d'œuvre de la sagesse humaine! qu'ils invectivent les révolutions les plus involontaires et les plus innocentes, non pas seulement comme des malheurs, « mais comme des calamités des peuples! qu'ils pré« sentent sans cesse à ce peuple sa propre image, non << pas dans le miroir des belles républiques de l'antiquité ou des grandes démocraties d'Amérique, « mais dans le miroir sanglant des tyrannies, des convulsions, des anarchies de 1793! et qu'ils lui fas«sent ainsi dégoût de lui-même et horreur de sa pro« pre souveraineté ! qu'ils lui persuadent ainsi d'ab

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diquer entre les mains de ses maîtres de 1830, ces premiers démolisseurs du trône à qui seuls il est « permis de renverser des dynasties!

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<< Ensuite, formons une ligue parlementaire, à la fois en dehors et en dedans de l'Assemblée Nationale, que nous appellerons tantôt du nom de telle rue tantôt du nom de tel palais! Concertons-y nos plans, comptons-y nos forces, préparons-y nos propositions, nos délibérations, nos majorités; faisons-y comme au théâtre les répétitions de nos discours et

de nos applaudissements! ayons-y les coulisses et «<les machines cachées de l'Assemblée Nationale!

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organisons-y nos ministères, imposons-les à leur << heure au Pouvoir exécutif sans prendre la peine de << le consulter! soyons-y ce gouvernement occulte « dont nous avons tant parlé pour effrayer la nation

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pendant que nous soufflions sur les charbons ardents « des révolutions, gouvernement qu'il était réservé à « la République de nous voir pratiquer à nous-mêmes! «En un mot, faisons exactement ce que fit une société fameuse sous la première révolution: un gouvernement sous le gouvernement, une Assemblée sous une Représentation, une mine toujours chargée sous « l'édifice de la Constitution et dont la mèche sera « dans nos mains! soyons les Jacobins de la contre« révolution.

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« Ce n'est pas assez : sortons de temps en temps de « nos réunions extra-parlementaires, tâtons le terrain, << tentons l'aventure, essayons la température de l'Assemblée, montons à la tribune, lançons-y nos amis « ou nos alliés! Jouons-y sous jambe la représen«tation nationale, le suffrage universel, la Constitution, le Pouvoir exécutif ; faisons-y assaut de sifflets, « de sarcasmes, de bravades ou d'imprécations contre « tout ce qui prend la République au sérieux! Que la pire injure sous la République soit la qualification « de républicain! Confondons à dessein les républi«cains de toutes couleurs et de toute conduite dans « la même réprobation, les démocrates et les déma« gogues, le peuple et la populace, les défenseurs et « les démolisseurs de la société, les hommes qui << tiraient les balles de juin, et ceux qui les recevaient

<< dans leur poitrine! les terroristes de mars et d'avril, << et ceux qui leur arrachaient le glaive des mains! les incendiaires de l'Europe et ceux qui éteignaient leurs torches! L'opinion s'y trompera tant que nous « voudrons qu'elle s'y trompe; elle confondra aussi « dans la même exécration les fous et les sages, les « factieux et les hommes de bien, les modérés et les furieux, les anarchistes et les républicains de rai« son, le crime et la vertu! Le mot de Républiqué sera l'éponge à laquelle nous ferons boire toutes les immondices, toutes les souillures, toutes les impu«retés, toutes les sottises du temps, et que nous pres« serons dans nos pamphlets quotidiens et à la tribune << pour en faire ruisseler, au regard du peuple, la honte, la boue et le sang!

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« Une fois le mot sali dans l'esprit du peuple, nous en aurons bon marché, il en rougira; et quand on rougit de son nom en France, pays de vanité, on « est bien près d'en changer. Le peuple nous dira : « Allons! faites-nous quelque chose qui ne soit pas encore de la monarchie, mais qui ne soit plus la République. Et nous lui ferons un simulacre, une fan« tasmagorie militaire que nous appellerons d'un nom « quelconque. Puis nous soufflerons sur ce simulacre « et nous laisserons apparaître quoi?... Nous et

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« les nôtres dans le fond du tableau... Deus ex machina.

«Tout cela est licite sous la liberté; il est permis « à des cœurs affectionnés d'avoir des souvenirs honorables et chers dans les familles exilées du trône;

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