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Milan, 12 nivôse an v. (1er Jan. 1797.)

C'est avec plaisir que je saisis cette occasion, Monsieur, pour rendre justice au zèle que l'évêque de Bergame et son respectable clergé montrent pour la tranquillité publique. Je me convaincs tous les jours d'une vérité bien démontrée à mes yeux, c'est que «si le clergé de France avait été aussi sage, aussi modéré, aussi << attaché aux principes de l'Evangile, la religion romaine n'au<«<rait subi aucun changement en France ». Mais la «< corruption << de la monarchie avait infecté » jusqu'à la classe des ministres de la religion; l'on n'y voyait plus des hommes d'une vie exemplaire et d'une morale pure, tels que le cardinal Mattei, le cardinal-archevêque de Bologne, l'évêque de Modène, l'évêque de Pavie, l'archevêque de Pise. « Je croyais quelquefois », en discourant avec ces personnages respectables, « me retrouver aux << premiers siècles de l'Eglise ».

BONAPARTE.

Les prêtres français, émigrés en Italie, pour n'avoir pas voulu adhérer à la Constitution civile du clergé ni prêter le serment, et stigmatisés pour cela du nom de réfractaires, trouvèrent en Bonaparte un généreux protecteur (1).

(1) Voici le décret qu'il fit en leur faveur :

PROCLAMATION.

Quartier général, Macerata, 27 pluviôse an v. (15 févr. 1797.) La loi de la Convention nationale sur la déportation défend aux prêtres français réfractaires de rentrer sur le territoire de la République française, mais non pas de rester sur le territoire conquis par les armées françaises.

La loi laisse au gouvernement français la faculté de prendre sur cet objet les mesures que les circonstances peuvent exiger.

Le général en chef, satisfait de la conduite des prêtres réfractaires réfugiés en Italie, ordonne :

ARTICLE PREMIER.

Les prêtres réfractaires sont autorisés à rester dans les Etats du pape, conquis par l'armée française.

ART. 2.

Il est défendu, sous les peines les plus sévères, aux individus de l'armée, aux habitants, prêtres ou religieux du pays, de molester, sous quelque titre que ce soit, les prêtres réfractaires.

ART. 3.

Les prêtres réfractaires sont mis en subsistance dans les différents couvents, où il leur sera accordé par les supérieurs, le logement, la nourriture, la lumière et le feu.

Quel éloge, d'ailleurs bien mérité, ne donne-t-il pas au vénérable archevêque de Gènes, Ms Jean Lercari, mort le 18 Mars 1802, à propos de sa belle lettre pastorale dans laquelle il avait exhorté son clergé et ses fidèles à reconnaître le nouveau gouvernement de la République Ligurienne, inaugurée le 13 Mai 1797, et réunie ensuite à la France (1).

Au citoyen Archevêque de Génes.

Quartier général, Passariano, 24 fructidor an v. (10 Sept. 1797.)

Je reçois dans l'instant, citoyen, votre pastorale du 5 Septembre. J'ai cru entendre un des douze apôtres. C'est ainsi que parlait saint Paul. Que la religion est respectable lorsqu'elle a des ministres comme vous! Véritable apôtre de l'Evangile, vous inspirez le respect, vous obligez vos ennemis à vous estimer et à vous admirer; vous convertissez même l'incrédule.

Pourquoi faut-il qu'une Eglise, qui a un chef comme vous, ait de misérables subalternes qui ne sont pas animés par l'esprit de charité, de paix?

Leurs discours ne respirent pas cette touchante onction de sentiment qui est le style de l'Evangile. Jésus-Christ mourut plutôt que de confondre ses ennemis autrement que par la foi..... J'espère sous peu être à Gênes; un de mes plus grands

ART. 4.

Les supérieurs des couvents donneront à chaque prêtre réfractaire, 15 livres de France par mois pour leur habillement et entretien, sur lesquelles les prêtres réfractaires devront compter la valeur de leurs messes.

ART. 5.

Le supérieur de chaque couvent devra remettre au commandant de la place le nom, l'âge et le pays des prêtres réfractaires qui sont en subsistance dans son couvent. Les prêtres réfractaires prêteront serment d'obéissance à la République française entre les mains du commandant de la place.

ART. 6.

Les administrations centrales, la municipalité, les généraux commandant les différents arrondissements, les commandants de place, sont spécialement chargés de l'exécution du présent ordre.

ART. 7.

Le général en chef verra avec plaisir ce que les évêques et autres prêtres charitables feront pour améliorer le sort des prêtres déportés.

(Correspondance, tom. II, no 1498, pag. 431.)

(1) Correspondance, tom. 111, no 2182, pag. 379.

BONAPARTE.

plaisirs sera de vous voir. Un prélat, comme Fénelon, l'archevêque de Milan, l'archevêque de Ravenne, rend la religion aimable en pratiquant toutes les vertus qu'elle enseigne, et c'est là le plus beau présent que le ciel puisse faire à une grande ville et à un gouvernement.

Croyez, je vous prie, aux sentiments d'estime et à la haute considération que j'ai pour vous.

BONAPARTE.

Mais il témoigne sa bienveillance envers l'Eglise d'une manière plus explicite encore dans sa lettre à Mer Gabini, évêque de Malte, qui avait bien accueilli les troupes françaises lors de leur passage pour l'Egypte, et beaucoup aidé Bonaparte, par sa sagesse et son influence populaire, à se mettre presque sans coup férir en possession de cette île, qui avait résisté autrefois à toutes les forces ottomanes, et de la cité La Valette, réputée imprenable (1).

A l'Evêque de Malte (Mgr Gabini).

A bord de l'Orient, devant Malte, 24 prairial an vI. (12 Juin 1798.)
J'ai appris avec un véritable plaisir, Monsieur l'évêque,

(1) Correspondance, tom. IV, no 2638, pag. 188. On a, ce nous semble, exagéré la conduite de Bonaparte en Egypte à l'égard des Turcs en l'accusant de s'y être fait presque disciple de Mahomet. Nous convenons que dans ses proclamations aux Egyptiens, des 3 et 4 Juillet, au chérif de la Mecque, du 25 Août, et au cheik El-Messiri, du 28 Août 1798 (Corresp. de Napoléon Ier, tom. IV, no 2723, 2734, 3110 et 3148, pag. 269, 281, 567 et 586), se trouvent quelques expressions aventurées, qui peuvent blesser le sentiment chrétien: mais il faut savoir que des agents anglais et russes, au moment du débarquement de l'armée française en Egypte, avaient répandu parmi les Turcs les bruits les plus sinistres et les plus alarmants en la faisant passer pour une bande de brigands, d'assassins et d'impies, afin d'exciter plus facilement leur fanatisme religieux contre les Français, qui comme Franchi depuis les croisades, avaient laissé de grandes préventions contre eux : préventions que les ennemis de la France avaient souvent su habilement exploiter parmi les peuples de l'Orient. Bonaparte s'empressa, probablement pour cette raison, de prévenir une guerre religieuse, qui aurait pu devenir très-dangereuse, en proclamant hautement le maintien et la liberté du culte musulman, et l'inviolabilité des biens des mosquées. Le clergé Ture est très-jaloux de la conservation de ses biens et ne se résigne pas à s'en laisser impunément dépouiller. Le sultan actuel, auquel les Européens avaient conseillé de s'emparer des propriétés des mosquées pour améliorer le trésor de l'Etat, a été obligé d'y renoncer par crainte d'une révolution générale parmi ses sujets. Qu'on n'accuse donc pas trop Bonaparte à cause de sa conduite envers l'islamisme. Les souverains chrétiens, si fiers de leur zèle pour l'Evangile, depuis François Ier jusqu'à nos jours, out fait des concessions bien plus larges et bien plus déshonorantes que Bonaparte, et ces conce:sions n'existaient pas, comme chez lui, en des paroles lancées et stériles, mais malheureusement en des faits bien réels, qui tournèrent tant au détriment de la chrétienté et de l'Eglise.

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la bonne conduite que vous avez eue, et l'accueil que vous avez fait aux troupes françaises.

<< Vous pouvez assurer vos diocésains que la religion catholique, apostolique et romaine sera non-seulement respectée, <<< mais ses ministres spécialement protégés ».

Je ne connais pas de caractère plus respectable et plus digne de la vénération des hommes qu'un prêtre qui, plein du véritable esprit de l'Evangile, est persuadé que ses devoirs lui ordonnent de prêter obéissance au pouvoir temporel et de maintenir la paix, la tranquillité et l'union au milieu d'un diocèse.

Je désire, Monsieur l'évêque, que vous vous rendiez sur-lechamp dans la ville de Malte, et que, par votre influence, vous mainteniez le calme et la tranquillité parmi le peuple. Je m'y rendrai moi-même ce soir. Je désire que, dès mon arrivée, vous me présentiez tous les curés et autres chefs d'ordres de la ville de Malte et des villages environnants.

Soyez persuadé, Monsieur l'évêque, du désir que j'ai de vous donner des preuves de l'estime et de la considération que j'ai pour votre personne.

BONAPARTE.

Bonaparte, revenu de l'Egypte, couvert de gloire, acclamé avec enthousiasme par toute la nation et devenu par les actions hardies exécutées dans les célèbres journées des 18 et 19 brumaire an VIII (10 et 11 Novembre 1799), le principal Chef de l'Etat, tenait une conduite de plus en plus bienveillante envers l'Eglise.

Après la chute du Directoire, cette caserne des Bavards et des Radoteurs, comme l'appelait Bonaparte dans son langage militaire, le gouvernement de la République fut par intérim confié à une Commission consulaire, composée de Bonaparte et des ex-directeurs Sieyès, Roger-Ducos; Sieyès cet ex-abbé, vieux renard qui, depuis l'Assemblée nationale, avait joué le premier rôle, se flattait de pouvoir le jouer encore dans cette nouvelle réorganisation de la France. Mais

Ducos l'en détrompa après le premier Congrès consulaire, tenu le 12 Novembre, en lui disant : « Vous voyez bien que « c'est le général qui préside ». Sieyès fut tellement frappé de la hardiesse et de la supériorité de Bonaparte, qu'il déposa tout espoir en disant au sortir de cette séance à ses amis étonnés comme lui : « A présent, Messieurs, nous avons un maître, << il sait tout, il fait tout et il peut tout ».

La nouvelle Constitution dite de l'an VIII, promulguée le 24 Décembre, et acceptée par le peuple à une immense majorité, nomma premier consul Napoléon Bonaparte, second consul Cambacérès, et Lebrun troisième consul. C'est ainsi que Bonaparte, en si peu de jours, avait su se débarrasser de deux rivaux importuns. Cambacérès et Lebrun étaient pour lui d'un dévouement à toute épreuve. C'est de ce moment que Bonaparte, d'une main ferme et hardie, allait accomplir la mission que la Providence lui avait assignée et dont luimême était pénétré et convaincu jusqu'à un certain degré de fatalisme.

Arrivé au pouvoir, il s'occupa de plus en plus des intérêts de l'Eglise. Après avoir rétabli quelque peu l'ordre civil, il travailla avec une même ardeur à assurer le repos des âmes. Aux lois impies contre l'Eglise avaient succédé, il est vrai, des lois moins iniques et moins sévères, mais on suscitait toute sorte de difficultés à l'exécution.

La Convention, après la chute de Robespierre, guillotiné le 28 Juillet 1794, avait commencé à rendre des lois moins atroces contre les prêtres non constitutionnels, en décrétant, le 24 Février 1795, une espèce de liberté des cultes. Par un autre décret du 30 Mai de la même année, elle autorisait à céder, pour l'exercice des cérémonies religieuses, les églises qui n'avaient point été encore aliénées.

Le 28 Septembre fut rendu un autre décret sur la police des cultes, loi de pur esclavage. Le 25 Octobre, toujours de la même année, elle ordonna la réclusion ou la déportation des prêtres qui avaient été condamnés à ces peines en 1792 et CONCORDAT.

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