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ministère dans les pays au-delà de la domination de l'Europe, suivent tranquillement l'autorité du Saint-Siége et de la Congrégation de la Propagande. Cette autorité sera toujours l'amie de la France, et les missionnaires qui seront envoyés par la Propagande dans ces contrées, n'y porteront certainement aucun esprit d'innovation.

<< Nous vous recommandons aussi d'une manière toute spéciale les missions des îles Ioniennes. Nous désirons qu'on n'y emploie absolument que des prêtres qui professent la doctrine de l'Eglise et se conforment à sa discipline. S'il s'y rencontre des évêques résidants et titulaires de quelque église, c'est à eux de choisir les ministres du culte, et ils doivent jouir de cette juridiction qui leur appartient dans leur diocèse. S'il n'y a pas d'évêques, mais seulement des missionnaires, ils reçoivent leurs pouvoirs de la Congrégation de la Propagande, établie expressément pour le gouvernement des missions, et demeurent à son égard dans une filiale dépendance. Vous trouverez toujours dans cette Congrégation et dans les missionnaires envoyés par elle, les dispositions les plus favorables à l'accomplissement de vos desseins.

<< Nous vous faisons observer qu'on ne saurait, sans porter le plus grave préjudice à la religion, et sans ouvrir la porte à des divisions et à des bouleversements, assujétir les missions à de nouvelles lois civiles, sans l'intervention et l'approbation du Saint-Siége >>.

Voilà quelques traits du zèle que Bonaparte déploya pour les intérêts de la religion: ils suffisent pour dissiper les soupçons d'impiété ou d'indifférence que l'esprit de parti cherche à faire planer sur la mémoire de ce grand homme. Le bien fait par lui à l'Eglise, procédait des sentiments religieux qui le portèrent, à sa dernière heure, à remplir ses devoirs de catholique, et à mourir dans la communion du Saint-Siége, comme l'a si noblement chanté Manzoni, dans les dernières strophes de son ode sublime, intitulée: Il Cinque Maggio, le cinq Mai, jour de la

CONCORDAT.

mort de Napoléon; ces vers respirent la sublimité du Dante, et forment la plus belle épitaphe du grand héros (1).

Bella, immortal, benefica
Fede, ai trionfi avvezza,
Scrivi ancor questo allegrati,
Che più superba altezza
Al disonor di Golgota,
Giammai non si chinò.

Tu dalle stanche ceneri
Sperdi ogni ria parola:
Il dio che atterra e suscita,
Che affanna e che consola,
Sulla deserta cultrice
Accanto a lui posò (2).

(1) Tragedie e poesie, Milano 1858, p. 416.

(2) « Belle, immortelle, bienfaisante foi, habituée aux triomphes, enregistre encore ceci. Réjouistoi; jamais plus superbe hauteur ne s'inclina devant le déshonneur du Golgotha tu bannis toute parole coupable de ces dépouilles purifiées. Le Dieu qui atterre et qui relève, qui abat et qui console, s'est posé près de Napoléon sur le lit du désert ».

Tous les Italiens savent par cœur ces vers de Manzoni, témoignage impérissable des sentiments religieux de l'empereur, au moment de sa mort.

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CHAPITRE DOUZIÈME.

Relations personnelles entre le premier Consul et Pie VII.

Relations intimes entre Bonaparte et Pie VII; le dictionnaire chinois; les deux bricks donnés au Pape accueil fait à Rome aux marins français. - Honneurs rendus à la mémoire de Pie VI. Gravure d'un dessin relatif au Concordat. Mariage de Pauline Bonaparte avec Camille Borghèse. La mère du premier Consul à Rome.

S'il y eut jamais des relations intimes et confidentielles entre des Papes et des souverains catholiques, ce furent celles entre Pie VII et Bonaparte. Ces rapports, surtout de la part du Pape, portent souvent le caractère d'une simplicité des plus touchantes. On peut dire sans exagération que Pie VII aimait Bonaparte avec la tendresse d'un père. Nous avons déjà donné plusieurs exemples de cette affection extraordinaire: qu'il nous soit permis d'en mentionner encore quelques-uns, où l'âme angélique de Pie VII se montre avec plus de charme et d'intimité. Ce grand Pontife prenait le plus vif intérêt à tout ce qui concernait cet homme extraordinaire, à sa grandeur, à sa gloire aussi bien qu'à ses revers, et il lui conserva ces nobles sentiments après sa chute et jusqu'à sa mort.

Quelle joie n'éprouva-t-il pas à la nouvelle de l'élection du premier Consul à vie, comme M. Cacault le mande à M. de Talleyrand!

Rome, 29 thermidor an x. (17 Août 1802.)

«Citoyen ministre,

<« J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 17 thermidor, et à laquelle étaient joints les exem

plaires du Moniteur des 16 et 17 du courant, contenant les nouvelles lois constitutionnelles qui consolident et perfectionnent notre heureux gouvernement.

<< Le Pape m'a témoigné ressentir de cet événement le plus grand plaisir. Tous les étrangers en sont dans l'étonnement et l'admiration.

« J'ai célébré le 15 Août par un grand dîner des principaux français et françaises avec les cardinaux Consalvi, Bayane, etc. La joie de tous est la plus sincère. Qui ne désire pas la continuation de la vie et du pouvoir du premier Consul!

<< J'ai l'honneur, etc. »

CACAULT.

Bonaparte répondait à cette affectueuse bienveillance du Saint-Père il saisissait toutes les occasions pour le combler de toutes sortes d'attentions. Il lui envoya en cadeau le grand dictionnaire de la langue chinoise, qui venait d'être imprimé par son ordre. Pie VII ne trouve pas de paroles pour lui exprimer son admiration pour une si glorieuse et si utile entreprise (1).

Rome, 19 Septembre 1802.

<<< Très-cher fils en Jésus-Christ, salut et bénédiction apostolique.

« Nous avons appris, très-cher fils en Jésus-Christ, un de ces traits de votre sagesse, comme il en sort de ce vaste esprit, qui ne borne pas ses pensées et ses bienfaits à une seule contrée de l'Europe, si vaste et si noble qu'elle soit, mais les étend jusqu'aux régions les plus lointaines. Nous voulons parler de l'ordre que vous avez donné de publier un ouvrage dont tous les peuples, surtout les plus cultivés, retireront les plus grands avantages, c'est-à-dire l'explication des caractères de l'écriture dont se servent les Chinois. Ce décret nous est une nouvelle marque,

(1) Pièces justificatives, no 57. L'original italien aux archives de l'empire, à Paris.

non-seulement de votre désir de faciliter les relations commerciales et politiques des autres peuples avec la Chine, et de développer en Europe la connaissance des arts, des sciences et de la littérature de l'Orient, mais aussi de votre souci constant d'aider, par tous les moyens qui sont en votre pouvoir, à la propagation de la religion catholique dans ce vaste empire de la Chine, et dans les royaumes voisins du Tonquin, de la Cochinchine et de la Corée, où la foi de Jésus-Christ a déjà pénétré, et où les caractères chinois sont en usage comme dans la Chine elle-même.

<«< Voici donc, grâce à vous, très-cher fils en Jésus-Christ, nos missionnaires apostoliques en possession d'un moyen facile d'annoncer l'Evangile à ces vastes régions, et cela dans les circonstances les plus favorables. Car le jeune souverain qui vient de remplacer l'empereur Kien-long, mort récemment, leur accorde la plus ample autorisation de prêcher la foi. La difficulté d'apprendre la langue était un très-grand obstacle à la prédication; et cette difficulté venait surtout du manque d'un ouvrage imprimé qui donnât l'explication des caractères. Votre générosité lève cet obstacle, et ouvre aux ouvriers apostoliques un vaste champ, pour cueillir les fruits les plus abondants dans la vigne du Seigneur.

« C'est pourquoi nous n'avons pu nous empêcher de vous faire connaître toute la consolation que nous apporte une œuvre si salutaire et si utile à l'Eglise, et de vous adresser nos plus vifs remerciments, en vous priant de continuer à cette entreprise votre faveur et votre protection, jusqu'à ce qu'elle soit arrivée à son terme. Les souverains Pontifes nos prédécesseurs, ont essayé à diverses reprises de faire imprimer le dictionnaire chinois manuscrit, dont se servent les missionnaires de la Chine, à défaut d'un dictionnaire imprimé et ils l'auraient fait sans aucun doute, si l'immense quantité de caractères nécessaires à l'exécution de ce projet ne les eût arrêtés. Nous aussi nous avions dirigé nos préoccupations vers ce grand travail, mais vous savez si les circonstances nous permettent de songer à une œuvre, qui entrainera des dépenses aussi considérables. C'est à vous, très

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