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vous-même, des sentiments et des égards avec lesquels nous avons accueilli une personne qui vous touche de si près.

« Nous ne saurions vous exprimer combien nous avons été content d'elle, dans l'entretien que nous avons eu ensemble. Nous l'avons trouvée digne d'être votre mère.

<< Pour tout vous dire en deux mots, nous vous dirons qu'étant ici avec nous, vous pouvez la considérer comme étant avec vous-même.

<< Nous apprécions comme elles le méritent les intentions. que vous nous témoignez, en plaçant près de nous des personnes qui vous tiennent de si près, votre mère, votre sœur, votre oncle; et nous voyons en elles autant de gages d'une préférence (1), à laquelle nous sommes on ne peut plus sensible.

<< Nous ne cessons pas un instant de prier le Seigneur pour votre conservation et votre prospérité; et dans la ferme espérance qu'il exaucera ces voeux ardents, nous terminons en vous donnant, avec toute l'effusion de notre cœur paternel, notre bénédiction apostolique.

« Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, le troisième jour d'Avril 1804, l'an vo de notre pontificat ».

PIE VII, Pape.

Ce bon Pape ne cessa de combler d'égards son illustré hôtesse. Comme il était allé à Civita-Vecchia pour pourvoir aux besoins spirituels de cette ville, les habitants lui offrirent un magnifique esturgeon de cent vingt livres, pris à l'instant. Pie VII l'envoya immédiatement au cardinal Consalvi, en le chargeant de le présenter à Mme Bonaparte. Consalvi donna également un grand et somptueux dîner à la mère du premier Consul, auquel assistèrent plusieurs cardinaux, les principaux prélats en charge, la haute noblesse et le Corps diplomatique (2).

(1) Dans le texte, Preferenza : nous aurions craint d'affaiblir ce mot en y en substituant un autre en français.

(2) Le cardinal Consalvi au cardinal Caprara, 11 Avril 1804.

Le sénateur Lucien Bonaparte, autre frère du premier Consul, suivit de près sa mère, et vint aussi à Rome pour se livrer à l'étude des antiques et de l'histoire. Napoléon l'avait également recommandé à la bienveillance du Pape (1), qui, le 9 Mai 1804, lui répondit : « Lucien est une personne qui vous appartient de si près, que cela suffit pour qu'il nous soit extrêmement cher et que nous ayons des égards particuliers pour lui (2) ».

(1) Correspondance de Napoléon Ier, tom. Ix, pag. 367, n° 7618.

(2) L'original italien aux archives de l'empire, à Paris. Pièces justificatives, no 72.

CHAPITRE TREIZIÈME.

Rappel de M. Cacault que remplace le cardinal Fesch

dans la légation française à Rome.

Consalvi écrit à Caprara pour obtenir du premier Consul qu'il maintienne Cacault dans l'ambassade française à Rome. Lettres de celui-ci à Talleyrand. Lettres de Napoléon au Pape pour lui

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annoncer le remplacement de Cacault par le cardinal Fesch. Cacault informe le gouvernemen français de l'arrivée de son remplaçant. Lettre de Pie VII à Napoléon sur le même sujet. Regrets que Cacault laisse à Rome.

Pour donner à la légation française à Rome plus de lustre, et au Pape une marque d'affection plus particulière, de même que pour resserrer les liens entre la France et le Saint-Siége le plus étroitement possible, Napoléon se décida à rappeler M. Cacault, pour lui substituer le cardinal Fesch, son oncle.

Nous expliquerons, dans notre second volume, combien ce grand homme se trompa dans ce choix.

Le 9 Avril 1803, M. de Talleyrand communica à M. Cacault cette résolution de Napoléon en termes aussi honorables pour lui que pour le Pape (1). En témoignage de sa haute satisfaction des services éminents rendus par M. Cacault, dans sa longue carrière diplomatique en Italie et surtout à Rome, Napoléon chargea M. de Talleyrand de lui offrir une autre mission en Italie et de lui demander laquelle des missions de Florence ou de Naples, il préférait, ou s'il désirait une place au Sénat. On lui laissait, jusqu'à son placement définitif, son traitement d'ambassadeur qui était de 60,000 livres.

(1) Correspondance de Napoléon Ier, tom. VIII, pag. 341, no 6672.

CONCORDAT.

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Il parait que Napoléon avait déjà arrêté ce projet l'année précédente. Le cardinal-légat en avait informé le cardinal Consalvi, dès le 28 Avril 1802, sans toutefois pouvoir indiquer la personne qui succéderait à M. Cacault. Pie VII, aussi bien que son cardinal secrétaire d'Etat, fut consterné de cette triste nouvelle, et la considéra comme un sinistre présage du rappel prochain du cardinal-légat lui-même, comme le fait voir la réponse donnée par le cardinal Consalvi, au nom du Pape, au cardinal Caprara (1).

Rome, 12 Mai 1802.

« Ce que Votre Eminence mande dans sa dépêche du 28, touchant le projet d'envoyer M. Cacault à Florence et de faire venir à Rome un autre personnage (Votre Eminence ignore encore lequel), a causé la plus vive peine au Saint-Père. Le désir très-sincère qu'éprouve Sa Sainteté de conserver et d'augmenter

(1) Chez M. d'Hanssonville, Pièces justificatives, no 43, pag. 514, tom. 1. Cette dépêche fait bien voir la haute réputation dont Caprara jouissait à Rome, et l'estime particulière que le Pape et Consalvi avaient conçue pour lui, à cause des services qu'il avait rendus à l'Eglise de France. Caprara fut l'objet constant de leur plus tendre affection jusqu'au moment de la malheureuse brouillerie entre Napoléon et le Saint-Siége. Les dépêches de Consalvi, jusqu'à cette époque, sont remplies des plus grands éloges pour sa sage conduite dans le maniement des affaires. Rome fut bien affligée, quand elle apprit la nouvelle de la sérieuse maladie, dont Caprara, vers la fin de cette année, fut atteint. M. Cacault demanda aussitôt à M. de Talleyrand des nouvelles de la santé du cardinal-légat, en lui écrivant, le 23 Février 1803 : « J'ai appris hier au soir avec douleur, que le cardinal Caprara est mourant. Le Pape et M. le cardinal Consalvi, secrétaire d'Etat, en sont dans la plus grande affliction. J'attends la poste avec une extrême impatience; mais les prières publiques ordonnées à Milan pour le cardinal Caprara, ne laissent pas douter de la fâcheuse nouvelle ». Le même jour le cardinal Consalvi écrivait directement au cardinal Caprara pour avoir de ses nouvelles : «Hier soir, lui mandait-il, me frappa comme une foudre la nouvelle inattendue et très-douloureuse venant de Milan, que Votre Eminence était gravement malade, et qu'on faisait dans cette ville des prières publiques pour le recouvrement de la santé de son pasteur. (Caprara avait été nommé archevêque de Milan, tout en restant évêque administrateur de Jési, son ancien Siége.) Votre Eminence connait trop l'estime infinic, et, permettez-moi de le dire encore, l'attachement le plus tendre que je porte à sa personne, pour comprendre combien je suis affligé et navré de douleur par cette nouvelle, et quel est mon désir d'avoir des nouvelles plus rassurantes sur la conservation de sa précieuse santé, pour laquelle j'adresse à Dieu les prières les plus ferventes. Le SaintPère, auquel je fis aujourd'hui même part de ce triste événement, en a éprouvé également une affliction et une peine vraiment inexprimables, et soyez bien persuadé, Eminence, que vous ne pourriez pas désirer de son cœur paternel un intérêt plus grand et plus affectueux que celui qu'il vous porte. Que Dieu, au milieu de tant d'afflictions et de revers, daigne nous consoler bientôt par la grâce toute spéciale du recouvrement de la santé de Votre Eminence, si précieuse et si nécessaire pour le bien de l'Eglise et du Saint-Siége ».

Tel est le jugement que le cardinal Consalvi porta sur son collègue, en 1803, à Rome, et qu'il essaya vainement de détruire à Reims, en 1812. Ces dépêches de Consalvi se trouvent à Paris, parmi les papiers de la légation de Caprara; comment se fait-il que M. d'Havssonville ne les ait pas consultées ? Elles eussent empêché cet illustre écrivain d'être si injuste envers la mémoire de Caprara.

toujours le plus possible ses liens d'union et d'étroite amitié avec la France, lui fait considérer la perte de M. Cacault, comme trèspréjudiciable à la réalisation de ce vou. On ne saurait remplacer avantageusement la sagesse invariable, le jugement, la profonde raison et les bonnes manières que possède ce diplomate. L'expérience de près de deux années de séjour ici, et de tout ce qu'il a fait, le point auquel il a mené les choses, en sont la preuve évidente. On peut affirmer, en toute vérité, que, sans lui, nous n'en serions pas où nous en sommes, et peut-être la France ellemême n'en serait-elle pas où elle en est. De grâce, que Votre Eminence fasse tous ses efforts auprès du premier Consul, et qu'elle lui demande, au nom du Pape, de ne pas faire ce changement. Le Pape ne voit aucune difficulté à ce que Votre Eminence agisse franchement et directement en son nom avec le premier Consul dans cette affaire. La fin que nous nous proposons est tout à la fois trop légitime et trop obligeante pour le gouvernement français, pour qu'il y ait aucune difficulté à agir franchement, ni aucune crainte de déplaire. Le Pape voit avec beaucoup de peine qu'on n'envoie point encore ses lettres de créance à M. Cacault, et il n'en augure rien de bon. Votre Eminence nous dit qu'au lieu de traiter à Paris avec le cardinal-légat, peut-être songe-t-on à envoyer quelqu'un pour traiter à Rome. Ceci aussi a grandement surpris et affligé le Pape, qui, ayant donné à Votre Eminence la mission dont elle est chargée, sur le désir manifesté par le gouvernement français, avait lieu de croire que ce gouvernement serait ainsi pleinement satisfait. Aussi, quand Votre Eminence parle du don qui lui a été fait de l'anneau, don qui se fait ordinairement à l'occasion du départ, le Saint-Père, qui est certain de ne retirer que des avantages de la présence de Votre Eminence à Paris, en éprouve-t-il le plus vif chagrin ».

M. Cacault annonça aussitôt au cardinal Consalvi son rappel, et la destination du cardinal Fesch pour la légation de Rome. Le cardinal Consalvi ne manqua pas de lui exprimer au nom du Pape, en termes bien sentis, tout son regret au sujet de ce dou

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