Page images
PDF
EPUB

indifférentes ou même louables, mais que le despotisme des gouvernants considérait comme dangereuses; ou bien des faits moralement repréhensibles, mais dont la répression doit être abandonnée à l'opinion publique, à la conscience et à la religion.

Voilà quel fut l'ancien droit pénal en France, à une époque où le développement intellectuel et moral de la nation avait déjà fait de si grands progrès. Nous ne pouvons nous dispenser de faire ici mention d'une brochure anonyme attribuée à M de Lally-Tollendal et publiée en 1786, sous le titre Essais sur quelques changements qu'on pourrait faire dèsà-présent dans les lois criminelles de France, par un honnête homme qui, depuis qu'il connaît ces lois, n'est pas bien sûr de n'être point pendu un jour. Ce titre résume en peu de mots tout ce que nous venons de dire sur l'état pitoyable où se trouvait, à cette époque, la justice criminelle en France. Cet état des choses ne pouvait subsister plus long-temps. Une réforme du système pénal était énergiquement réclamée, non seulement par les publicistes et les jurisconsultes éclairés, mais par l'opinion publique de toutes les provinces de la monarchie, et lorsque le roi convoqua les états-généraux, les cahiers que les députés reçurent de leurs commettants, contenaient particulièrement des plaintes sur cet important objet. Le roi désirait également introduire des améliorations dans l'administration de la justice, surtout relativement au ressort et aux formes, et l'art. 28 de la déclaration d'intention du 28 juin 1789, chargeait les états de présenter au gouvernement des vues et des projets à cet égard.

L'Assemblée nationale, connue depuis sous le nom de Constituante, fut trop avide d'innovations pour se borner à présenter des vues et des projets. Elle commença ses travaux par des changements partiels, en faisant disparaître de l'ancienne procédure criminelle et du système des délits et des peines, les vices et les abus dont la réforme était le plus

impérieusement réclamée par l'opinion publique. Tel fut le but des lois du 8 et 9 octobre 1789 et de celle du mois de janvier 1790.

Bientôt l'Assemblée renversa d'un seul coup toute cette législation surannée et la remplaça par des lois et des institutions plus en harmonie avec les progrès de la civilisation et l'esprit du siècle.

La loi du 19-20 juillet 1791 institua la police municipale et la police correctionnelle, déterminant tout à la fois les formes et la pénalité.

La loi du 16-19 septembre 1791 eut pour objet la police de sûreté, la justice criminelle et l'institution du jury d'accusation et de jugement, loi destinée à régler la juridiction et les formes. Elle fut suivie d'une instruction sur la procédure criminelle, donnée par la loi du 29 septembre 21 octobre de la même année.

Enfin, la loi du 25 septembre - 10 octobre 1791 dota la France d'un nouveau Code pénal.

Les lois relatives à la procédure en matière criminelle, correctionnelle et de simple police, furent refondues dans le Code des délits et des peines, décrété par la Convention, le 3 brumaire an IV. L'objet de ce Code ne fut pas d'introduire un système nouveau, mais de réviser les lois précédentes d'après les leçons de l'expérience et les dispositions de la nouvelle constitution. Le Code de brumaire régla principalement la procédure, quoique le troisième livre statue accessoirement sur la pénalité, en établissant quelques modifications réclamées par le nouvel ordre des choses. Il confirma toutes les autres dispositions du Code pénal de 1791, ainsi que celles de la loi du 19 juillet de la même année, relative à la pénalité en matière de police correctionnelle et municipale.

Quelques lois additionnelles apportèrent dans la suite au Code pénal de 1791 et au Code de brumaire plusieurs

changements nécessités par les circonstances ou commandés par la justice.

Tel fut le système de législation criminelle indroduit en France depuis la révolution de 1789 et qui, dans la suite, fut rendu commun à la Belgique, lors de la réunion de ce pays à la république française, en 1794.

Qu'il nous soit permis de jeter un coup-d'œil sur l'état du droit pénal et de la procédure criminelle dans les PaysBas Autrichiens, avant leur réunion à la France.

Les bases sur lesquelles reposait en théorie l'administration de la justice criminelle, étaient l'édit du 5 et l'ordonnance du 9 juillet 1570, publiés par ordre de Philippe II. Le premier avait pour but de réorganiser cette branche de la justice; la seconde établissait, en matière criminelle, une procédure uniforme pour tout le pays.

Les délits et les peines n'étaient réglés par aucune loi générale. Philippe II avait, il est vrai, déclaré par l'art. 62 de l'édit du 5 juillet, l'intention de faire recueillir toutes les ordonnances pénales alors en vigueur dans les Pays-Bas ; mais ce projet resta sans exécution. Il fallait donc en matière de pénalité, avoir recours non-seulement aux édits, placards et ordonnances publiés isolément par les divers souverains, mais encore aux coutumes locales et aux usages généraux des provinces, aux statuts et réglements des villes et châtellenies, et, à défaut de ces sources, au droit romain et, dans certains cas, au droit canonique.

Dans le silence des coutumes particulières, ou lorsque celles-ci étaient douteuses, on suivait, préférablement au droit romain, la coutume générale de la province. La disposition appuyée sur trois coutumes particulières de la même

province était, d'après la jurisprudence du parlement de Flandre, considérée comme une coutume générale (1).

Les villes et les châtellenies de la Belgique avaient des statuts et des réglements particuliers pour maintenir la police et les intérêts de leurs communautés, statuts qui prononçaient certaines pénalités contre les infracteurs. Ces ordonnances politiques, comme on les appelait alors, pouvaient être réformées par les juges supérieurs, en cas que le souverain ne les eût pas confirmées; cependant elles avaient force de lois, aussi long-temps qu'elles n'étaient pas révoquées ou abolies par un usage contraire (2).

Dans tous les cas non réglés par le droit national, le juge devait consulter le droit romain, non comme raison écrite, mais comme loi supplémentaire et obligatoire

En matière criminelle, plusieurs ordonnances avaient même attribué au droit romain force de loi à défaut des édits des souverains (3). Quant à la confiscation des biens, l'art. 50 de l'ordonnance de 1570 voulait qu'on suivit les dispositions du droit romain relatives à ce genre de punition, et l'art. 73 de la dite ordonnance prescrivait formellement qu'en matière de procédure criminelle, le droit romain serait observé comme loi subsidiaire et obligatoire dans tous les cas non prévus par cette ordonnance. L'autorité de ce droit fut confirmée dans la suite par plusieurs dispositions de l'édit perpétuel de 1611, et une ordonnance de l'archiduc Léopold, du 3 mars 1649 établit que la procédure criminelle dans les tribunaux militaires serait réglée d'après la législation romaine.

(1) De Ghewiet, Institutions du droit Belgique, p. 11 et 12. (2) De Ghewiet, p. 15, 16 et 535.

(3) Art. 59 de l'édit du 5 juillet 1570. En vertu de l'art. 57 du même édit, les juges devaient « jurer et prêter serment..... de juger selon « les ordonnances, édits et mandements si aucuns en y a; si non,

[ocr errors][merged small]

Quant au droit canonique, son autorité, en matière criminelle, était d'autant plus grande que la connaissance des crimes commis par des personnes d'église était réservée aux juges ecclésiastiques qui suivaient les dispositions de ce droit (1).

Dans quelques parties de la Belgique réunies à la France sous Louis XIV et rétrocédées après un intervalle de quarantecinq ans, plusieurs ordonnances françaises étaient restées en vigueur même après cette rétrocession. C'est ainsi que l'ordonnance criminelle publiée par Louis XIV en 1670, conserva force de loi jusqu'en 1794 dans quelques parties du Hainaut et des Flandres.

Dans le Luxembourg, un certain nombre de ces ordonnances, antérieures même à celles de Louis XIV, s'étaient maintenues en pratique jusqu'à la réunion de cette province à la France.

Le pays de Liége (avec l'abbaye de Stavelot) avait également ses coutumes, mais c'étaient plutôt des coutumes prouvées qu'homologuées. Avant les coutumes et en premier lieu, il fallait consulter les édits des princes. Ces édits, en tant qu'ils introduisaient un nouveau droit, ne pouvaient être légalement rendus qu'avec l'assentiment des états appelés le sens du pays. Les ordonnances émanées du prince et des états portaient le nom de statuts. Le prince ne pouvait faire, de sa propre autorité, que des réglements de police. Plusieurs de ces ordonnances étaient considérées comme des lois fondamentales, comme des conventions faites entre le prince et le peuple, et pour ce motif on les désignait sous le nom de paix.

(1) On observait, en ce point, la constitution de l'empereur Frédéric insérée dans le Code de Justinien, où elle se trouve au bas de la loi 33 de Episcop. et Cleric. (Authent. Statuimus). Toutefois, on n'appliquait pas les peines sous lesquelles cette constitution avait défendu de traduire des ecclésiastiques devant les tribunaux séculiers. V. Zypaeus, Notit. Jur. Belg. p. 18 et 69. (Edit Antverp. 1635).

« PreviousContinue »