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SOMMAIRE.

Les relations de l'État et des églises peuvent être fondées : sur l'union absolue de l'État avec une église (régime de l'autorité, ou de la religion d'État); ou sur la séparation absolue de l'État et des églises (régime de la liberté); ou sur un système de ménagements et de concessions réciproques entre l'État et les diverses églises (les cultes reconnus, salariés, protégés, et, dans une certaine mesure, surveillés par l'État).

Le régime des religions d'État est incompatible avec la liberté de conscience et avec toutes les libertés. Le régime de la séparation absolue n'est désirable et possible que dans un État entièrement libre.

Les concordats, dans le régime mixte, doivent surmonter des difficultés de trois sortes : les unes tiennent aux conditions matérielles du culte (édifices religieux, budgets des cultes); les autres, aux rapports du culte avec les principales circonstances de la vie (naissance, mariage, éducation, décès);

les autres enfin, à la nature du dogme, et à la constitution de la hiérarchie dans les diverses églises.

La paix religieuse ne peut résulter uniquement de la loi. Elle

n'est solide et durable que quand, par le progrès de la philosophie, la tolérance est entrée dans les mœurs et les habitudes d'un peuple.

On m'engage à rendre publiques les leçons que j'ai prononcées au mois de décembre 1856 devant la Société littéraire de Gand.

Ces leçons ont été sténographiées; cependant je ne les donne pas ici absolument telles qu'elles ont été prononcées. Elles ont reçu de nouveaux développements; et même j'ai cru pouvoir me permettre, dans l'intérêt de la clarté de l'exposition, une division nouvelle. Je publie donc quatre leçons, quoique je n'en aie fait en réalité que deux.

On sent que je suis bien loin de donner ce petit livre pour un traité sur la liberté de conscience; ce n'est tout au plus qu'une esquisse.. J'offre un cadre aux études et aux méditations de ceux qui voudront bien me lire. Le chaleureux accueil que la Société littéraire de Gand a fait à mes leçons m'autorise à penser que tout incomplet et tout informe qu'il est,

le livre qui les reproduit peut encore rendre quelques services.

Tout le monde se rappelle la discussion qui a eu lieu dans les Chambres belges, à l'occasion de la dernière adresse, sur les droits de l'enseignement et la limite nécessaire de la censure épiscopale.

C'est dans cette discussion mémorable que le ministre de l'intérieur, M. de Decker, a laissé échapper à la tribune ces paroles significatives : « On dirait qu'un souffle d'intolérance est passé sur la Belgique. »

La première agression contre la liberté de conscience, et la première origine de ces débats avaient été un mandement de Mgr l'évêque de Gand, publié le 8 septembre 1856, et dans lequel l'Université de Gand et la Société littéraire étaient attaquées avec une énergie très-voisine de la violence.

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Après avoir cité les doctrines de trois professeurs de l'Université, « doctrines, disait le mandement, ouvertement fausses, mauvaises, blasphématoires et hérétiques, Monseigneur ajoutait : « Vous n'attendez pas de nous que nous réfutions de tels blasphèmes joints à une si profonde ignorance. Il suffit que nous vous les signalions; » et il chargeait, en effet, les curés d'avertir leurs paroissiens que d'immenses dangers attendaient leurs enfants, s'ils suivaient les cours de l'Université tant que de tels maîtres y enseigneraient la philosophie, l'histoire et le droit.

La Société littéraire était encore plus maltraitée. «L'esprit antireligieux et antisocial de cette société n'est plus un secret pour personne, disait le mandement. D'une part, elle met à la disposition de ses membres une bibliothèque pleine des livres les plus impies et les plus immoraux; de l'autre, elle leur donne de temps à autre des séances prétendûment littéraires, où des hommes sans foi développent hardiment les doctrines les plus perverses 1. »

Un mandement de Mgr l'évêque de Bruges, publié à la même époque, contenait absolument les mêmes doctrines. L'un et l'autre se référaient à ces paroles de l'encyclique de 1832 : « La liberté des consciences et des cultes est une maxime fausse, funeste et extravagante; - la liberté de la presse est funeste et on n'en saurait avoir trop d'horreur; la liberté d'association est une nouvelle cause d'inquiétude et d'amertume pour l'Église 3. »>

On ne peut s'étonner de l'animation produite par un tel langage dans un pays jaloux de ses droits, et qui regarde avec raison ses institutions libres comme la seule garantie de son indépendance nationale. A la rentrée de l'université libre de Bruxelles, M. Verhae

1. Voy. à la fin du volume le Mandement de Mgr l'évêque de Gand.

2. Voy. à la fin du volume le Mandement de Mgr l'évêque de Bruges.

3. Voy. à la fin du volume l'Encyclique de 1832.

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