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les yeux et les mains vers la montagne d'où nous viendra le secours, et demandons avec ardeur et supplication au Dieu à la fois tout-puissant et tout-miséricordieux, d'accorder bientôt à son Église, depuis longtemps souffrante, l'assistance qu'elle attend.

Exposition de la secrétairerie d'État.

La situation déplorable où se trouve depuis fort longtemps l'Église catholique dans l'immense étendue des possessions russes, est assurément la plus grave des causes nombreuses d'indicible sollicitude et de poignante amertume, qui tiennent dans l'angoisse l'âme dn saint-père, depuis les premiers jours de son laborieux pontificat. Bien qu'un ordre suprême, toujours et dans ces dernières années peut-être encore plus étroitement exécuté, interdise sous les peines les plus sévères, sous les peines capitales, aux évêques et aux catholiques sujets de la Russie toute libre communication avec le saint-siége pour les affaires spirituelles; et, bien qu'en dépit de demandes réitérées, et en présence de la légation russe établie à Rome, le saint-siége n'ait pas même, auprès de la cour impériale et royale, un représentant par lequel il puisse être informé du véritable état des choses de la religion dans ces contrées lointaines; cependant, malgré les difficultés et les périls, les plaintes déchirantes d'une multitude de fidèles unis d'esprit et de cœur au centre de l'unité catholique, qui sont, l'une après l'autre, arrivées au Vatican, et d'ailleurs, il y a eu un tel ensemble de faits universellement connus, qu'on n'a pu les dérober entièrement aux yeux de chef de l'Église.

Sa Sainteté savait donc quel mal fait à la religion catholique et combien a contribué à sa lamentable décadence la dépendance presque totale imposée par le gouvernement aux

évêques dans l'exercice de leur autorité et du ministère pastoral, de telle sorte que des personnes séculières et appartenant à une communion dissidente de la communion catholique, sont chargées de régler les choses ecclésiastiques et les intérêts des catholiques. Sa Sainteté savait de même qu'on avait confié à de pareils hommes, ou du moins à des hommes dépourvus de toute instruction dans les sciences sacrées, sinonimbus des principes les plus erronés, la surveillance de l'enseignement et de l'éducation du clergé séculier et régulier, dans les universités et dans les autres établissements publics, en excluant formellement de ces fonctions les évêques et les supérieurs des ordres religieux. Sa Sainteté savait à quel état de pauvreté l'enlèvement de tant de biens ecclésiastiques, propriétés de l'Église, la suppression de tant de bénéfices, de monastères et d'autres pieuses institutions avaient réduit le clergé; et que par suite de ces spoliations, il se trouvait dépourvu des moyens nécessaires à un honnête entretien du culte et des ministres sacrés dans un nombre proportionné au besoin des âmes. Sa Sainteté savait les dispositions prises au grand préjudice des ordres réguliers, dont on a bouleversé de fond en comble les saintes disciplines établies par les canons et les constitutions apostoliques, pour soustraire les diverses familles religieuses à l'autorité et à la dépendance de leurs supérieurs généraux, en les assujettissant aux ordinaires diocésains, et en leur imposant des règlements nouveaux en tout ce qui concerne la profession, les vœux monastiques, le noviciat, les études et choses semblables. Sa Sainteté savait les suites funestes, soit de la trop grande étendue des diocèses, tant dans l'empire que dans le royaume proprement dit de Pologne, soit de la vacance indéfiniment prolongée des églises épiscopales et du système doublement anticanonique en vertu duquel on en confie l'administration à d'autres évêques, déjà impuissants à remplir

auprès d'un troupeau trop nombreux leurs devoirs spirituels, pour donner à ces églises veuves des pasteurs, ou fort avancés en âge, ou dépourvus de toute force physique et morale, ou qui ne furent jamais formés pour le sanctuaire et pour le ministère de l'Église, ou que d'autres raisons rendent impropres à la grande charge de la dignité et de la juridiction épiscopale et enfin, passant sous silence beaucoup d'autres griefs, le saint-père savait qu'après avoir enlevé au clergé catholique séculier et régulier de l'un et l'autre rit, un grand nombre de leurs églises ou de leurs monastères, on avait livré ces monastères et ces églises au clergé de la religion dominante en Russie; il savait que, bouleversant de nouveau toute la hiérarchie des Grecs - Russes unis, l'oukase du 22 avril 1828 supprime l'évèché de ce rit, érigé de toute antiquité à Luck, capitale de la Volhynie. Il savait que, suivant le plan malheureusement tracé vers la fin du siècle dernier, tous les ressorts étaient mis en jeu, tous les moyens étaient employés pour séparer les Grecs unis de l'unité catholique et pour les incorporer à la communion gréco-russe.

Cette série de faits, s'appuyant les uns les autres, et tendant tous à détruire le bien-être spirituel d'environ douze millions de catholiques épars dans l'empire réuni de Russie et de Pologne, ne pouvait qu'affliger profondément le cœur paternel de Sa Sainteté; en effet, Dieu, qui lui a confié le soin de ces douze millions d'âmes, lui en demandera un compte sévère; et sa douleur ne diminuait pas, lorsque, comparant les actes aux promesses, la saint-père relisait, nonseulement les antiques et solennels engagements pris, dès l'année 1773, par le gouvernement russe, de conserver le statu quo de la religion catholique dans les provinces cédées à la Russie, mais encore les protestations toutes récentes et fort explicites par lesquelles ce gouvernement promit, à di

verses reprises, d'accorder sa protection, sa bienveillance au culte catholique et à ceux qui le professent. Le saint-père put donc croire que ce qui se passait dans les possessions russes était dû aux manœuvres des ennemis de notre religion; lesquels, par les calomnies, par les insinuations de leur malice, excitant la colère et les défiances du gouvernement contre les sujets catholiques de l'un et de l'autre rit, l'auraient ainsi poussé à ces résolutions extrêmes d'une déplorable vengeance, en dépit de traités solennellement conclus, de promesses maintes fois renouvelées, et de ces intentions paternelles, de cette bonté miséricordieuse, apanage naturel du puissant souverain. Et l'on comprend que les premières et les plus vives sollicitudes du saint-père, dès qu'il eut pris le gouvernement universel de l'Église, le portèrent à entreprendre de réparer, autant que cela était possible, ces lamentables désastres de la religión catholique en Russie et en Pologne, d'éloigner les causes funestes qui semblaient les avoir amenées, et de réclamer, dans ce but, la protection et la faveur impériales.

Le royaume de Pologne était alors en proie à un coupable esprit de sédition, et entièrement bouleversé par des événements politiques qui sont trop connus. Le saint-père, maître universel de la grande famille catholique, dépositaire jaloux et zélé soutien des doctrines sans tache d'une religion, aux yeux de laquelle a été et sera toujours sacrée, entre les autres, la maxime de la parfaite fidélité, de la soumission et de l'obéissance dues par les sujets au souverain temporel dans l'ordre civil, vit le besoin, et sentit le devoir de rappeler et d'inculquer cette maxime, dans cette occasion, à la nation polonaise, de peur que les passions du temps et les conseils trompeurs de ceux qui osaient abuser du saint nom de la religion, pour leurs desseins pervers, ne réussissent à l'altérer et à le détruire parmi ce peuple; et aussi afin

d'empêcher que le débordement des maux sans nombre dont une conduite opposée aux immuables principes catholiques devait inévitablement être la source, ne retombât malheureusement et vers cette chère et nombreuse portion de ses fils séduits par la méchanceté de quelques-uns, et sur la religion elle-même, déjà si maltraitée et si affligée en Pologne. Mue par ces sentiments, Sa Sainteté adressa sans délai une lettre aux évêques de ce malheureux pays, pour les exciter à l'accomplissement de l'obligation attachée à leur sacré ministère, les conjurer d'entretenir dans le clergé et dans le peuple la fidélité, la subordination, la paix, et de rappeler à l'un et à l'autre la grave faute dont se rendent coupables devant Dieu et devant l'Église, ceux qui résistent à la puissance légitime. Et, comme il y eut quelque raison de croire que peut-être, par l'effet même des choses publiques, la voix du suprême pasteur n'était point parvenue jusque dans ces contrées, le saint-père, déférant d'ailleurs à la demande qui lui en fut faite au nom de l'auguste empereur et roi par son ministre plénipotentiaire, le prince Gagurin voulut bien renouveler ses tendres et sages avertissements aux évêques du royaume, dans le but de coopérer, par leur moyen, à la perpétuité, à la consolidation de l'ordre politique, depuis peu rétabli en Pologne, et de ramener, en particulier, dans la voie du devoir, les membres du clergé qui, par malheur, s'en seraient écartés.

Mais les cruelles angoisses qu'il renfermait au fond de son cœur à la vue du triste état des choses catholiques dans les domaines royaux et impériaux ne lui permirent point de laisser passer cette occasion favorable sans la mettre à profit. Heureux qu'elle se fût présentée, et désirant avec sollicitude s'en prévaloir, il voulut que, conjointement avec sa seconde lettre aux évêques, on fît parvenir, de la secrétairerie d'État, au ministère russe, un exposé des divers maux con

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