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secrètes dont il est l'objet. Après un an de combat, la France catholique est obligée de faire retraite. Pourtant on assuroit qu'elle avoit l'appui de M. l'archevêque de Paris; un prédicateur bien-aimé du prélat y donnoit ses soins. Que faut-il conclure de cette disparition? Est-elle le résultat de quelques-unes de ces négociations dont les Tablettes universelles ont donné le premier scandale? Est-ce la prudence de M. Frayssinous qui étouffe des écrits propres, selon lui, à entretenir la division dans le temple du Seigneur? et la préface ministérielle dont il a enrichi la nouvelle édition de son livre sur les libertés gallicanes a-t-elle suffi pour effrayer des prêtres indépendans? ou bien, ce qui n'est pas moins digne de remarque, et ce qui nous semble plus probable, le clergé de France est-il si éloigné des opinions de Bossuet, qu'un recueil écrit par ses disciples ne puisse trouver quelque faveur? N'y a-t-il donc plus réellement que des vieillards, derniers débris échappés à l'exil et à la persécution, qui puissent se plaire encore à suivre et à défendre des maximes proscrites par les nouveaux docteurs et délaissées par la jeunesse des séminaires? Ainsi la question va de jour en jour se précisant davantage, entre la religion romaine, d'une part, le protestantisme et la philosophie, de l'autre. En vain quelques politiques à transactions et quelques héritiers des opinions parlementaires s'obstinent à vouloir relever le gallicanisme : ce devroit être son sort de mourir, lorsqu'il y auroit pleine connoissance, pleine franchise dans les deux seules écoles qui peuvent réellement se disputer le monde. Il faut aujourd'hui ou rejeter complètement le principe de l'autorité, ou l'accepter sans réserve. L'unité catholique se compose du concile, d'une part, et du Saint-Siége, de l'autre, mais liés d'une indissoluble union. Stipuler des libertés particulières à une église, c'est dissoudre l'unité. Et que le tort vienne du souverain Pontife qui envahit le droit des églises, ou des églises qui se révoltent contre le souverain Pontife, il n'importe, la séparation existe ; il n'y a plus de catholicisme; c'est reconnoître le droit d'examen, c'est proclamer la souveraineté nationale en matière de religion; c'est un protestantisme de discipline, qui doit tôt ou tard amener le protestantisme contre le dogme. On conçoit que, lorsque les esprits n'étoient ni assez éclairés ni assez hardis pour prévoir et déduire les conséquences, on ait pu s'arrêter à ce tempérament diplomatique d'un concile d'évêques unis à un roi contre le Saint-Siége, et maintenant le dogme par la force, lorsqu'ils rompoient la discipline par le raisonnement. Mais aujourd'hui

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que le gallicanisme a porté tous ses fruits, qu'il s'est allié à toutes les idées de liberté politique, comment les catholiques ne sentiroient-ils pas son défaut? et comment, d'autre part, les libres penseurs en religion, ceux qui, sympathisant avec tous les cultes, avec tous les systèmes, n'en veulent admettre aucun au gouvernement de l'état; comment, dis-je, les libres penseurs pourroient-ils reconnoître la déclaration de 1682, c'est-à-dire une confession de foi qui permet au souverain et aux évêques réunis de régler la conscience religieuse d'une nation? Comment les amis de la liberté pourroient-ils se ranger sous le drapeau de Bossuet, qui maudit tant de fois l'Angleterre à cause de la division des sectes, qui approuva toutes les intrigues pour les ramener à l'unité, qui arma enfin le bras de Louis XIV contre les Protestants?

» A qui donc pouvoient s'adresser les rédacteurs de la France catholique? A quelques vieux sorbonnistes, à quelques publicistes véritablement indifférents en religion, mais heureux de pouvoir trouver des armes contre le jésuitisme dans un arsenal à moitié saint. Pour nous, gens de ce siècle, ou jésuites ou philosophes décidés, qu'y avoit-il à apprendre dans ces dissertations et dans ces réglemens d'un autre âge? Plus curieux et moins passionnés, les philosophes ont pu contempler avec l'intérêt qu'on accorde au courage cet effort du gallicanisme, dernière et honorable lutte d'hommes de bonne foi descendant dans la tombe avec leur église; ils ont pu s'attendrir à ces lamentations sorties des ruines de Port-Royal, mais voilà tout. Et cependant les jeunes milices du nouveau sacerdoce battoient des mains au passage de la charrue jésuitique, et creusoient avec une grande joie le sillon qui effaçoit la dernière trace de leurs anciens sur la terre de France. Ni l'appui des politiques du jour, ni les éloquentes prédications du grand poète (1) qui ranima le catholicisme français il y a vingt-cinq ans, n'ont pu soutenir ce qui tomboit. Les arrêts des cours ne feront pas mieux. Le protestantisme lui-même est à peine assez fort pour se défendre : la philosophie seule a des armes puissantes. Rome le sait bien, et M. de la

(1) Peu accoutumés à chercher les prédicateurs et les restaurateurs de la religion parmi les poètes, nous avons eu d'abord quelque peine à deviner de qui le Globe avoit intention de parler. Mais d'autres articles du même journal nous ont donné lieu de croire qu'il s'agit ici du célèbre auteur d'Atala,

Mennais ne s'y est pas mépris: aussi est-ce aux philosophes qu'il s'est attaqué tout d'abord. L'avenir apprendra où étoient la véritable intelligence des besoins du siècle et les ressources de la victoire; mais on peut déjà le prévoir aux terreurs, aux colères de l'Église ultramontaine. La philosophie est tranquille; elle compte les quatre derniers siècles qui viennent de passer, elle regarde le vieux continent et tous ces peuples nouveaux qui viennent à elle, et elle se dit avec sécurité : 11 n'y a plus de Vatican; » comme jadis les chrétiens, nés de la veille, répétoient au pied de la statue de la Victoire, ébranlée de leurs cris : « Il n'y a plus de Capitole, il n'y a plus de boucliers tombés du ciel. » (Le Globe, Tom. III, n°. 15, p. 78, col. 1 et 2.)

Eh bien, lecteurs, que vous en semble? que dites-vous de cette franchise libérale? s'exprime-t-elle d'une manière assez claire? peut-on rien désirer, rien demander de plus positif? Jamais ultramontain est-il allé aussi loin, et jamais proposition plus mal-sonnante a-t-elle effrayé les oreilles gallicanes d'une cour royale? Comment M. le Procureur du Roi a-t-il pu entendre ces paroles sans frémir? Quoi ! l'unité catholique se compose du Saint-Siége et du Concile unis d'une indissoluble union! Stipuler des libertés particulières, c'est dissoudre l'unité, c'est reconnoître le droit d'examen, c'est proclamer la souveraineté nationale en matière de religion, c'est détruire le catholicisme; en un mot, C'EST UN PROTESTANTISME DE DISCIPLINE, QUI DOIT AMENER UN PROTESTANTISME DE DOGME! en sorte qu'il faut rejeter COMPLÈTEMENT le système d'autorité ou l'admettre SANS RESERVE!.... Ainsi donc, voilà la question réduite à sa plus simple expression: Tout ou rien; le catholicisme pur ou l'incrédulité absolue; il n'y a plus de milieu. Le protestantisme lui-même, qui n'a plus la force de se défendre, est honteusement exclu avec le gallicanisme, dont le sort devoit être de mourir quand il auroit porté tous ses fruits; et voici le monde placé entre l'Église romaine et la moderne phi

losophie. Il faut qu'il soit le domaine de l'une ou qu'il de vienne la proie de l'autre ; et l'on comprend aisément ce que doit être la philosophie de libres penseurs qui, sympathisant avec tous les cultes, N'en veulent admettre aucun. Aussi, elle est tranquille, disent-ils; elle compte les quatre derniers siècles, et regardant le vieux continent et les peuples nouveaux qui viennent à elle, elle dit avec sécurité : IL N'Y A PLUS DE VATICAN !... Ici, nous l'arrêterons; trop d'ardeur l'emporte. Sa joie est un peu précoce, et ce n'est pas encore le temps d'entonner l'hymne de victoire. Cent fois déjà, elle a hasardé cette orgueilleuse prédiction, et cent fois la divine Providence l'a démentie. Quoi qu'elle en dise, l'Église ultramontaine n'a ni colères, ni terreurs; car elle sait ce que la philosophie ne sait pas, ce qu'elle ne veut pas savoir, qu'il a été dit il y a dix-huit siècles une parole qui ne passera pas: NON PREV ALEBUNT !

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Le comte O'MAHONY.

Lettre au Rédacteur.

MONSIEUR LE Rédacteur,

Me sera-t-il permis de vous faire part, quoiqu'un peu tard, des réflexions que m'a suggérées la lecture de l'arrêt de la cour royale, qui a acquitté le Courrier et le Constitutionnel? Ne craignez aucune indiscrétion; j'ai pour cet arrêt tout le respect qu'il mérite, et je crois qu'il manifeste suffisamment à toute l'Europe l'esprit et les sentiments religieux qui animent les magistrats qui l'ont prononcé. Mais une autre idée m'occupe, et je veux vous la communiquer, afin que vous en fassiez part au public, si vous la jugez digne d'attirer son attention.

Dans le considérant, si plein de sagesse, de l'arrêt, il est dit

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que les attaques livrées par quelques écrivains aux libertés de l'église gallicane sont une circonstance qui atténue aux yeux de la cour les sarcasmes, les dérisions, les impiétés que le Courrier a pu se permettre. Un des écrits audacieux où l'on ose émettre une opinion contraire à la déclaration de 1682, vient d'être dénoncé à la cour, et il n'y a point de doute que ce délit, bien autrement grief que les peccadilles des deux gazettiers, ne soit sévèrement réprimé. La cour s'est déjà suffisamment expliquée, tant elle craignoit qu'on pût douter de son zèle; elle a préjugé la cause et ne peut plus hésiter sans une inconséquence dont assurément elle n'est pas capable. Un crime près duquel les impiétés perdent de leur grièveté et doivent être excusées, est sans contredit un crime énorme, et ne peut être trop puni.

Mais tout en applaudissant, comme je le dois, aux décisions de la cour et au zèle éclairé de nos magistrats, je ne puis m'empêcher de penser qu'il est pourtant fâcheux qu'on puisse tout attaquer dans la religion, absolument tout, excepté la seule déclaration de 1682. Pourquoi cette exception, cette restriction à la liberté de tout penser et de dire tout ce qu'on pense ? J'aime la liberté comme un autre, et je ne viens pas réclamer contre celle qu'on laisse au Courrier et au Constitutionnel de continuer comme ils ont commencé; mais on ne peut trouver mauvais que j'insinue un moyen d'attaquer la déclaration ellemême, sans se rendre plus coupable que si l'on attaquoit seulement l'existence de Dieu, la divinité de Jésus-Christ, la présence réelle, ou quelque autre que ce soit de ces dogmes pour lesquels l'état n'a point de loi, et que les magistrats ne se croient pas chargés de défendre.

Voici mon idée. La déclaration de 1682 est une loi de l'état ; il n'y a pas moyen d'en douter; la cour l'a défini, et, au défaut de toute raison, le respect obligeroit de le croire. Est-ce une loi civile, est-ce une loi religieuse? Voilà tout ce qu'on peut demander. La cour n'a rien décidé là-dessus; mais, à son défaut, la raison décidera qu'une déclaration doctrinale, si tant est

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