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ne peut approuver les vingt-six premières pages du chap. 13 de l'ESSAI. Et moi, mon cher Monsieur, je vous déclare avec toute l'infaillibilité de mes sens, de mon sentiment intime et de ma raison, non-seulement que la chose est possible, mais qu'elle existe réellement de fait. Ainsi, de deux choses l'une : ou bien ôtez-moi mon infaillibilité, et alors que devient votre système? ou bien avouez que vous vous trompez, et alors que devient-il encore? En vérité, Monsieur G***, je vous trouve plaisant dans votre manière d'argumenter contre M. de la M. Il vous dit : la plus grande certitude est dans l'autorité, la raison universelle, le sens commun. Vous êtes un imbécille, lui répliquez-vous; pour avoir raison, pour être souverainement certain, vous n'avez besoin ni de l'autorité ni de l'assentiment de personne : votre infaillibilité personnelle vous suffit. Cela est si vrai, que je ne vous condamne que parce que vous n'avez pas encore tout le monde pour vous, et surtout parce que vous ne pensez pas comme moi.

Vous trouvez mauvais qu'à la première demande : Etes-vous raisonnable? je réponde humblement : Je táche de l'étre. Cependant, mon cher Monsieur, vous voyez que j'avois bien raison d'être humble et modeste, puisque je n'ai pas encore l'honneur de penser comme vous. J'aurois répondu, dites-vous, oui, je le suis. Je le crois, Monsieur, d'autant plus facilement que, comme vous le donnez à entendre, on n'a pas besoin d'avoir le sens commun pour être raisonnable. Ensuite, à propos de la demande et de la réponse suivantes : « Qui est-ce que les hommes tiennent pour fou? R. Quiconque ne suit pas le sens commun dans ses jugements et sa conduite. » Vous m'adjurez par ce qu'il y a de plus sacré de dire quel avantage il peut résulter de pareilles questions. En vérité, Monsieur G***, je ne sais trop que répondre : car je ne croyois pas que tout cela vous touchât de si près.

Enfin, vous avez gémi, vous avez été profondément affligé, après avoir lu mon chap. xix : et vous finissez en effet

par me

déclarer coupable de fouler aux pieds la doctrine de l'Évangile, les préceptes des apôtres et l'enseignement de l'Eglise catholique. Et pourquoi donc ces profonds gémissements? pourquoi ces foudroyants anathèmes? Le voici : 1°. parce que je soutiens qu'un souverain temporel ne peut pas obliger ses sujets à regarder comme vrai ce qui est faux, à rejeter des vérités appuyées sur l'autorité des siècles, pour embrasser des erreurs inventées par quelque individu et hautement condamnées par la société universelle des chrétiens. 2°. Parce que je pense qu'un gouvernement temporel ne doit pas une égale protection à toutes les religions, bonnes ou mauvaises, vraies ou fausses. 3o. Parcé que je ne crois pas que toutes les religions soient également bonnes et vraies. Voilà, Monsieur G***, ce qui m'attire votre courroux et vos anathèmes. Mais quoi! parce que je soutiens avec Saint Paul qu'il n'y a qu'une foi, qu'une vérité, comme il n'y a qu'un Dieu, je foule aux pieds les préceptes des apôtres ? Quoi! parce que je dis avec J. C. que ni roi ni sujet ne peut ni ne doit servir à la fois deux maîtres, Dieu et Baal, la vérité et le mensonge, la lumière et les ténèbres, je foule aux pieds la doctrine de l'Evangile? Quoi! parce que j'enseigne avec les saints et les martyrs qu'aucune puissance ne peut nous obliger de trahir la vérité et de servir l'erreur, je foule aux pieds l'enseignement de l'Eglise catholique ? Que vous le pensiez, Monsieur G***, ainsi que vos collaborateurs, cela peut être; mais alors vous devriez intituler votre Journal, non plus simplement Tablettes du Clergé, mais Tablettes du Clergé anglican, constitutionnel ou apostat.

J'ai l'honneur d'être, etc.,

ROHRBACHER,

Supérieur des missionnaires du diocèse de Nancy.

RÉFLEXIONS SUR LE PROCÈS INTENTÉ A M. WAILLE, AU SUJET DE L'ÉCRIT INTITULÉ: Lettre de Satan aux francs-maçons.

Les dénonciations que Me Dupin a faites dans son plaidoyer pour le Constitutionnel continuent d'avoir leur effet. On se rappelle que, sur une de ces dénonciations, M. l'abbé Würtz a été traduit devant les tribunaux, pour avoir écrit contre les quatre articles. M. Würtz ayant été acquitté, le Constitutionnel a repris une seconde dénonciation de Me Dupin, et a demandé la condamnation de l'écrit intitulé : Lettré de Satan aux francs-maçons, suivie d'une Réponse à Satan. Cette brochure, imprimée depuis plusieurs mois, était déjà oubliée, lorsque le ministère public s'est réveillé aux cris du Constitutionnel, et s'est rappelé les recommandations de M. Dupin à M. le procureur général. Tel est l'origine de ce procès, les journaux libéraux en ont fait eux-mêmes remarque : « Ce qu'il y a de singulier dans ce procès, dit le » Courrier, c'est son origine; car tout porte à croire qu'il est » né de l'accusation de tendance dirigée, il y a quelque temps, » contre les journaux de l'opposition, accusation dont cer> taines personnes n'attendaient pas sans doute un tel ré»sultat. On se rappelle peut-être que l'un des défenseurs de ces journaux a signalé, parmi les ouvrages destinés ›à propager les doctrines subversives de nos libertés, une » petite brochure envoyée aux abonnés du Mémorial catho lique avec leur journal, et ayant pour titre : Lettre de Satan » aux francs-maçons, etc. Ce sont les passages de cette » brochure, cités lors du procès de tendance, qui ont mo-' » tivé la poursuite dirigée par le ministère public contre

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» MM. Waille, éditeur, Lachevardière, imprimeur, et Potey, » libraire (1). »

M. Bérard des Glajeux, substitut de M. le procureur du Roi, a été chargé de faire condamner l'ouvrage dénoncé par Mr. Dupin, et de requérir l'emprisonnement de M. Waille, éditeur. Plusieurs motifs, qu'on expliquera quand il en sera temps, devoient le déterminer à récuser cette commission, et lui en donnoient la facilité. Il l'a remplie, au contraire, avec un zèle de substitut, qui a étonné, dit-on, ses amis mêmes. Une condamnation ne lui suffisait pas, il a demandé en outre celle de l'imprimeur et celle du libraire; il a produit contre M. Waille quatre chefs d'accusation, dont un seul a été pris en considération par le tribunal; en un mot, Mr. Dupin, s'il eût été chargé de soutenir lui-même la dé¬ nonciation dont il est l'auteur, n'y eût pas mis plus d'énergie et de rigueur, et n'eût pas témoigné une plus grande ferveur de condamnation.

Écoutons à son tour M. Waille, qui nous adresse la lettre

suivante.

MONSIEUR LE RÉDACTEUR,

Paris, le 23 février 1826.

J'ai été condamné, le 22 du courant, par le tribunal de police correctionnelle, à un mois de prison, 100 francs d'amende et aux dépens, pour avoir fait imprimer une brochure intitulée Lettre de Satan aux francs - maçons, suivie d'une Réponse à Satan. M. Bérard des Glajeux, substitut de M. le procureur du Roi, a soutenu, contre quatre passages de cet écrit, autant de chefs d'accusation, que voici: Attaque contre l'autorité constitutionnelle du Roi et des Chambres, Provocation à la désobéissance aux lois, Excitation à la haine et au mépris du Roi, Attaque contre l'article 5 de la charte. Je n'ai répondu que par quel

(1) Le Courrier français, no du 33 février.

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ques explications au sujet de chaque passage incriminé, en protestant de ma conviction profonde, et non en faisant valoir mes intentions et ma bonne foi comme excuse, ainsi que l'a rapporté, très-faussement, la Gazette des tribunaux. J'ai ajouté simplement, qu'une condamnation ne saurait m'empêcher d'aimer le Roi, d'être chrétien, surtout catholique, autant et plus que par le passé. Enfin, le tribunal écartant les trois premiers chefs d'accusation, a đéclaré, que le dernier passage incriminé renfermoit une attaque contre l'article 5 de la charte, quoique je me sois soigneusement attaché à distinguer la liberté des cultes ou tolérance civile, que personne ne conteste, d'un système législatif, indifférent à toute doctrine religieuse, indépendant de la loi divine, athée en un mot, que j'appelle un chef-d'œuvre d'impiété, et que tout catholique doit combattre.

M. Bérard des Glajeux a prétendu qu'il ne pouvait y avoir avec moi, simple éditeur, aucune discussion personnelle, c'est-à-dire qu'il falloit me condamner, qu'une victime était nécessaire, pour donner une leçon à ce parti ultramontain (on sait ce que signifie ce mot aujourd'hui), et voilà tout. Je dois à ma conscience d'expliquer cette énigme, de faire une révélation qui, après tout, sera utile à la religion, parce que son esprit est d'agir à découvert et de parler sur les toits, et que ses vrais disciples doivent se distinguer de ceux qui la trahiroient dans l'occasion. Je le dis hautement, mais sans fiel, sans animosité, et en pardonnant de bon cœur à cette nouvelle race de persécuteurs qui s'élève : la discussion étoit plus personnelle qu'on ne pense. Cette affaire, Monsieur, avait mis en présence l'un de l'autre un congréganiste, que mon respect pour le ministère public ne me permet pas de qualifier, et un congréganiste franc, sincère, qui hait la bassesse et l'intrigue, soumis d'abord à la loi divine, et ensuite aux lois humaines.

Veuillez, monsieur le Rédacteur, insérer cette lettre dans votre plus prochain numéro, si vous jugez, comme moi, qu'elle doive être communiquée au public.

Votre très-humble et très-obéissant serviteur,

WAILLE.

Nous ferons observer que la Gazette des tribunaux, dont

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