Page images
PDF
EPUB

ww

DE QUELQUES ARTICLES DE JOURNAUX,

Relativement à la dernière brochure de M. l'ABBÉ F. DE LA MENNAIS, intitulée : Quelques réflexions sur le procès du Cons, situtionnel et du Courier, et sur les arrêts rendus à cette occasion par la Cour Royale (1),

Toute la France avoit fixé ses regards sur ce procès mémorable. Les outrages prodigués depuis plusieurs années par ces journaux à la religion catholique, à son culte, à sa hiérarchie, à ses ministres; les doctrines établies par leurs défenseurs, le Clergé français dénoncé en masse par ces avocats comme ennemis du trône, leur appel au gouvernement pour qu'on mît des entraves légales aux communications avec le centre de la catholicité, la vengeance des lois invoquée contre un prêtre vénérable qui avoit écrit contre les quatre articles si chers au Constitutionnel et au Courrier; enfin, toutes ces attaques placées par les défenseurs des journaux inculpés sous la protection de la fameuse déclaration de 1682; toutes ces circonstances avoient fait sentir généralement que l'issue de ce procès, quelle qu'elle fût, auroit de longues et graves conséquences. Lorsque les arrêts de la Cour Royale ont été rendus, le Clergé de France les a entendus d'abord dans un morne silence; mais bientôt une voix s'est élevée, et c'étoit celle qui ne s'est jamais tue toutes les fois qu'il s'est agi des intérêts de la religion. M. l'abbé de la Mennais a su concilier le respect légal dû à la magistrature, avec le droit non moins légal de défendre la véritable liberté de l'Église. A peine sa brochure a-t-elle été publiée, qu'elle s'est répandue avec rapidité dans toutes les parties de la France : la première édition a

(1) Brochure in-8°; prix : 1 fr., et 1 fr. 20 c. par la poste. Au bureau du Mémorial catholique.

» Qu'y a-t-il à cela de déraisonnable? N'est-ce pas une ombre » foible de notre hiérarchie céleste?... »

>>Le second objet de nos reproches est la multitude des dieux » admis au gouvernement du monde... Mettons à quartier les » généalogies de tous ces dieux aussi fausses que celles qu'on » imprime tous les jours des hommes ;... en bonne foi, où sera » la bêtise d'avoir adopté des êtres du second ordre, lesquels ont » quelque pouvoir sur nous, qui sommes peut-être du cent millième ordre? Y a-t-il là une mauvaise philosophie, une mauvaise physique? N'avons-nous pas neuf choeurs d'esprits » célestes plus anciens; que l'homme? Plusieurs anges n'ont-ils » pas leurs fonctions assignées?..... (1) Ces esprits célestes sont » souvent appelés Dieux dans l'Ecriture; car chez tous les peuples le mot qui répond à celui de Theos, Deus, Dieu, » ne signifie pas toujours le maître absolu du ciel et de la terre ; » il signifie souvent être céleste, être supérieur à l'homme, » mais dépendant du souverain de la nature; il est même donné » quelquefois à des princes, à des juges... (2) »

[ocr errors]

Quant à l'attente universelle d'un médiateur, on connoît ce passage de Boullanger, que nous citerons cependant, après M. de la Mennais, en l'abrégeant: « Les Romains, tout répu» blicains qu'ils étoient, attendoient, du temps de Cicéron, un » roi prédit par les Sybilles, comme on le voit dans le livre de » la divination de cet orateur philosophe... C'est une anecdote

(1) Bossuet avoit dit : « Quand je vois dans les Prophètes et l'Apocalypse, » et dans l'Evangile même, cet ange des Perses, cet ange des Grecs et cet ange des Juifs, l'ange des eaux, l'ange du feu et ainsi des autres, et quand je vois parmi ces saints anges celui qui met sur l'autel le céleste encens » des prières, je reconnais dans ces paroles une espèce de médiation des

[merged small][ocr errors]

saints anges. Je vois même le fondement qui a pu donner occasion aux

païens de distribuer leurs divinités dans les éléments et dans les royau

[ocr errors]

mes pour y présider; car toute erreur est fondée sur quelque vérité

› dont on abuse... (Préface des Explications de l'Apocalypse.)

[blocks in formation]

» de l'histoire romaine, à laquelle on n'a pas fait toute l'atten» tion qu'elle mérite... »

« L'oracle de Delphes, comme on le voit dans Plutarque, >> étoit dépositaire d'une ancienne et secrète prophétie sur la » future naissance d'un fils d'Apollon, qui amèneroit le règne de » la justice; et tout le paganisme grec et égyptien avoit une >> multitude d'oracles, qu'il ne comprenoit pas, mais qui tous » déceloient de même cette chimère universelle... Les autres na» tions de la terre n'ont pas moins donné dans ces étranges >> visions... Les Chinois attendent un phelo, les Japonais un » peyrum et un combadoxi, les Siamois un sommona-codom... >> Tous les Américains attendoient du côté de l'orient, qu'on » pourroit appeler le pôle de l'espérance de toutes les nations, » des enfants du soleil... Enfin il n'y a eu aucun peuple qui » n'ait eu son expectative de cette espèce '(1).' »

Voltaire ne s'exprime pas sur ce point d'une manière moins remarquable que Boullanger : « C'étoit, de temps immémorial, >> une maxime chez les Indiens et les Chinois, que le sage vien» droit de l'occident. L'Europe disoit, au contraire, que le sage >> viendroit de l'orient. Toutes les nations ont eu toujours besoin » d'un sage (2). »

Enfin, si vous voulez savoir sur quoi se fondoit cette attente générale, Volney vous le dira : « Les traditions mythologiques » et sacrées des temps antérieurs avoient répandu dans toute » l'Asie la croyance d'un grand médiateur qui devoit venir, » d'un juge final, d'un sauveur futur, roi, dieu, conquérant » et législateur, qui rameneroit l'âge d'or sur la terre et délivre>> roit les hommes de l'empire du mal (3). » ·

L'importance des aveux que nous venons de recueillir nous fera pardonner la longueur de nos citations. Il est done vrai que toujours la tradition conserva comme un héritage inaliénable

(1) L'Antiquité dévoilée par ses usages, tom. II, liv. IV, chap. 3.

(2) Additions à l'Histoire générale.

(3) Les Ruines.

été presqu'aussitôt épuisée. On peut juger de l'impression qu'elle a produite par l'empressement que tous les journaux ont mis à en parler. D'une part, la Quotidienne, le Drapeau Blanc, l'Etoile, l'Ami de la Religion se sont accordés à en donner de longs extraits de l'autre, les feuilles révolutionnaires se sont hâtées d'y répondre par des outrages. Deux surtout se sont distinguées en ce genre, le Constitutionnel et le Journal des Débats.

:

Le Constitutionnel commence par déclarer que M. l'abbé de la Mennais est un écrivain sans talent, qu'il n'y a dans son style que quelques mots diversement combinés, et que l'esprit de parti lui a fait une réputation qui s'évanouiroit bientôt si le bon sens et le bon goût reprenoient quelqu'empire en France. Comment, au siècle des lumières, il n'y a plus de bon sens en France, et c'est vous qui le dites! Quoi qu'il en soit, M. de la Mennais a tort dans sa brochure, puisque dans l'Essai sur l'indifférence il parle de néant, de cadavre, de poussière, de sacrilege, etc.; et comme le Constitutionnel a vu, on ne sait comment, ces mats diversement combinés dans sa brochure, où on n'en trouve pas un seul, évidemment on n'y trouve rien : première réponse très-concluante.

Le Constitutionnel déclare aussi (car c'est le moment des déclarations), que M. de la Mennais puise ses figures de rhétorique dans les ouvrages méprisés du père Garasse ; qu'il aspire à persécuter, qu'il veut du fanatisme pour avoir des torches ; et remarquez que ce journal entremêle ces figures de rhétorique, puisées sans doute dans les écrits vénérés du père Duchesne, d'une exhortation touchante, où, d'un ton doux, simple, véridique et modeste, il prêche la mansuétude évangélique, avec toute l'onction d'un homine qui en doune à la fois le précepte et l'exemple : seconde réponse non moins concluante que la première.

Le Constitutionnel déclare, en troisième lieu, que toute la brochure de M. de la Mennais ne prouve rien, attendu qu'il prend pour base de ses raisonnements les réquisitoires du minis

tère public, et qu'il regarde comme prouvé, malgré les arrêts de la justice, tout ce qui a été en question. Or, quiconque a lu la brochure sait que M. de la Mennais ne rappelle les accusations contenues dans les réquisitoires, que pour constater l'état de la question, sur laquelle la Cour avoit à prononcer, et qu'il ne prend pour base de ses raisonnements, que les aveux formels des avocats des deux journaux. Donc, troisième réponse trèsconcluante, excepté pour ceux qui ont lu la brochure.

Le Constitutionnel déclare en dernier lieu, que M Dupin n'a jamais eu, à Dieu ne plaise, l'intention d'attaquer l'église romaine; que les paroles de son plaidoyer, si éminemment catholique, ont été mal interprétées; qu'il vouloit seulement parler des Jésuites ; et enfin que si un homme aussi fort de raison, aussi passionné pour la liberté, s'est permis de dénoncer à M. le Procureur-Général un théologien qui avoit pris la liberté de raisonner, c'est que l'éloquent orateur a été entraîné par son zèle pour les libertés de l'Église gallicane. D'où le Constitutionnel conclut enfin qu'il faut étre stupide pour admirer les déclamations de M. de la Mennais. Quelque forte que soit cette logique du Constitutionnel, sa réponse nous laisse encore quelque chose à désirer. Dans la seconde partie de sa brochure, M. de la Mennais a soutenu que, sous le régime de la Charte, la déclaration de 1682 ne pouvoit être une loi de l'Etat. Le Constitutionnel, malgré son attachement à la déclaration et aux lois de l'Etat, a cru prudent de ne rien répliquer sur ce point aux déclamations de l'auteur. Comment n'a-t-il pas senti que ce silence, par trop timide, pourra faire soupçonner, à ses abonnés mêmes, qu'il y a peut-être, dans cette brochure, autre chose que des mots

diversement combinés?

Le Journal des Débats a eu plus de coùrage; aussi c'étoit M. Fiévée qui tenoit la plume, et chacun sait, pour parler ici son langage, combien sa spiritualité est puissante, M. Fiévée commence, comme le Constitutionnel, par déclarer que M. de la Mennais n'a jamais fait que des sophismes : c'étoit là le mot

[ocr errors]
« PreviousContinue »