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L'Ambigu,

ου

VARIÉTÉS LITTÉRAIRES ET POLITIQUES.

RECUEIL PÉRIODIQUE,

Publié vers le 10, 20, et 30 de chaque Mois,

PAR

M. PELTIER.

VOL. XXXIII.

Alta....pulsat

Sidera (Di, talem terris avertite pestem !)
Nec visu facilis, nec dictu affabilis ulli.
Visceribus miserorum et sanguine vescitur atro.

Virg. Æn. Lib. III.

A LONDRES:

De l'Imprimerie de VOGEL et SCHULZE, No. 13,
Foland-Street, Oxford-Street.

ON SOUSCRIT CHEZ M. PELTIER,

No. 7, Duke-Street, Portland-Place.

Le Prix de la Souscription est de Cinq Guinées par Au.

1811.

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L'Ambigu,

ου

VARIÉTÉS LITTÉRAIRES ET POLITIQUES.

No. CCLXXXIX.-Le 10 Avril, 1811.

VOYAGES.

FRAGMENTS DE L'ITINÉRAIRE DE PARIS A JERUSALEM, PAR M. DE CHATEAUBRIAND.

Entrée du Voyageur à Athenes, venant de Lacédemone, Corinthe et Eleusis.

ENFIN, le grand jour de notre entrée à Athenes se

leva.

:

Le 23, à trois heures du matin, nous étions tous à cheval; nous commençâmes à défiler en silence par la voie sacrée je puis assurer que l'initié le plus dévot à Cérès n'a jamais éprouvé un transport aussi vif que le mien. Nous avions mis nos beaux habits pour la fête; le janissaire avait retourné son turban; et par extraordinaire on avait frotté et pansé les chevaux. Nous traversâmes le lit d'un torrent appelé Saranta Potamo ou les Quarante Fleuves, probalement le Céphise Eleusinien:

nous vêmes quelques débris d'églises chrétiennes ; ils devaient occuper la place du tombeau de ce Zarex qu'Apollon nême avait instruit dans l'art des chants. D'autres ruines nous annoncerent les monuments d'Eumolpe et d'Hippothoon; nous trouvâmes les Rhiti ou les courants d'eau salée: c'était là que pendant les fêtes les gens du peuple insultaient les passants, ea mémoire des injures qu'une vieille femme avait dites autrefois à Cérès. De là passant au fond, ou au point extrême du canal de Salamine, nous nous engageâmes dans le défilé que forment le mont Parnès et le mont Egalée; cette partie de la voie sacrée s'appelait la mystique. Nous aperçûmes le monastere de Daphné, bâti sur les débris du temple d'Apollon, et dont l'église est une des plus anciennes de l'Attique. Un peu plus loin nous remarquâmes quelques restes du temple de Vénus. Enfin, le défilé commence à s'élargir; nous tournons autour du mont Pocile placé au milieu du chemin, comme pour masquer le tableau; et tout-à-coup nous découvrons la plaine d'Athenes.

Les voyageurs qui visitent la ville de Cécrops, arrivent ordinairement par le Pirée ou par la route de Négrepont. Ils perdent alors une partie du spectacle, car on n'aperçoit que la citadelle quand on vient de la mer; et l'Anchesme coupe la perspective quand on descend de l'Eubée. Mon étoile m'avait amené par le véritable chemin pour voir Athenes dans toute sa gloire.

La premiere chose qui frappa mes yeux, ce fut la citadelle éclairée du soleil levant : elle était juste en face de moi, de l'autre côté de la plaine, et semblait appuyée sur le mout Hymette qui faisait le fond du tableau. Elle présentait, dans un assemblage confus, les chapitaux des Propylées, les colonnes du Parthénon et du temple d'Erechthée, 1c3 embrasures d'une muraille chargée de canons,

les débris gothiques des chrétiens, et les masures des musulmans.

Deux petites collines, l'Anchesme et le Musée, s'élevaient au nord et au midi de l'Acropolis. Entre ces deux collines, et au pied de l'Acropolis, Athenes se montrait à moi: ses toits aplatis entremêlés de minarets, de cyprès, de ruines, de colonnes isolées, les domes de ses mosquées couronnés par de gros nids de cigognes, faisaient un effet agréable aux rayons du soleil. Mais si l'on reconnaissait encore Athenes à ses débris, on voyait aussi, à l'ensemble de son architecture et au caractere général des monuments, que la ville de Minerve n'était plus habitée par son peuple.

Une enceinte de montagnes, qui se termine à la mer, forme la plaine ou le bassin d'Athenes. Du point où je voyais cette plaine au mont Pocile, elle paraissait divisée en trois bandes, ou régions, courant dans une direction parallele du nord au midi. La premiere de ces régions, et la plus voisine de moi, était inculte et couverte de bruyeres ; la seconde offrait un terrain labouré où l'on venait de faire la moisson; la troisieme présentait un long bois d'oliviers qui s'étendait un peu circulairement depuis les sources de l'Ilissus, en passant au pied de l'Anchesme, jusque vers le port de Phalere. Le Céphise coule dans cette forêt qui, par sa vieillesse, semble descendre de l'olivier que Minerve fit sortir de la terre. L'llissus a son lit desséché de l'autre côté d'Athenes, entre le mont Hymette et la ville. La plaine n'est pas parfaitement unie: une petite chaîne de collines détachées du mont Hymette, en surmonte le niveau et forme les différentes hauteurs sur lesquelles Athenes plaça peu à peu ses monu

ments.

Ce n'est pas dans le premier moment d'une émotion très-vive, que l'on jouit le plus de ses sentiments. Je m'avançais vers Athenes avec une es

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