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et importantes délibérations, qui viennent d'être prises pour le bonheur de la France, une médaille sera frappée, et qu'il sera chanté en action de grâces un Te Deum dans toutes les paroisses

et églises du royaume.

XVII. L'assemblée nationale proclame solennellement le roi Louis XVI restaurateur de la liberté française.

XVIII. L'assemblée nationale se rendra en corps auprès du roi, pour présenter à sa majesté l'arrêté qu'elle vient de prendre, lui porter l'hommage de sa plus respectueuse reconnaissance, et la supplier de permettre que le Te Deum soit chanté dans sa chapelle, et d'y assister elle-même.

XIX. L'assemblée nationale s'occupera, immédiatement après la constitution, de la rédaction des lois nécessaires pour le développement des principes qu'elle a fixés par le présent arrêté, qui sera incessamment envoyé par MM. les députés dans toutes les provinces, avec le décret du 10 de ce mois, pour y être imprimé, publié, même au prône des paroisses, et affiché partout où besoin sera.

On fait lecture d'une proclamation faite au nom du roi, par laquelle sa majesté annonce la suppression de toutes les capitaineries, et mande aux officiers et gardes de continuer leurs fonctions pour le fait seulement de la conservation des moissons et récoltes.

La séance est levée.]

Pendant que ces controverses agitaient l'assemblée, Paris paraissait livré à la joie de l'abolition des droits féodaux, et à celle de son organisation militaire naissante; les gardes nationaux pro ́menaient leur uniforme aux trois couleurs; on courait en cérémonie aux églises faire bénir les drapeaux; en plusieurs lieux, une messe funèbre était chantée pour les hommes morts à la conquête de la liberté; des dames du marché Saint-Martin allaient en procession porter des bouquets et des voeux à sainte Geneviève, patronne de Paris.

Ce fut dans une de ces fêtes de districts que se fit particuliè

rement connaître, l'abbé Cl. Fauchet, prédicateur ordinaire du roi, janséniste, dit-on, et dont nous parlerons plus tard comme fondateur du club des Amis de la Vérité et du Journal des Amis. Il prononça dans une messe funèbre, célébrée par le district Saint-Jacques-l'Hôpital, une oraison, dans laquelle, considérant la conquête de la liberté comme la réalisation de la parole de Jésus, il bénissait les morts de juillet comme les martyrs de la cause éternellement sainte.

Les faux interprètes des divins oracles, s'écriait-il, ont voulu, au nom du ciel, faire ramper les peuples sous les volontés arbitraires des chefs! ils ont consacré le despotisme! ils ont rendu Dieu complice des tyrans! Ces faux docteurs triomphaient parce qu'il est écrit: rendez à César ce qui est à César. Mais ce qui n'est pas à César, faut-il aussi le lui rendre? Or, la liberté n'est point à César, elle est à la nature humaine. »

Son discours remplit l'esprit de ses auditeurs d'un tel enthousiasme religieux et patriotique, qu'on lui décerna une couronne civique, et que deux compagnies le conduisirent à l'Hôtel-deVille, enseignes déployées et tambour battant. (Révolutions de Paris.)

Cependant, tout à coup, au sein de cette fête, la voix de la méfiance vint se faire entendre, et le peuple se montrer un instant le 6. On arrêta un bateau qui descendait la Seine: il était chargé de poudres qui étaient sorties de l'arsenal sur un ordre signé, pour M. le marquis de La Fayette, La Salle. Il fut dit, et cela était vrai, que ces poudres étaient gâtées, et qu'on les envoyait à Essonne pour être rebattues. Mais le peuple, dans son premier mouvement, rejeta cette justification comme une défaite; il occupa la place de Grève, et courut chercher La Salle, qu'il ne trouva pas. Enfin, la garde nationale se porta en masse sur la place de l'Hôtel-de-Ville, et sans violence, par son nombre seul, en couvrant tout le terrain, elle écarta la population qui l'occupait auparavant : l'attroupement fut ainsi facilement dissipé. Mais cet événement ajouta aux inquiétudes qui tourmentaient

déjà les hautes classes, en prouvant que le calme n'était qu'apparent.

Aussi, l'assemblée des représentans de la commune, pour attaquer l'émeute dans ce qu'elle en croyait le principe, et éteindre la fermentation qu'avait occasionnée cette affaire, arrêta définitivement, et fit afficher, « que le commandant général de la garde nationale prendrait, avec les commandans des districts, les mesures les plus promptes et les plus sûres pour faire cesser les attroupemens séditieux, qu'il ne faut pas confondre avec les assemblées de citoyens paisibles; défendre toutes motions hors des assemblées de districts, et pourvoir à tous autres désordres de la même nature.

› L'assemblée, était-il ajouté, a notamment enjoint aux citoyens de Saint-Roch, Saint-Honoré, l'Oratoire, des PetitsPères, des Filles-Saint-Thomas, et à tous autres, d'assurer l'exécution du présent arrêté, et de maintenir, chacun à son égard, la plus exacte police dans l'étendue de leurs districts respectifs, et de se prêter à cet effet tous secours nécessaires.

» Signé BAILLY, etc. ›

Malgré cet arrêté, les réunions du Palais-Royal continuèrent. Seulement les gardes-françaises se précautionnèrent contre ses dispositions. Ils s'élurent une assemblée de trente-six représentans. On remarque parmi les membres du bureau celui de Vialla, secrétaire.

Le 12, les ordonnances du roi pour le rétablissement de la paix furent affichées dans Paris.

Il est difficile, dit Loustalot à cette occasion, de ne pas croire que les ravages dont plusieurs châteaux viennent d'être les théâtres, ne soient pas les effets des vexations passées des seigneurs, et de l'animosité de leurs tenanciers........ Que l'on nous cite un seigneur humain, charitable, qui ait été exposé à ces excès, nous renoncerons à notre idée!

› Quelle que soit, au reste, la cause de ces maux, il est souverainement juste d'y porter remède. S. M. charge tous les hommes publics de les prévenir par tous les moyens qui sont en leur pou

voir. Voilà, en style ministériel, un ordre de faire feu sur tous ceux qui auraient le malheur de céder à des ressentimens que la loi désapprouve. Mais un nouvel ordre de choses ne devrait-il pas amener quelques changemens dans le langage? N'est-ce pas investir un très-grand nombre de petits agens du pouvoir, qui ont peu de lumières et beaucoup de vengeances à exercer, d'une puissance dictatoriale redoutable?... »

Ces réflexions, pleines du sentiment de la nécessité du pouvoir, et de défiance contre ses agens, sont la véritable expression de l'esprit des constitutionnels de l'époque. On sympathisait si vivement aux besoins de la chose publique, qu'il arriva, lorsque les bons de l'emprunt de trente millions reçurent cours à la Bourse, et que pour en diminuer le taux, les agioteurs firent circuler des doutes sur la sûreté du crédit public; il arriva qu'on répondit à ces atteintes portées à l'intérêt national, par les motions les plus menaçantes. Le 13, un des motionnaires fut arrêté, sur l'appel des agens de change, par une patrouille bourgeoise. De quel œil, s'écrie encore Loustalot, l'assemblée nationale verra-t-elle des officiers dont plus d'un cahier réclame la suppression, réprimer les élans patriotiques sur lesquels elle a compté pour remplir l'emprunt, et les réprimer dans le seul but d'augmenter chez les agioteurs l'activité de l'intérêt individuel ?

VERSAILLES. SÉANCE DU MERCREDI 12 AOUT.

[L'ordre du jour est la discussion de la déclaration des droits. Un grand nombre de membres entourent la tribune.

M. Desmeuniers. Si l'on discute séparément dans l'assemblée les divers projets de déclaration des droits, on perdra un temps considérable; en conséquence je demande l'établissement d'un comité, qui, après l'examen de ces divers projets, présentera lundi prochain une déclaration des droits qui sera soumise alors à la discussion de l'assemblée; et je demande que les membres qui avaient déjà proposé des projets de déclaration soient exclus de ce comité.

Cette proposition est adoptée, et il est décidé en outre que ce comité sera composé de cinq membres.]

PARIS.-Tout Paris, d'ailleurs, se remuait pour les affaires publiques. Dans les districts, on s'occupait des élections pour les grades d'officiers de la garde nationale: et à cette occasion on s'élevait contre le clinquant de l'uniforme projeté pour eux, plus propre à exciter l'aristocratisme et la vanité que le patriotisme; on se plaignait de la manie des bourgeois de se choisir des chefs parmi les ci-devant nobles; on remarquait que pendant que la matière à officier se présentait en surabondance, on manquait presque de soldats; et l'on citait le district de l'Oratoire-Saint-Honoré, qui, pour compléter ses cadres, était obligé de faire, par un placard, un appel aux personnes attachées à la finance, à la pratique et aux arts. On se moquait du district de la Sorbonne, qui nommait sous-lieutenant le fils de M. de La Fayette, âgé de dix ans, et forçait le général à accepter ce grade pour un enfant. On criait encore contre les cabales, les intrigues, les dîners par lesquels on recherchait les grades. «Tout tend, s'écrie un écrivain patriote, à substituer une aristocratie des riches à l'aristocratie des nobles. »

La mésintelligence dans les districts devint donc assez vive. Deux partis commençaient à s'y dessiner. La division fut même si marquée dans le district Saint-Jacques-de-l'Hôpital, qu'il y eut une collision sanglante. Un membre remarqua que pour s'emparer des élections, on avait introduit des étrangers. Cette réflexion fut accueillie par des violences, et on en vint enfin à se battre à coups de sabre. Cinq des coupables furent arrêtés. Nous avons rapporté les récriminations de la minorité: mais elle n'était pas minorité partout. Dans quelques districts, les candidats furent soumis à une sévère investigation, et l'on exigea d'eux qu'ils prissent l'engagement signé de rester soldats s'ils n'étaient pas nommés officiers. Il paraît donc qu'il y avait beaucoup de volontaires pour commander, et peu pour obéir.

Le 14, on signa, au Palais-Royal, des réclamations contre l'arrêté qui défendait les assemblées du Palais-Royal.

Le 15, M. La Fayette se transporta à Montmartre pour visiter l'atelier de charité qui y était établi. «Il n'est pas de sentiment pénible qui n'entre dans l'âme, dit Loustalot, en voyant sur le

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