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III

l'esprit, nous dirions pour les bien définir que, dans le cas où, après tant de révolutions stériles, tant de bouleversements déplorables, tant d'agitations au moins inutiles, il existerait en France un parti philosophico-politique qui, sans s'inquiéter des hommes, ne veut voir que l'œuvre; sans se préoccuper de ceux qui gouvernent, ne veut apprécier que les résultats bons ou mauvais de l'exercice du pouvoir; en un mot, qui ne demande que le meilleur des gouvernements possibles au meilleur marché possible, nous appartenons tout entier à ce parti intelligent et logique.

Ajoutons que, si, par hasard, ce parti peu soucieux des noms et de la forme n'existait pas encore, nous serions heureux de contribuer à le fonder.

E. DE BEAUMONT-VASSY.

DE MON TEMPS.

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LIVRE PREMIER.

I. Situation intérieure de la France après le coup d'Etat du 2 décembre. Opinions diverses qui ont coopéré à l'élection du président décennal. Dépouillement des procès-verbaux du scrutin électoral. La commission consultative en fait connaître au Président le résultat officiel, par l'organe de M. Baroche. Réponse du prince. Te Deum chanté à Notre-Dame. Banquet à l'Hôtel-de-Ville. Paroles de M. de Morny. II. Situation extérieure. L'Angleterre. Presse et opinion publique. Incident qui amène la retraite de lord Palmerston. La Russie. Les États secondaires du Nord. L'Autriche et la Prusse. Tendances diverses dans ce dernier pays. Etats italiens. Le pape et les cardinaux. La Hollande et la Belgique. Incident du journal le Bulletin. La Suisse. Affaire relative aux réfugiés français. Echange de notes entre le ministre de France et le directoire fédéral. - III. Le Prince-Président. Son portrait. Pénurie d'hommes politiques. La constitution nouvelle. Sa promulgation. IV. Mesures de sûreté et d'administration intérieures. Décrets du 22 janvier 1852. Modification ministérielle.-V. Créations du ministère d'État et du ministère de la police générale. Institution des inspecteurs de la police générale. Décret sur la décentralisation administrative. Composition des grands corps de l'Etat. Le Sénat. Le conseil d'Etat. VI. M. de Morny. Les élections pour le Corps législatif. Ouverture de la session. Discours du Prince-Président.

I

Nous disions en terminant la première série de l'Histoire de mon temps à propos du plébiscite pré

IIe SÉRIE.

I.

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senté à l'acceptation du peuple français, par LouisNapoléon Bonaparte : « Le 20 décembre 1851 avait vu éclore sous le vote populaire une forme gouvernementale très-nationale, très-française, parfaitement appropriée au tempérament de la nation qui préfèrera toujours l'action à la discussion, les grandes choses aux longs discours; mais, il faut l'avouer aussi, cette formule gouvernementale est d'une application plus difficile que toute autre, car elle comporte des nuances infinies et ne doit être confiée, quant à l'impulsion et à la direction supérieures, qu'à un personnel d'élite. Placez les rouages d'un pareil gouvernement entre des mains inhabiles, vulgaires, faites donner l'impulsion par des hommes médiocres, et vous n'obtiendrez qu'un résultat mesquin et douteux. Placez au timon des affaires, à la tête de toutes les parties du système des hommes à vues larges, à conceptions hardies, à idées libérales, et vous ferez aisément du peuple français ce qu'il a été déjà tant de fois : l'un des plus grands peuples du monde. Cette forme de gouvernement peut devenir la plus favorable de toutes, à la grandeur comme au bien-être matériel du pays, pourvu qu'elle soit intelligemment comprise, habilement appliquée. Nous dirons plus tard, en étudiant les intéressantes époques de la présidence décennale et du second empire, comment elle a été appliquée et comprise.

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Telle est aujourd'hui la tâche que nous allons essayer de remplir, tâche toujours difficile, souvent pénible; car si les louanges de l'histoire réjouissent les hommes et les partis, ses justes sévérités les offensent sans les persuader et les instruire. Nous n'en poursuivrons pas moins loyalement, mais résolument le but que nous nous sommes proposé d'atteindre : donner aux événements leur véritable physionomie, en faire bien connaître les causes avouées ou secrètes, dépeindre exactement les hommes qui les ont accomplis.

Il convient d'abord de jeter un coup d'œil sur la situation intérieure et extérieure de la France après le coup d'État du 2 décembre 1851. Cet acte extraordinaire et pourtant prévu dont on pourrait dire avec Tacite : Isque habitus animorum fuit ut pessimum facinus auderent pauci, plures vellent, omnes paterentur1.

Les sept millions cinq cent mille votes approbatifs donnés par le suffrage universel au système politique renouvelé de la Constitution de l'an vi par le Prince-Président n'avaient en réalité qu'une grande, mais précieuse signification. Ils exprimaient l'ardent désir, l'urgent besoin des populations rurales de calme, d'ordre, de stabilité. Tout

1. Telle fut la tendance des esprits que si un petit nombre osa commettre l'attentat, la plupart en souhaita le succès et que tous le souffrirent. (Tacite, Histoires, liv. I, § 23.)

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