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tôt que toute cette ogrerie qui le porte à s'entre-déchirer et à fouler aux pieds toutes les vertus est votre ouvrage ; il appellera la religion fraternelle, l'évangile de l'égalité, le Dieu des douces mœurs, au secours de l'humanité aux abois ; elle renaîtra de ses débris ; et vous serez alors confondus par sa majesté sainte, et vous mourrez de son bonheur...

› L'état actuel de la religion en France est un état de crise extrême, et la révulsion des consciences, pour repousser l'oppression, sera terrible. Ne croyez pas cependant, citoyens, que cette révulsion inévitable ramène jamais la royauté ni aucune autre domination arbitraire : l'évangile est le seul code religieux qui établisse sur leurs fondemens divins la liberté et l'égalité de tous les hommes: 1 a été contredit jusque dans son essence par l'alliage trompeur qu'on a voulu faire des maximes tyranniques de domination avec ses douces maximes de fraternité universelle. Le christianisme est, par nature, républicain: l'église est l'assemblée des frères; les pasteurs sont soumis aux mêmes lois divines que les fidèles ; ils ne peuvent qu'intérpréter la volonté générale, et remplir la mission qu'ils tiennent de cette commune volonté. Encore (et c'est le comble de la liberté, qui ne se trouve et ne peut se trouver dans aucun gouvernement temporel) chacun reste-t-il maître absolu de suivre ou de ne pas suivre ces lois, qui ne s'adressent qu'aux consciences: en sorte que les pasteurs, obligés de se conformer aux règles saintes s'ils veulent remplir leurs obligations et conserver la libre direction des ames, ne peuvent exercer que l'empire volontaire de la confiance publique et la divine autorité de la vertu. Quand le nom de la liberté retentit dans toutes les parties du monde ; quand ce sentiment inné se réveille énergiquement dans tous les cœurs ; quand cette grande idée d'indépendance se réveille partout pour rendre l'homme à sa dignité intime et à sa majesté native, croyez-vous que la religion qui élève le plus fraternellement et le plus universellement le genre humain vers le ciel, et jusqu'à la divinité, appellera des misérables despotes pour venir de nouveau comprimer, avilir, tyranniser la nature humaine, que cette même

religion fait profession de croire rehaussée tout entière par la fraternité de Dieu même? Non...

› Cependant, considérez l'effroyable aveuglement des athées qui veulent dominer en France, et persécuter, avec une tyrannie qui se montre chaque jour plus insolente et plus féroce, cette rèligion si propice à la libération du genre humain. Comment les nations voisines et lointaines que nous voulons appeler à la liberté générale, et qui ne prennent pas, qui ne prendront jamais, non plus que l'immense majorité de la nation française, l'athéisme atroce et libidineux, pour la sainte et sage philosophie; comment, quand elles sont témoins ou instruites des inimaginables excès de brutalité que ces monstres se permettent contre Dieu et les hommes souverains qui l'adorent (oui, souverains, entendezvous, vils et monstrueux tyrans? oui, souverains; la souveraineté appartient partout à la majorité des hommes); comment ces nations pourraient-elles, par la raison même qu'elles veulent aussi être libres, ne pas frémir d'horreur de ce qu'on leur présente, sous le nom divin de la liberté, le despotisme le plus diabolique qui ait jamais existé sur la terre? elles accueilleront la liberté avec transport; mais elles se battront contre l'athéisme avec exécration.......

› Ainsi, nous irons, citoyens, portant chez toutes les nations, d'une main, le flambeau divin de la liberté, de l'autre la torche impie de la discorde. Nous aurons des revers et des succès; les secousses au-dedans et au-dehors seront épouvantables; et cependant nous triompherons, car la cause de la liberté défendue par un grand peuple, épousée par le fonds des nations, et favorisée par l'auteur de la nature, qui veut manifestement à cette époque renouveler, régénérer, recréer le genre humain, ne peut manquer d'obtenir le triomphe. Mais c'est après l'épuisement des horreurs, des extrêmes infamies, des abominations et des désolations finales, que l'humanité, ayant conquis la liberté contre tout ce qu'il y avait d'anciens oppresseurs dans le monde, écrasera de toute la puissance de la nature les nouveaux monstrés qui dévoraient la liberté même à mesure qu'on en faisait la conquête,

Les lois, les lois véritables, les fidèles expressions de la volonté générale naîtront enfin; le besoin de la vertu électrisera toutes les ames; la nécessité des saintes mœurs élévera toutes les consciences; la religion de la fraternité universelle réunira tous les cœurs; le culte pur d'un Dieu père, d'un Dieu frère, d'un Dieu ami, ralliera toutes les nations, et la divinité, source unique de tout bien, de toute vertu, de tout bonheur, régnera seule sur le genre humain. (Journal des Amis, de FAUCHET, samedi 16 février 1793.)

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Tel était le présent, et tel était l'avenir aux yeux de Claude Fauchet, esquissant la position morale de la France et les destinées du genre humain. On sent que l'auteur était lui-même engagé au plus fort de cette mêlée; sans compter, en effet, ses luttes de la veille, à l'heure même où il tenait la plume, il était dénoncé à la Convention pour défendre dans son diocèse le mariage des prêtres catholiques. Aussi l'indignation personnelle dont il était animé le rendait-elle éminemment propre à sentir le milieu politique, et à le reproduire en des formes palpitantes que l'historien ne peut suppléer.

Maintenant que nos lecteurs connaissent l'aspect général des événemens, nous allons en placer les détails sous leurs yeux dans l'ordre qui nous a paru le plus propre à en faciliter l'intelligence et l'appréciation. Nous divisons les travaux de la Convention nationale en trois chapitres. Dans le premier, nous transcrivons la partie organique; dans le second, la partie révolutionnaire; dans le troisième, nous réunirons les affaires des départemens. Nous ferons ici une courte notice sur chacun de ces trois chapitres.

Partie organique. Elle se composera du projet de constitution; de la loi sur l'organisation de l'armée; du décret qui organise la ministère de la guerre, et de celui qui organise le ministère de la marine.

Le projet de constitution fut présenté par Condorcet. Le rapport dont il fit précéder cette lecture est une brochure de cinquante-quatre pages en petit texte. Il est dans la collection de M. Lallement, mais la constitution elle-même ne s'y trouve pas.

Obligés de choisir entre deux pièces également volumineuses, car nous ne voulons pas grossir inutilement notre histoire, nous nous • sommes décidés à insérer le texte du projet et à laisser le rapport. Indépendamment de la supériorité qu'ont les formules législatives sur les commentaires philosophiques, tant par leur netteté que par leur concision et leur rigueur, nous avons eu un motif de ce choix plus grave que ces considératious. Ce projet est le dernier mot du système social girondin, et, à ce titre, il est une des pièces les plus importantes qu'il nous soit imposé de recueillir. Le rapport lui-même ne sera pas complétement absent de notre histoire. Nous en réimprimerons une analyse fort exacte composée par Condorcet pour les lecteurs de la Chronique de Paris.

Ce fut Dubois de Crancé qui, à la suite d'un nouveau rapport sur l'organisation de l'armée, présenta la loi dont les derniers articles furent adoptés à la séance du 22 février. La veille de ce jour, la Convention nationale, pour récompenser ce magnifique travail, éleva Dubois de Crancé à la présidence. Le rapport et la loi n'existent ni dans la collection de M. Lallement ni dans celle de Bossange. Nous avons dû conserver intégralement ces deux pièces, qui intéressent au plus haut degré l'histoire des institutions militaires modernes.

L'organisation du ministère de la guerre, et celle du ministère de la marine, furent décrétées sur la proposition de Barrère.

Partie révolutionnaire. Nous suivrons dans ce chapitre l'ordre même des débats de l'assemblée. Il renfermera la déclaration de guerre et les mesures financières et administratives calculées pour ce but, l'envoi des commissaires dans les départemens; les députations à la barre de l'assemblée, dont les principales sont relatives aux massacres de septembre et aux subsistances; les dénonciations et les actes conventionnels qu'elles provoquent; des réglemens de police contre les vagabonds et les émigrés, voilà à peu près le texte des discussions souvent orageuses et toujours animées qui rempliront ce cadre. Au nombre des personnages célèbres dénoncés, mis en accusation, ou renvoyés absous, sont

le général Beurnouville, le général Arthur Dillon, le général Anselme, le général Félix Wimpfen. A chacune des séances où ces fails auront lieu, nous aurons soin d'augmenter les débats parlementaires des renseignemens précieux que la presse et les clubs nous fourniront. Il en sera de même pour les divers mouvemens occasionnés par les subsistances. L'introduction de ce chapitre sera un coup d'œil diplomatique destiné à montrer les relations de la France avec l'Europe, et à faire comprendre les motifs qui la forcent à déclarer la guerre à la Grande-Bretagne et à la Hollande.

Départemens. Ce chapitre contiendra sinon le texte, au moins l'esprit des adresses envoyées à la Convention par les départemens au sujet du 21 janvier. Il renfermera en outre une analyse du rapport sur la reddition de Verdun, de celui sur Porentrui, de ceux sur les troubles de Lyon et sur les actes fédéralistes du département du Var. Nous y reproduirons aussi les discussions intéressantes auxquelles ces différens objets donnèrent lieu.

Nous compléterons l'histoire du mois de février par deux chapitres où seront classés les faits extra-parlementaires. Dans l'un, nous ferons entrer les séances de la Commune de Paris, celles du club des Jacobins, et les articles de journaux que nous n'aurons pu grouper autour des débats de la Convention; dans l'autre, nous ferons le récit des opérations militaires.

CONVENTION NATIONALE.

PARTIE ORGANIQUE.

Analyse du rapport de Condorcet sur le projet de constitution, présenté à la Convention nationale dans les séances du 15 et du 16 février (1).

Ce qui paraît distinguer surtout la constitution proposée à la Convention, c'est une attention scrupuleuse à conserver les droits

Cette notice est rédigée par Condorcet lui-même; elle se trouve dans les numéros XLVIII et XLIX de la Chronique de Paris. (Note des auteurs.)

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