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Les citoyens qui présenteront les solutions les plus satisfaisantes sur les trois questions précédentes, et dont les ouvrages auront été adoptés par la Convention, recevront, pour chacune des trois questions résolues, une récompense de vingt-quatre mille livres.

FÉVRIER 1793.

Depuis le jour de son ouverture jusqu'au 21 janvier 1795, la Convention nationale a concentré de plus en plus son action sur un seul point. Sa route trace une ligne non interrompue entre le décret par lequel la royauté fut abolie et le jugement de Louis XVI. Pas un incident parlementaire, pas un événement extérieur qui ne se rattache à cette ligne, ou comme un obstacle apporté par les uns, ou comme un moyen calculé par les autres. Peu à peu le drame se dégage de toute circonstance accessoire; peu à peu les fatalités qui mènent cette tragédie sortent des entraves épisodiques, et marchent droit au nœud véritable, qui les arrête à peine un instant. La solennité des quatre appels nominaux; l'infatigable volonté qui les exécute sans relâche; le pressentiment universel en France et en Europe dont ni l'appel au peuple, ni la demande d'un sursis ne peuvent diminuer en rien l'inexorable rigueur, et qui dicte d'avance le décret, tout annonce qu'un fait providentiel s'accomplit. Et certes, jamais aucun fait de cet ordre ne se fit reconnaître à des signes plus évidens, ne fut environné d'un appareil si rédoutable.

Un moment d'intermittence succède à ce long effort. Fermée jusqu'ici et comme tendue en elle-même, maintenant la Convention va répandre au dehors son inépuisable activité. Tout la sollicite à la fois, les nécessités intérieures et les nécessités extérieures. Il faut qu'elle constitue la nation; il faut qu'elle organise les ministères, l'administration et l'armée; il faut qu'elle assure, par des réglemens sur les subsistances, la sécurité des individus, pendant qu'elle assurera par la guerre la sécurité nationale. L'Europe coalisée, la famine, des émeutes dans la capitale, des

symptômes de guerre civile à Lyon, dans le Var, dans la Bretagne, et, dans son propre sein, des déchiremens qui préludent au 51 mai, telle est la situation des affaires, lorsque la Convention a terminé le procès du roi ; nous allons voir comment, dès le mois de février, elle répond aux exigences qui la pressent et aux dangers qui la menacent.

Le 1er février elle déclare la guerre au roi d'Angleterre et au stathouder des Provinces-Unies. Le même jour elle entend un rapport sur les finances, et crée pour huit cent millions d'assignats. Le 2, elle organise le ministère de la guerre; le 4, elle y nomme le général Beurnonville. Le 6, elle adopte un projet sur la nomination des officiers de marine. Le 14, elle organise le ministère de ce département. Le 15 et le 16, elle entend la lecture d'un projet de constitution. Le 18, elle confie à Monge le ministère de la marine. Le 22, elle termine ses travaux sur l'organisation de l'armée.

Voilà les actes principaux. Quant aux mesures administratives et gouvernementales, nous devons renoncer à les énumérer. Les subsistances, l'état des provinces, les émigrés, des dénonciations innombrables, une foule de détails en urgence, des lectures d'adresses qui affluent chaque jour de tous les points de la République, sont autant de matériaux qui viennent se heurter pêlemêle sous la main de la Convention, et qui nécessitent presque tous un rapport, une discussion et un décret, pour que l'ordre et la lumière se fassent.

Et cependant l'assemblée est bien loin de ce calme, de ce sangfroid intérieur qui semblent indispensables pour l'expédition de si nombreuses et si grandes affaires. Plusieurs fois les discordes qui fermentent en elle sont excitées jusqu'à la fureur par les provocations les plus directes. Tantôt c'est une députation des défenseurs de la République qui vient demander le rapport du décret contre les massacres de septembre; tantôt c'est une discussion sur le fédéralisme à la suite des nouvelles du département du Var. Ici la société des Halles rappelle que le comité de surveillance de la Commune ne rend pas ses comptes; plus loin c'est

un rapport de Duhem sur l'arrestation de Guermeur, l'un des commissaires de la Commune du 10 août envoyés dans les départemens après les journées de septembre : ce dernier avait fait partie du comité de surveillance, dont il avait signé la fameuse adresse, et il était incarcéré depuis le 22 septembre dans les prisons de Quimper. Enfin, après la pétition sur les subsistances présentée le 12 février, cette question est un sujet perpetuel de colères violentes que les émeutes du 25 achèvent de pousser à bout.

Nous ne pouvons que donner une faible idée du mouvement révolutionnaire qui agite en ce moment la Convention et la France, et qui ne tardera pas à ébranler l'Europe. Les pièces historiques de ce temps, ces feuilles où étaient enregistrées au jour le jour et déposées toutes vivantes, les craintes, les haines, les menaces, les séditions, dominées d'un côté par les débats de l'assemblée souveraine, et de l'autre par le cri national: Aux armes! sont seuls capables de nous peindre cette tempête. Voici comment un homme doué d'une vive sympathie, acteur lui-même dans ces scènes, réproduit l'image terrible de la révolution à l'époque du mois de février.

L'ancien monde touche à son terme; il va bientôt achever de se dissoudre : un second chaos doit précéder la création nouvelle; il faut que les élémens de la nature sociale se mêlent, se combattent, se confondent pour faire éclore enfin la société véritable: c'est la guerre universelle qui va enfanter la paix de l'univers; c'est l'entière dissolution des maux qui va créer la vertu des nations; c'est le malheur de tous qui va nécessiter le bonheur général.

Nous sommes au moment le plus terrible de la crise de l'humanité. J'ai cru que la philosophie qui l'a préparé pouvait l'adoucir, et rendre moins douloureux ce second enfantement de la nature; mais la philosophie, dont l'invocation est sur toutes les lèvres, n'a point encore d'empire dans les ames: on en sent le besoin partout; on n'en trouve la réalité nulle part. Rien de plus opposé à la philosophie que ces têtes dominantes, et prétendues législatives, qui n'ont pas même les élémens des mœurs ni les.

principes du sens commun. Avec le matérialisme, on a la morale des brutes; avec l'irréligion, on a la dissociabilité même; avec l'irréflexion habituelle, on a l'impuissance de faire des lois stables et de créer un gouvernement; avec toutes les passions sans frein, on a tous les maux sans remède.

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› Ainsi nous touchons à l'extrémité des choses humaines. Voici ce que devait enfanter le vieux despotisme mourant de la peste des crimes dont il a vicié, infecté, épuisé la moralité des nations. La philosophie a dit à la France: ‹ Lève-toi, et ne souffre pas plus long-temps les tyrannies et les infamies du trône; › la France s'est levée. La philosophie crie la même chose à tous les peuples; les uns entendront sa voix, les autres non. La guerre décidera tout. Mais pourquoi donc la guerre, et cette guerre horrible qui se divisera, dans chaque pays, en intestine et en étrangère, qui rongera les entrailles des nations, en même temps qu'elle les armera les unes contre les autres, et qui mettra en conflagration l'état social dans toutes ses parties et dans tous ses élémens? Pourquoi ? Parce qu'avec toutes ces grandes clameurs de philosophie, il n'y a point de philosophes en France, il n'y en a point dans l'Europe, il n'y en a point dans l'univers. Je parle de ceux qui affectent ce beau nom, qui se montrent sous ses auspices; car ceux qu'on ne voit jamais et qui ne font rien pour le bonheur public sont comme s'ils n'étaient pas. Regardez donc, regardez, s'il vous est possible, ces hommes qui s'appellent amis de la sagesse, et reculez d'horreur : ce sont des monstres d'une violence effrénée, d'une immoralité infâme; une insatiable fureur de domination les possède. Ils ont faim de toutes les tyrannies, et soif de tous les crimes: voilà les pères de la liberté. Oui, certes, ils l'enfanteront par la nécessité où ils auront mis l'humanité de la produire pour exterminer ce dernier despotisme de la licence et de l'impiété, qui vont largement remplacer tous les despotismes des cours et des superstitions. Non, dominateurs cannibales de l'opinion, vous ne dévorerez pas jusqu'à la racine, la raison et la liberté du genre humain ; il verra bien7

T. XXIV.

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