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portées par l'art. 471, no 15, C. pén., indėpendamment de la faculté accordée à chacun de les luer sur son propre terrain (1).

MINISTÈRE PUBLIC C. LANGINIER.

Le 11 juill. 1834, jugement du tribunal de simple police de Braine, qui renvoie le sieur Langinier des fins d'une poursuite exercée contre lui pour avoir laissé vaguer ses pigeons dans un temps prohibé par un arrêté du maire de

sa commune.

Le 5 déc. 1834, cassation de ce jugement, et renvoi au tribunál de simple police de Soissons. (V. à cette date.)

Ce tribunal s'étant prononcé dans le même sens que celui de Braíne par jugement du 26 mars 1835, le ministère public a formé un nouveau pourvoi en cassation.

M. le conseiller rapporteur, après avoir cité plusieurs arrêts de la cour, qui décidaient que la loi de 1789, en déclarant gibier les pigeons non enfermés aux époques fixées par les communautés, était restreinte à cette mesure répressive, et que le propriétaire n'était soumis à aucune peine, disait que ces principes étaient incontestables avant la loi de 1832; mais il se demandait si, depuis cette loi, il n'y avait pas lieu à prononcer une amende contre le défendeur, pour avoir contrevenu à un réglement légalement fait. Il établissait, à cet égard, une distinction dans l'art. 471, § 15, C. pén., qui dispose, d'une part, que seront punis d'une » amende de 1 fr. à 5 fr. ceux qui auront con

trevenu aux réglemens légalement faits par » l'autorité administrative,» et ajoute, d'autre part: « Et ceux qui ne se seront pas conformés

aux réglemens ou arrêtés publiés par l'auto»rité municipale, en vertu des art. 3 et 4, tit. » 11, L. 16-24 août 1790, et 46, tit. 1er, L. 19-22 »juill. 1791. » M. le rapporteur, en se reportant à la jurisprudence déjà établie, disait que, d'après ces principes, la seconde partie du 15 qu'on vient de citer n'était pas applicable à l'espèce; mais qu'il s'agissait d'examiner s'il n'en était pas autrement de la première partie. Voici, à ce sujet, comment il déduisait ses ráisonnemens: « C'est à l'autoritě administrative qu'il appartient de fixer les époques où les propriétaires de pigeons devront les tenir enfermés; l'art. 2, L. 4 août 1789, le décide expressément; les réglemens qu'elle fait sur ce point sont donc légalement faits. >>

Jusqu'à l'époque de la promulgation de la loi du 28 avr. 1832, l'infraction à ces réglemens n'avait aucune sanction pénale; on ne peut pas, en effet, regarder comme une peine le droit accordé à chacun de tuer sur son terrain les pigeons qu'il y trouverait en temps prohibé. C'est seulement un moyen autorisé de préserver sa propriété des dégats que les pigeons pourraient y commettre. Les réglemens que doit faire à cet égard l'autorité administrative étant légaux, et chacun étant obligé de s'y conformer, peut-on dire, comme le fait le jugement attaqué, que le n° 15, ajouté à l'art. 471, C. pén., n'a fait qu'un rappel, un resumé des lois de 1790, de brum. et thermid. an IV, pour la peine à appliquer, mais qu'il n'a rien changé ni

(1) V. conf. Cass., 5 déc. 1834, et 28 sept. 1837, ch. réun.

-V. contr. Amiens, 22 juill. 1836. aff. Langinier.

ajouté à la jurisprudence et à la loi de 1789 sur la fermeture des colombiers ?

« La généralité et l'étendue des termes employés dans l'art. 471, § 15, les réglemens légalement faits par l'autorité administrative, n'embrassent-ils pas tous les réglemens fondés sur une loi, quand même cette loi n'aurait prononcé aucune peine? Alors, l'art. 471, § 15, supplée au silence de la première loi. »

Au développement des motifs du jugement de simple police de Soissons, on ajoutait, dans le système de la défense, que la divagation des pigeons en temps prohibé ne pourrait donner lieu à une amende contre le propriétaire, qu'autant qu'on voudrait les comprendre dans le terme générique de volailles, contenu dans l'art. 11, tit. 2, L. 28 sept. 1791, relative à la police rurale. Or, la cour a jugé, avec raison, le 5 oct. 1821, que la dénomination de volailles ne s'appliquait qu'aux oiseaux qui sont en état de domesticité, et qui sont de l'espèce de ceux qu'on tient dans les basses-cours.

On ne pourrait pas mieux mettre les pigeons dans la classe des animaux malfaisans, dont parle l'art. 3, L. 1790; car, en fait. ils ne sont pas malfaisans, et le bon sens, d'ailleurs, se refuse à l'idée que la loi aurait désigné des oiseaux aussi paisibles par l'expression animaux malfaisans.

Si un propriétaire, disait-on encore, pouvait être poursuivi pour non fermeture de son colombier, il s'ensuivrait que les agens de police pourraient s'introduire chez lui à toute heure, pour constater la contravention, contrairement à l'art. 8, L. 19-22 juill. 1791.

Pour le sieur Langinier, intervenant, on a soutenu que l'art. 471, no 15, C. pén. de 1832, n'était applicable qu'aux réglemens pris dans le cercle des attributions conférées à l'autorité municipale par les lois de 1790 et 1791, et qu'on ne pouvait l'étendre au cas prévu par celle du 4 août 1789, art. 2, qui trouve une sanction suffisante dans la faculté qu'elle acCorde à chacun de tuer sur son terrain les pigeons d'autrui, et qui n'y est pas même visée; que le paragraphe ci-dessus rappelé, ajouté au Code pén. de 1810, n'avait point du tout introduit un droit nouveau, et n'avait eu pour objet que de sanctionner des principes déjà admis par la cour elle-même; qu'ainsi il n'y avait aucun motif pour changer une jurisprudence qui n'avait jamais varié depuis quarante ans.

DU 5 JANV. 1836, arr. cour cass., ch. réun.; MM. Portalis, 1er prés.; Briére-Valigny, rapp.; Laplagne-Barris, 1er av. gén. (Concl. contr.) Jacquemin, av.

LA COUR (après délibération en la chambre du conseil),-Vu les art. 2, L. 4 août 1789, et 471, § 15, C. pén.; Attendu, en droit, que tout réglement fait par l'autorité compétente en vertu d'une loi, et pour en assurer l'exécution, est légal et obligatoire; Attendu que le $15, ajouté par la loi du 28 avr. 1832 á l'art. 471, C. pén., a eu pour objet de réprimer les infractions à ces réglemens dans tous les cas où la loi pénale ne prononçait aucune peine;

Attendu que l'art. 2, L. 4 août 1789, en abolissant le droit exclusif des fuies et colombiers, a prescrit de tenir les pigeons renfermés aux époques qui seraient fixées par les cominunaulés ; Que de cette disposition résulte, pour l'autorité municipale, le droit de fixer par des réglemens les époques où les pigeons seront renfermés. Attendu que, la loi de 1789

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n'ayant prononcé aucune peine contre ceux qui contreviendraient a ces réglemens, l'art. 471, § 15, C. pén., doit leur être appliqué; — Attendu que le jugement attaqué déclare, en fait, que Langinier n'a pas tenu ses pigeons enfermés aux époques fixées par l'arrêté du maire de Chasseney du 15 juin 1834; Que ce fait, postérieur à la loi du 28 avr. 1832, constituait la contravention à un réglement légalement fait par l'autorité administrative, contravention prévue et punie par l'art. 471, § 15 précité; d'où il suit que le juge de paix de Soissons, en refusant de faire application de cet article, en a commis une violation formelle, — CASSE, etc.»

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COUR ROYALE DE PARIS. (5 janvier.) L'opposition à une ordonnance du juge d'instruction, et spécialement à un exéculoire de ce magistrat délivré à un expert, doit être portée devant la chambre des mises en accusation de la cour royale, et non devant ·la chambre du conseil de première instance (1).

Le délai de vingt-quatre heures, fixé par l'art. 135, C. inst. crim., pour les oppositions aux ordonnances de la chambre du conseil, ne s'applique pas aux ordonnances du jugé d'instruction prononçant sur la taxe d'un expert. A défaut d'autre disposition, celle opposition, qui présente les caractères d'un appel, doit être formee dans le délai prescrit pour les appels par le droil commun (2). C. inst. crim., art. 203.

N..... C. MINistère publIC.

DU 5 JANV. 1836, arr. cour royale Paris, ch. acc.

LA COUR, -Considérant qu'un juge d'instruction est un magistrat chargé de fonctions spéciales, et ne peut être assimilé à un juge commissaire qui n'agit qu'en vertu d'une délégation; Considérant que le juge d'instruction qui a rendu une ordonnance a épuisé un degré de juridiction, et que, dès-lors, là réformation de cette ordonnance ne peut appartenir à la chambre du conseil du tribunal auquel il est attaché, mais seulement à la chambre Considérant d'accusation de la cour royale; que l'exécutoire contenant allocation des honoraires dus à un expert commis par le juge d'instruction à les mêmes caractères que toute autre ordonnance émanée du même magistrát, et doit être soumis aux mêmes principes; Considérant que l'ordonnance dont il s'agit a été signifiée avec commandement, le 29 août, à la partie civile, et que cette dernière y a formé - Considérant opposition le 1er sept. suivant; que le délai de vingt-quatre heures prescrit pour l'opposition par l'art. 135, C. inst. crim.,

n'est point applicable à l'ordonnance d'un juge
d'instruction qui, présentant les caractères
d'un appel, peut être, en l'absence de disposi-
tions spéciales, attaquée dans le délai fixé par
Qu'ainsi le recours de la
le droit commun;
partie civile, qualifié opposition contre la taxe
du juge d'instruction, est recevable; - Consi-
dérant que soixante vacationis ont dû suffire å
l'expert pour remplir la mission qui lui avait
été confiée; qu'ainsi l'allocation faite par le
juge d'instruction est exagérée, REDUIT ȧ
la somme de 300 fr. le montant de l'exécu-
toire, etc. »

COUR DE CASSATION. (6 janvier.) Dans les affaires correctionnelles, en matière de douanes, la signification des jugemens par défaut aux prévenus qui n'ont dans l'arrondissement ni domicile réel ni domicile elu, ne peut être faile, comme la cilation introductive d'instance, au domicile du procureur du roi près le tribunal saisi de la contestation (1). L. 6-22 août 1791, art. 13, tit. 10 et art. 7, tit. 12; L. 14 fructid. an III, art. 11; L. 28 avr. 1816, art. 45.

DOUANES C. BARDOT.

Le 3 mai 1833, cassation d'un arrêt de la cour de Colmar qui, dans une affaire de douanes, avait déclaré nulle la signification d'un jugement correctionnel par défaut faite au sieur Bardot par copie délivrée au domicile du procureur du roi, faute par le condamné, qui était étranger à l'arrondissement, d'y avoir fait une La cour de Metz, élection de domicile (2). devant laquelle l'affaire fut renvoyée, adopta le système de la cour de cassation; mais son arrêt fut cassé par des motifs qui n'ont aucun rapport à la question (3). — La cour de Nancy, saisie par le second renvoi, rendit un arrêt conforme à celui de la cour de Colmar.

Sur un nouveau pourvoi, l'administration des douanes a reproduit les motifs consacrés par l'arrêt du 3 mai 1833.

Le défendeur a répondu : Sous l'anciene législation, toutes les contraventions en matière de douanes se poursuivaient par la voie civile, soit devant les tribunaux de district, soit devant les juges de paix, selon leur gravité. La signification des jugemens au domicile du commissaire du roi ou du procureur de la commune ne présentait pas de graves inconvéniens, parce que, après tout, les prévenus ne pouvaient encourir que des condamnations pécuniaires; mais la loi du 17 déc. 1814 ayant attribué certaines contraventions à la juridiction correctionnelle, et les ayant même frappées d'une peine d'emprisonnement, l'ancien mode aurait entraîné avec lui les plus grands dangers. Aussi, on va voir comment le législateur a procédé. La loi du 22 août 1791 contenalt deux dispositions distinctes, l'une sur la citation introductive d'instance, l'autre sur la si

(1) La même cour avait jugé, le 19 déc. 1835, aff. Tonaillon, que l'opposition devait être portée devant le tribunal civil; mais ce système ne pouvait prégnification du jugement (art. 13, tit. 10, et 7, valoir. V. Paris, 25 août 1840.

(2) Les ordonnances da juge d'instruction ont bien plus de rapport avec les ordonnances de la cham bre du conseil qu'avec les jugemens. L'opposition à ces derniéres ordonnances présente, au même degré que l'opposition aux premières, les caractères d'un appel; un serait donc pour le moins aussi fondé à appliquer le droit commun de l'art. 135 que celui de l'art. 203, C. inst. crim.

tit. 12). Eh bien la loi du 17 déc. 1814, par son art. 17, et ensuite celle du 28 avr. 1816,

(1) V. contr. Cass., 3 mai 1833, même affaire. V. Dict. du droit crim., vo Douanes, p. 277, et Bioche et Goujet, Dictionn. de procéd., v Douanes, no 99.

(2) V. Cass., 3 mai 1833. (3) V. Cass., 6 sept. 1834.

par son art. 45, ont maintenu la délivrance des citations au domicile du procureur du roi; mais elles n'ont point reproduit la disposition relative à la signification des jugemens donc ce mode de signification n'est plus praticable. Remarquons, en effet, que, d'après la loi d'août 1791, une copie du jugement devait rester affichée pendant huit jours à la porte du bureau, et que les lois de 1814 et 1816 ne contiennent rien de semblable. Ainsi, en même temps qu'elles auraient prononcé une peine bien plus rigoureuse, elles auraient enlevé au prévenu la garantie de l'affiche. En sorte qu'à l'expiration de quelques jours, un citoyen pourrait apprendre en même temps sa citation et sa condamnation irrévocable à l'emprisonnement. Cela est évidemment inadmissible.

M. le procureur général Dupin a présenté les observations suivantes : « Sans doute, la cause ne doit pas être jugée par le droit commun ordinaire, s'il y a un droit spécial. Mais quel est ce droit spécial? quelles sont ses limites? car il importe d'assigner de justes limites à toutes les spécialités.

» La procédure des douanes a eu lieu successivement: devant les tribunaux de district, en vertu de la loi du 22 août 1791; devant les tribunaux de paix, en vertu des lois des 14 fructid. an III et de l'an VII; devant les tribunaux correctionnels, par les lois des 17 déc. 1814 et 28 avr. 1816; enfin, soit devant des juges de paix, soit devant les tribunaux correctionnels, selon les cas, par la loi de 1818.

» Il y a la deux ordres de juridiction distinctes juridiction civile, et juridiction criminelle. La disposition spéciale de la loi de 1791 (tit. 12, art. 7), qui a permis de faire la signification des jugemens de condamnation en matière de douanes au domicile du commissaire du roi ou à celui de la commune, appartient exclusivement à la juridiction civile; peut-on la transporter, sans texte de loi, et par simple voie d'analogie, dans la juridiction criminelle ?

» Non, messieurs, le droit spécial civil n'est pas le droit spécial criminel; et il n'est pas plus permis de conclure par analogie de l'un à l'autre, qu'il ne le serait de conclure du droit commun civil au droit commun criminel.

» Les spécialités sont de droit étroit, elles ne se devinent pas, car elles doivent être littérales; elles ne peuvent s'étendre ni se multiplier Exceptio sterilis esto, nec generet alias.

» Des analogies seraient insuffisantes pour autoriser à les étendre; à plus forte raison quand il existe des différences de juridiction, d'objets, d'actes et d'effets; et enfin lorsqu'il s'agit d'une spécialité qui avait ses dangers, même au civil.

Il y a, dans la cause, différence des juridictions; car on voudrait conclure d'une juridiction civile, à une juridiction correctionnelle. Les procédures devant les tribunaux de district ou les justices de paix ne sont point des formes correctionnelles.

» Différence de l'objet; car la condamnation en matière civile fait tort aux biens seulement; en matière correctionnelle, tort à la personne; elle porte atteinte à l'honneur, à la liberté du citoyen.

» Différence des actes; car la citation et la signification du jugement ont un caractère et des conséquences bien différens. Si les lois de 1814 et de 1816 ont permis de donner la citation au domicile du procureur du roi près le tribunal correctionnel, ce n'est pas comme dé

fenseur du prévenu, comme chargé de ses intérêts, mais c'est pour la rapidité de l'action, pour éviter à l'administration les déchéances. La signification du jugement, au contraire, est faite pour provoquer l'opposition, l'appel ou les défenses à l'exécution.

» Différence des effets; car la citation, si on ne comparaît pas, expose seulement à étre jugé par défaut; mais la signification du jugement est exigée pour qu'on puisse éviter un préjudice définitif et irréparable.

» Les dangers qu'il y aurait eu à autoriser la signification des jugemens de condamnation en mains tierces ont été reconnus, même en matière civile. Aussi, le droit commun, le Code de procédure, veut-il que cette signification ne puisse être faite qu'à personne ou à domicile. La loi spéciale des douanes de 1791 avait elle-même pressenti ces dangers, car en permettant de faire la signification au parquet du procureur du roi, elle avait ordonné que les jugemens seraient encore affichés à la porte du bureau, et ne deviendraient exécutoires qu'après le délai d'un mois. Encore, ne s'agitil dans cette loi que de condamnations civiles.

En matière correctionnelle, le droit commun, le Code d'instruction criminelle, exige la signification au prévenu lui-même ou à son domicile (art. 187 et 203). Existe-t-il une disposition spéciale qui déroge à cette règle commune, à l'égard de la procédure correctionnelle en matière de douanes? Non, messieurs, il n'en existe aucune.

» La loi de 1814, dans son art. 19, reproduit par la loi de 1816 (art. 45), et maintenu par celle de 1818, ne permet de faire au parquet du procureur du roi que la signification seulement en cela, elle déroge au Code; mais elle n'y déroge pas quant à la signification du jugement; donc il n'y a pas de droit spécial quant à cet acte.

» Et remarquez que les lois de 1791, de l'an III et de l'an VII, qui avaient introduit la forme exceptionnelle de citation et de significalion en matière civile de douanes, sont antérieures au Code de procédure civile.

» Mais celles de 1814, de 1816 et de 1818 sont postérieures et à ce Code (qui est de 1806) et à celui d'instruction criminelle (de 1808). Si donc, en dérogeant, à l'égard de la citation, au Code antérieur, qui formait le droit commun, ces lois n'ont fait aucune dérogation à l'égard de la signification des jugemens, c'est qu'elles ont voulu maintenir, sur ce point, le droit

commun.

» Comment aujourd'hui les tribunaux auraient-ils le droit de faire, à défaut du législateur, une exception que la loi spéciale n'a pas faite; et cela, en transportant une forme du civil au correctionnel, sans texte de loi, et contre son esprit !

» Et voyez, messieurs, le danger de créer par arrêt une législation spéciale qui n'existe pas! En prétendant importer, du civil au correctionnel, la disposition exceptionnelle de la loi de 1791, qui permettait de faire la signification au commissaire du roi ou au procureur de la commune, on modifierait encore cette disposition elle-même, on créerait une forme qui ne serait ni celle du droit commun correctionnel ni celle de la loi de 1791; on retrancherait la garantie de l'affiche que cette loi consacrait: de sorte qu'à l'expiration de quelques jours, un citoyen, en rentrant à son domicile, pourrait apprendre en même temps, et

pour la première fois, sa citation, sa condamnation irrévocable, son expropriation, et se trouverait sous le coup d'un emprisonnement.

»De telles conséquences sont inadmissibles. N'oublions pas qu'en matière de pénalité et de formes exceptionnelles au droit commun, le juge n'est pas chargé de suppléer aux lacunes de la législation. Ce n'est pas en créant vousmêmes des dispositions dérogatoires au droit général, mais c'est au contraire en vous refusant à le faire, que vous consacrerez le respect dû à la loi, et que vous ferez sentir en même temps au législateur les lacunes qu'il peut avoir à remplir.

Par ces motifs, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter. »

DU 6 JANV. 1836, arr. cour cass., ch. réun.; MM. Portalis, 1er prés.; Legonidec, rapp.; Dupin, proc. gen. (Concl. conf.) — Godard de Saponay et Crémieux, av.

LA COUR (après un long délibéré en la chambre du conseil), Attendu qu'il est de principe que les dérogations aux règles générales doivent être expresses; qu'elles ne doivent pas être admises quand elles ne résultent qu'implicitement de simples inductions, et par voie d'analogie; -Attendu que les lois spéciales des douanes des 22 août 1791 et 14 fructid. an III ont bien réglé la forme dans laquelle les citations et les significations de jugemens doivent être faites dans les affaires de douanes qui sont poursuivies par la voie civile; mais ces lois ne reçoivent point une application directe et nécessaire aux poursuites qui ont lieu devant les tribunaux correctionnels; que des lois particulières ont tracé les formalités qui doivent être observées devant ces tribunaux ;-Que, si l'art. 45, L. 28 avr. 1816, dérogeant aux principes de ces lois, a voulu que, dans les cas qu'il indique, la citation soit donnée au prévenu au domicile du procureur du roi près le tribunal saisi de la contestation, il n'en résulte pas, surtout dans le silence de cet article, qui ne parle que de la citation, que le jugement par défaut obtenu sur cette citation puisse devenir définitif au préjudice du prévenu par une simple signification au domicile du procureur du roi ; -Que, le silence absolu gardé par les législateurs de 1814 et 1816, à l'égard des jugemens, doit plutôt faire présumer qu'ils ont voulu laisser les effets et les suites du jugement sous l'empire des règles générales prescrites pour les matières soumises à la compétence des tribunaux correctionnels ; Qu'en le jugeant ainsi, l'arrêt attaqué n'a violé aucun des articles invoqués, — REJETTE, etc. »

COUR DE CASSATION. (6 janvier.) Un jugement d'expropriation pour cause d'utilité publique peut, comme tout autre jugement, élre allaqué en cassation avant d'avoir élé signifié (1). La mention dans le jugement de l'accomplissement des formalités prescrites par la loi generale du 7 juill. 1833, el la loi spéciale de concession, ne constitue pas une fin de non-recevoir absolue contre le propriétaire exproprié par le jugement qui se pourvoil

(1) V. Bioche et Goujet, Dict. de procéd., vo Vente sur expropriation, no 69.

en cassation pour inaccomplissement de ces formalités (1).

Lorsque le jugement allaqué porte en termes exprès: Ouï le rapport publiquement fait à l'audience; et à la fin: Fait et prononcé à l'audience publique de la chambre du conseil, il résulte de celle double énonciation que la condition de publicité a élé suffisamment remplie pour la validité du jugement (2). Le propriétaire soumis à l'expropriation, maître qu'il est d'ailleurs de se présenler devant le tribunal pour lui donner des explications sur le jugement qui va être prononcé, ne doit pas, sous peine de nullile, y être appelé par le préfel, le procureur du roi ou le concessionnaire.

Le concessionnaire qui a mis en société sa concession n'est pas par là déchu du droit de provoquer en son nom l'expropriation. Lorsque la loi spéciale a impose au concessionnaire l'obligation de justifier de la constilution d'un certain fonds social avant de provoquer aucune expropriation, el que Padministration supérieure, par l'organe du directeur des ponts et chaussées, a reconnu que la formalité élail accomplie, le tribunal est incompetent pour rechercher contre une telle déclaration la justification du fail.

Il n'y a pas lieu à cassation du jugement lorsqu'il énonce que les pièces de l'enquête sont restées déposées pendant huilaine à la préfecture, el que l'exproprié soutient le contraire, bien que d'ailleurs il ail, dans le délai, fourni ses réclamations personnelles. Il y a violation de la loi, entraînant la nullité de l'enquête et la cassation du jugement rendu plus tard, si la commission instituée par l'art. 8, § 2, L. 7 juill. 1833, a élé composée de huil membres au lieu de sept, par exemple si les maires de deux communes differentes ont pris part tous deux aux délibérations de la commission en ce qui concernail chacune des communes.

Lorsque la loi qui autorise les travaux ne désigne pas les localités ou territoires où ils devront avoir lieu, un arrêté du préfel désignant ces localités ou territoires, rendu sur la mise à l'enquête, est une formalité substantielle dont l'inobservation entraîne la cassation du jugement qui a été ensuite prononcé (3).

GAULLIEUR-L'HARDY C. BOYER-FONFREDE.

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Le sieur Boyer était devenu, par une loi du 1er juin 1834, concessionnaire d'un canal à établir entre le bassin d'Arcachon et l'étang de Mimizan. Le cahier des charges, en le mettant aux droits de l'administration comme à ses obligations, lui imposait de justifier, avant toute expropriation, de la constitution d'un capital social nécessaire à l'exécution entière du canal. Il avait mis sa concession en société. Arrivé à la nécessité d'occuper les terrains, le concessionnaire s'était mis en rapport avec le sieur Gaullieur-L'Hardy, propriétaire de terrains sur la ligne, afin d'en obtenir la cession amiable; ses tentatives échouérent. Un juge

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ment du tribunal civil de Bordeaux, après avoir déclaré que toutes les formalités voulues par la Joi avaient été accomplies, prononça l'expropriation de divers terrains dans lesquels les propriétés du sieur Gaullieur-L'Hardy étaient comprises.

Pourvoi en cassation du sieur GaullieurL'Hardy contre ce jugement. Huit moyens de cassation étaient présentés. Premier moyen.

-Défaut de publicité du jugement, qui énonce seulement qu'après le rapport publiquement fait à l'audience, il a été prononcé à l'audience publique de la chambre du conseil.

Deuxième moyen. Violation du droit de défense, attendu que le jugement d'expropriation avait été prononcé sans que le sieur Gaullieur-L'Hardy y fût appelė.

Troisiéme moyen.

Violation de l'art. 63, L. 7 juill. 1833, portant que les concessionnaires des travaux publics exercent tous les droits conférés à l'administration, en ce que surtout, après avoir mis en société sa concession, il avait exercé en son nom personnel des droits qui ne pouvaient plus l'être qu'au nom de la société, dont ils étaient devenus la propriété commune. Quatrième moyen. Vices de formes dans la constitution de la société, et causes de dissolution survenues.- Ce moyen, étranger aux questions de l'expropriation proprement dite, avait cependant été présenté par le demandeur en cassation.

-

Cinquième moyen. · Violation de la loi spéciale de concession du 1er juin 1834, qui, par son art. 3, imposait au concessionnaire de justifier d'un fonds social suffisant pour établir entièrement le canal, en ce que le tribunal n'avait pas exigé la justification de ce fait, ce que le concessionnaire n'aurait d'ailleurs pu faire, attendu qu'en réalité il n'existait pas lors du jugement d'expropriation.

Sixième moyen. Violation de l'art. 8, § 2, L. 7 juin 1833, portant que la commission dont le Sier prescrit la formation sera composée du sous-préfet de l'arrondissement, de quatre membres du conseil général du département ou du conseil de l'arrondissement désignés par le préfet, du maire de la commune ou les propriétés sont situées, et de l'un des ingénieurs chargés de l'exécution des travaux, en ce que 1° la commission a été composée de huit membres au lieu de sept, les maires de deux communes où les travaux devaient avoir lieu ayant fait partie simultanément de la commission; 2° en ce que, au lieu d'un ingénieur, comme le veut la loi, le concessionnaire n'avait présenté à la commission qu'un simple conducteur de travaux. Septième moyen.-Violation des art. 2 et 4, L. 7 juill. 1833, en ce que, au lieu de procéder d'après les plans généraux du tracé fait lors de l'enquête par suite de laquelle la loi fut rendue, on avait, en déposant les plans définitifs, compris dans un tracé parcellaire, différant en largeur du premier, un moulin appartenant au demandeur, qui, jusque-là, était resté hors de la ligne du tracé.

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Huitième moyen. - Violation de l'art. 10, L. 7 juill. 1833, en ce que le procès-verbal de la commission et les piéces ne sont pas restés déposés au secrétariat général de la préfecture pendant huit jours à partir du dépôt.

On répondait pour le défendeur d'abord par deux fins de non-recevoir; la première tirée de ce que le demandeur en cassation s'était pourvu avant la signification du jugement; la seconde de ce que les six derniers moyens ne rentraient

pas dans la compétence de la cour de cassation, qui ne peut connaitre que de l'imcompétence, l'excès de pouvoir ou vices de forme du jugement, d'autant, d'ailleurs, que l'observation des formalités qu'on prétendait n'avoir pas été remplies était constatée par le jugement. Au fond, à l'exception du sixième et du septième moyens, les motifs à l'aide desquels on cherchait à les combattre ont été en partie visés dans l'arrêt de la cour, qui a rejeté ces moyens. Sur le sixième, on répondait contre le pourvoi : on disait que la loi, en fixant le nombre de sept membres pour faire partie de la commission n'avait voulu que poser une limite minimum, et qu'assurément elle n'avait jamais pu prévoir comme moyen de nullité en faveur de l'exproprié l'introduction d'un huitième, qui, par sa présence seule, et, dans l'espèce, par sa qualité de maire, donnait une nouvelle garantie aux propriétaires quant à la défense de leurs intérêts. Sur la deuxième branche de ce moyen, on se bornait à faire observer que la loi, art. 4, en parlant des agens auxquels les fonctions qu'elle indique seront données, dit : « Les ingénieurs ou gens de l'art; que c'est dans cet esprit qu'il faut entendre l'article où il est dit qu'un des ingénieurs chargés de l'exér cution des travaux fera partie de la commission. Contre le septième, on disait que l'allégation qu'on avait procédé sur des plans parcellaires différant du plan général était une allégation sans preuve. Mais l'avocat général près la cour releva à côté de ce moyen une irrégularité que le demandeur n'avait pas signalée, et qui fut une des causes de la cassation du jugement, c'està-dire l'absence d'arrêté du préfet désignant les localités ou territoires où les travaux devront avoir lieu, lequel doit précéder la dernière enquête, quand la désignation ne résulte pas d'ailleurs de la loi.

DU 6 JANV. 1836, arr. cour cass., ch, civ.; MM. Portalis, 1er prés.; Quequet, rapp.; Laplagne-Barris, av. gén. (Coni. conf.) TesteLebeau et Jouhaud, av.

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« LA COUR,-Sur la fin de non-recevoir diri gée contre l'ensemble du pourvoi,-Attendu que, lorsqu'un jugement fait grief à une partie, elle a le droit de l'attaquer, par cela seul qu'il existe et à partir du moment où il existe, à moins que la loi ne prescrive quelque délai à l'exercice de ce droit, comme dans l'art. 449, C. procéd.; Que la loi du 7 juill. 1833 ne contient aucune disposition semblable; qu'elle statue, à la vérité, que le pourvoi en cassation aura lieu dans les trois jours seulement à dater de celui de la notification du jugement, mais n'interdit pas de former ce pourvoi avant cette notification; qu'il est, au contraire, évident qu'en pareil cas l'anticipation du délai rentre dans le vœu de la loi même, dont une des principales vues a été l'accélération de la procédure; Sur la fin de non-recevoir dirigée contre les six derniers moyens du pourvoi, Attendu que, suivant l'art. 2, L. 7 juill. 1833, les tribunaux ne peuvent prononcer l'expropriation pour utilité publique qu'autant que cette utilité a été déclarée dans les formes que cette loi prescrit; d'où il suit que tout jugement qui prononcerait une expropriation sans que ces formes eussent été accomplies dégénérerait nécessairement en excès de pouvoir; Que les six derniers moyens du pourvoi repo sent sur des violations alléguées par le sieur Gaullieur-L'Hardy, soit de la loi du 7 juill.

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