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à la Bibliothèque du Conseil d'État, et ajoutant au traitement de votre place actuelle 1 un supplément de 6,000 francs, en raison de vos fonctions nouvelles.

Vous ne doutez pas de la part que nous prenons à la joie que vous donne le choix de Sa Majesté et à tout ce qui peut vous arriver d'heureux.

Agréez, dans cette circonstance, monsieur et ancien camarade, l'assurance des sentiments de la plus parfaite amitié.

Baron FAIN.

Presque aussitôt après avoir reçu la lettre de. M. Fain, M. Barbier écrivit au baron Meneval :

Monsieur le baron,

Les talents qui vous ont élevé à un poste aussi éminent que délicat sont assez généralement connus; j'aimais à en parler dans toutes les occasions qui se présentaient à moi. J'ajoutais que j'avais été à même d'apprécier les qualités de votre cœur; c'est sans doute à ce bon cœur que je dois attribuer le choix que Sa Majesté veut bien faire de moi pour son Bibliothécaire. Comptez sur mon éternelle reconnaissance, et croyez que je me dévouerai tout entier pour répondre à l'opinion favorable que Sa Majesté a bien voulu concevoir de mes faibles connaissances.

Je suis, etc.

Paris, 10 septembre 1807.

BARBIER.

Le même jour M. Barbier répondit au Baron Fain :

Monsieur et ancien camarade,

Je ne pouvais recevoir une nouvelle plus agréable que celle que vous avez pris la peine de m'annoncer. Ce qui m'a fait encore plus de plaisir, c'est la manière dont vous m'en informez.

Une place de Bibliothécaire auprès d'un Héros législateur ne doit pas être facile

1. Le traitement du Bibliothécaire du Conseil d'État était de 6,000 francs. Au sujet des deux traitements que touchait M. Barbier, la lettre suivante fut adressée au secrétaire général du Conseil d'Etat par le Grand Maréchal du Palais.

A Monsieur le baron Locré, secrétaire général du Conseil d'État.

Paris, 7 janvier 1808.

« Lorsque S. M. a nommé M. Barbier son bibliothécaire, Monsieur, ayant été à même de connaître ses intentions, je me rappelle fort bien qu'elle désirait qu'il conservât en même temps la place de Bibliothécaire du Conseil d'Etat. Cela devient d'autant plus nécessaire pour les intérêts de M. Barbier, qu'il ne jouit réellement que de la moitié des émoluments attribués à son prédécesseur. Comme vous voulez aussi du bien à M. Barbier, j'ai pensé qu'il vous conviendrait d'être aussi instruit de cet objet.

« Je vous renouvelle, Monsieur, l'assurance de ma parfaite considération.

« Le Grand Maréchal du Palais,

« DUROC. >>

Comme bibliothécaire de l'Empereur, M. Barbier était logé aux frais de la liste civile.

à remplir; elle est capable d'effrayer l'homme le plus instruit. Mais l'amitié de deux personnes qui jouissent de la confiance de ce Héros est bien faite pour me rassurer Je compte sur elle et ferai tout pour m'en rendre digne.

Croyez, etc.

Paris, 10 septembre 1807.

BARBIER.

Le Prince de Talleyrand, qui remplissait à cette époque les fonctions de Grand Chambellan et qui avait dans ses attributions tout ce qui se rattachait au service des bibliothèques de la Couronne, ne tarda pas non plus à écrire à M. Barbier et à lui faire parvenir une copie du décret suivant :

Au Palais impérial de Rambouillet, le 9 septembre 1807.

Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin,

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :

ARTICLE PREMIER.

La démission du s Ripault, de la place de notre Bibliothécaire, est acceptée.

ARTICLE 2.

Le sieur Barbier est nommé notre Bibliothécaire.

ARTICLE 3.

Notre grand Chambellan est chargé de l'exécution du présent décret.

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La minute de ce décret, entièrement écrite de la main du maréchal Duroc, existe aux Archives nationales, dans l'ancienne secrétairerie d'État du gouvernement impérial. On remarque, sur cette pièce, des suppressions, corrections et additions de la main de Napoléon.

Trois jours après sa nomination, M. Barbier reçevait de Rambouillet les premiers ordres adressés de la part de l'Empereur. Le maréchal Duroc lui écrivait :

Rambouillet, 12 septembre 1807.

Sa Majesté, Monsieur, vous a nommé son Bibliothécaire; elle désire que vous preniez possession de ses Bibliothèques le plus tôt possible.

Comme Sa Majesté se rend incessamment à son palais de Fontainebleau, il est plus pressant que vous preniez connaissance de cette bibliothèque.

Outre la bibliothèque du Cabinet de Sa Majesté, qui est pleine et complète, on a construit dans ce palais, pour le service de Sa Majesté, de ses Ministres et de la Maison, une grande bibliothèque. Sa Majesté y a destiné les livres de l'ancienne bibliothèque du Conseil d'État; elle désire que vous les fassiez partir et arranger de suite; elle désire aussi que vous envoyiez au même endroit les livres de la bibliothèque du Tribunat.

Voyez, Monsieur, à mettre le plus d'activité possible pour remplir promptement les intentions de Sa Majesté.

J'ai l'honneur de vous saluer,

Le Grand Maréchal du Palais,

DUROC.

Après avoir reçu cette lettre, M. Barbier s'occupa de choisir dans la bibliothèque du Conseil d'État cinq à six mille volumes, qu'il envoya à Fontainebleau, où il se rendit lui même, pour travailler immédiatement au classement et à l'organisation de la bibliothèque qu'il avait à former dans ce palais. Il revint ensuite à Paris, pour continuer à rechercher et à mettre à part dans la bibliothèque du Conseil d'État, dans celle de l'Empereur, et dans celle de Tribunat, les ouvrages qui devaient encore être transportés à Fontainebleau, où il retourna plusieurs fois avant d'avoir complété l'organisation définitive, de cette nouvelle et belle bibliothèque, souvent visitée, pendant les séjours de la Cour, par l'Empereur, par bien des notabilités de l'Empire ainsi que par divers savants français et étrangers.

En 1810, après avoir achevé le travail relatif à l'organisation et au catalogue par ordre de matières et par noms d'auteurs de cette précieuse collection, M. Barbier profita du séjour de l'Empereur à Fontainebleau pour lui adresser le remerciement que nous reproduisons:

Sire,

J'ai osé solliciter l'honneur de remercier Votre Majesté du rétablissement de la Bibliothèque de Fontainebleau, bibliothèque aussi remarquable par les ouvrages qui la composent que par le local qui les renferme.

Quelles idées grandes et nobles, douces et touchantes, ne rappelle pas ce mot de bibliothèque, considéré comme la réunion des plus beaux produits de l'esprit humain! Quels hommages de reconnaissance la postérité n'a-t-elle pas décernés à la mémoire des souverains qui ont favorisé l'établissement des bibliothèques!

Les rois de France se sont distingués en ce genre parmi tous les princes anciens ct modernes, et c'est leur palais de Fontainebleau qu'ils ont enrichi de préférence des ouvrages les plus précieux.

Vers le milieu du xive siècle, Charles V, surnommé le Sage, plaça dans ce palais tous les ouvrages qui purent se trouver de son temps, et, pour y avoir une bibliothèque vraiment digne d'un roi de France, il fit traduire en français la Bible, le plus curieux de tous les livres, la Cité de Dieu, de saint Augustin, la Politique d'Aristote, l'Histoire romaine de Tite-Live, et plusieurs autres productions de l'antiquité.

Environ deux cents ans après, François Ier, dont le nom sera à jamais cher aux

lettres et aux arts, fit encore chercher pour la bibliothèque de Fontainebleau, dans toutes les parties du monde, les livres les plus rares et les manuscrits les plus précieux. Les savants qu'il avait honorés de sa confiance secondèrent si bien le zèle du monarque que l'ancien local de la bibliothèque se trouva bientôt trop resserré pour contenir toutes les richesses qu'ils recueillirent. François Ier en fit préparer un beaucoup plus vaste au-dessus de la galerie qui porte son nom; et, tant qu'il exista, ce local fut considéré comme la plus belle pièce de ce magnifique palais.

Henri II ordonna qu'un exemplaire sur vélin de tous les ouvrages nouveaux serait déposé dans la bibliothèque de Fontainebleau. Mais, ô déplorable destinée des plus beaux monuments! les malheurs qui accablèrent la France, dans les siècles suivants, n'épargnèrent pas le brillant asile qui avait été ouvert aux sciences et aux lettres.

Henri IV se vit forcé de faire transporter à Paris la bibliothèque de Fontainebleau pour la mettre en sûreté contre le brigandage des factions. Il ne resta que le souvenir d'un si bel établissement. Louis XIII et Louis XIV nommèrent des gardes d'une bibliothèque qui n'existait plus.

Le bibliothécaire nommé par Louis XIV, Abel de Sainte-Marthe le fils, supplia en vain ce prince, par un discours imprimé, de rétablir sa bibliothèque de Fontainebleau; Louis XIV fut sourd à la voix de ce respectable bibliothécaire, qui rougissait de toucher les émoluments d'une place sans fonctions. En 1720, la place de garde de la bibliothèque de Fontainebleau fut réunie à celle du bibliothécaire du Roi, à Paris.

On pouvait craindre, Sire, de ne jamais revoir une bibliothèque dans le palais de Fontainebleau; mais à peine Votre Majesté eut-elle préservé ce palais de la ruine dont il était menacé dans ces derniers temps, qu'Elle donna des ordres pour l'arrangement d'un local destiné à recevoir une nombreuse bibliothèque.

Elle est organisée cette bibliothèque, et elle excite l'admiration de ceux qui la visitent; elle procure d'agréables jouissances aux personnes de Votre Maison qui viennent y passer le temps que leurs emplois leur laissent libre. Elle rappellera à la postérité la plus reculée le goût de Votre Majesté pour les lettres et les établissements littéraires, et, ce qui est encore plus digne de Votre Majesté, les profondes connaissances que lui a procurées un commerce habituel avec les livres. Que ne puis-je faire connaitre ici les ouvrages que Votre Majesté affectionne le plus, c'est-à-dire ceux où l'histoire retrace aux souverains les exemples qu'ils ont à suivre ou à éviter? On verrait dans ce tableau que Votre Majesté n'a étudié les grandes actions des princes qui ont brillé avant Elle sur la scène du monde que pour les surpasser toutes. Nous sommes les heureux spectateurs de ces merveilles, mais nos enfants, encore plus heureux que nous, en recueilleront les fruits les plus abondants.

C'est dans les deux bibliothèques du palais de Fontainebleau que Napoléon, en 1814, pendant les neuf jours qu'il passa dans cette résidence après son abdication, fit lui-même le choix de 695 volumes de Jurisprudence, de Littérature, d'Histoire ancienne et moderne, d'Art militaire, de Géographie, de Voyages, etc., etc. Parmi ces ouvrages qu'il emporta à l'île d'Elbe on remarque le Bulletin des Lois, le Recueil des traités de paix par Kock et Martens; les Codes de l'Empire; le recueil complet des Comptes du Ministre des Finances et du Trésor Public, Homère, Anacréon, Virgile, Ovide, Ossian, Le Tasse, Arioste, L'aide-mémoire à l'usage des officiers d'artillerie, par Gassendi, ouvrage dont Napoléon faisait le plus grand cas et qu'il savait presque par cœur. — Les Commentaires de César, Salluste, Tacite, Ammien Marcellin, Xiphilix, Polybe, Thucydide, Suétone, Plutarque, la Grande Description de l'Égypte, livre exécuté d'après ses ordres. le Voyage de Denon dans la haute et basse

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Égypte pendant les campagnes du général Bonaparte. La collection du Moniteur, etc., etc.

Dans les Cent jours, peu de temps après son retour à Paris, l'Empereur, en visitant la Bibliothèque du Louvre avec le général Bertrand, annonça à M. Barbier qu'il lui rapportait des livres de l'île d'Elbe. Plusieurs ouvrages furent en effet renvoyés, à cette époque, des Tuileries à la Bibliothèque du Louvre.

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