été absous par personne; mais Pline le Jeune, pour sa lettre où, en vrai Pilate, tout en justifiant les chrétiens, il les livre à la mort, Pline le Jeune a obtenu l'honneur d'une légende qui le fait chrétien et martyr. Plutarque luimême, si enfoncé dans son paganisme, a paru mériter d'être confondu avec un autre Plutarque, disciple d'Origène et martyr'. Un auteur moderne, qui s'est plu à recueillir ces traditions indulgentes du moyen âge, va plus loin encore, et, par des motifs que je ne saurais trouver bien graves, dans les cyniques dont parle Épictète il veut voir des chrétiens; par suite, dans le cynique Démétrius, chef de cette école, un chrétien; par suite, dans Thraséa, que Démétrius assista à sa dernière heure, un chrétien; dans la plupart des victimes de Domitien, des chrétiens2. La critique historique n'accepte, sans doute, ni ces traditions indulgentes, ni ces paradoxes ingénieux et érudits ; mais par quel hasard sont-ce tous des personnages de la même époque auxquels cette indulgence s'attache? et pourquoi cette prédilection particulière des chrétiens des siècles postérieurs pour les païens de la seconde moitié du premier siècle? Ne serait-ce pas parce que cette époque est celle où la prédication du christianisme, devenant plus éclatante, perçait l'ombre de bien des consciences, rencontrait bien 1 Voy. M. Fleury, saint Paul et Sénèque, t. II, p. 29 et s., 66 et s. Pour celles-ci, M. Fleury (Saint Paul et Sénèque, t. II, p. 13) se fonde sur le passage de Suétone (in Domit.) d'après lequel Acilius Glabrio, Civica Cerialis et d'autres auraient été mis à mort, quasi molitores novarum rerum. Cette phrase, selon lui, veut dire : « comme sectateurs d'un culte nouveau. D Je ne crois pas qu'aucun latiniste puisse accepter ce sens : res nova, mutatio rerum, molitores rerum novarum (en grec verepista) sont toujours pris dans le sens de révolution et révolutionnaires politiques. des pressentiments, satisfaisait à bien des aspirations latentes, faisait bien des néophytes inconnus auxquels elle ne pensait point et qui souvent ne se révélaient pas à elle? Nulle expression plus belle et plus historique ne saurait peindre, comme je la comprends, la tendance de ce siècle, que ces magnifiques vers que Dante met dans la bouche de Stace parlant à Virgile. Bien gratuitement, sans doute, il fait de Stace un chrétien; mais, à combien d'âmes contemporaines de Stace, je n'en doute pas, le même langage cût convenu! <«< Toi le premier, dit le poëte chrétien au poëte prophète involontaire du christianisme, toi le premier, tu m'as envoyé m'abreuver aux sources du Parnasse, et le premier après Dieu tu m'as éclairé. « Tu as fait comme un homme qui marche la nuit, portant derrière lui une lumière; il n'en profite pas, mais il éclaire ceux qui le suivent. « Ç'a été quand tu as dit : « Le siècle se renouvelle, la «< justice revient, et avec elle le premier âge des hommes, « et une race nouvelle descend des cieux. » « Par toi je fus poëte, par toi, chrétien. Mais afin que tu voies mieux mon dessin, je vais de ma main y mettre de nouvelles couleurs. « Déjà le monde entier était pénétré de la vraie croyance qu'avaient semée les messagers du royaume éternel. « Et ta parole, que je viens de citer, s'accordait avec les nouveaux prédicateurs, de telle sorte que je me pris à les visiter souvent. « Puis ils me parurent si saints, qu'au temps où Domitien les persécuta, leurs pleurs ne coulèrent pas sans mes larmes. « Et tant que je demeurai là-bas, je les soutins; et la droiture de leurs mœurs me fit mépriser toutes les autres sectes. << Et, avant que dans mon poëme j'eusse conduit les Grecs aux fleuves de Thèbes, je reçus le baptême; mais, par crainte, je demeurai chrétien caché1. » Purgatoire, xx11, 64, 90. J'emprunte la traduction de ces vers à l'œuvre posthume et bien précieuse de mon regrettable ami et confrère, M. Ozanam. Je voudrais que ce fût ici le lieu de le citer, de le louer et de le pleurer davantage. FIN DU TOME PREMIER TABLE DES MATIÈRES LIVRE PREMIER LA MAISON CHAPITRE PREMIER. IDÉE GÉNÉRALE DE CET OUVRAGE. Sujet du livre. Époque prospère de l'empire romain, de Vespasien à Marc Aurèle. . Causes de cette prospérité: Absence de succession héréditaire, matu- Mais surtout, développement plus grand du christianisme. Avantages de la civilisation gréco-romaine. - La monogamie - 3 5 8 9 10 L'esprit d'égalité. 11 - La liberté de l'intelligence. 13 Sur ces trois points, le christianisme rend à la société romaine plus 15 Grand rôle du christianisme dans l'empire à cette époque. Peu s'en CHAPITRE II. VESPASIEN (69-81). EMBARRAS DE L'EMPIRE (69-70). Deux partis dans Rome. Parti du Sénat, parti Néronien. Difficultés financières. L'empire romain était pauvre. Cependant, il donne beaucoup moins et fait crier beaucoup plus. Guerre du prince contre le fisc. Les dépenses bornées comme les recettes. 28 28 L'armée et le peuple de Rome payés, il reste une centaine de millions pour les spectacles et la dépense personnelle du prince S'il ne sait pas s'en contenter, il faut qu'il recoure aux supplices. Économie. Clémence 36 L'empire se relève 37 L'armée plus forte, les barbares repoussés Magnificence envers le peuple Après ce travail des premiers jours, on va plus loin. Le pouvoir romain 39 40 42 Il y avait une double opposition contre son pouvoir. 51 Opposition des philosophes, stoïciens et cyniques. Leur esprit républicain. 53 54 D'un autre côté, influences et souvenirs néroniens. Violences de Titus. Helvidius arrêté et exilé, ainsi que d'autres, et puis mis à mort Étranges prédications des cyniques à Rome Conspirations néroniennes, punies par de nouvelles rigueurs. |