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pensée d'une noble dame qui, n'étant point de notre région, s'y intéresse néanmoins dans sa touchante générosité en faveur des victimes de la dernière guerre. Une somme de 400 francs a été mise à la disposition de l'Académie de Stanislas, par Mme la marquise de SaintVincent Brassac, pour être remise en 1929 à un ascendant pauvre d'un sɔldat mort pour la France, durant la grande guerre.

Mme Thomassin, de Borville (1), née en 1867, veuve depuis 1913, a eu six enfants. Deux ont été tués au front, un troisième est mort des suites d'intoxication par les gaz la première condition est donc amplement remplie. D'autre part, Mme Thomassin vous est chaudement recommandée par un ancien maire de la commune, qui signale ses difficultés, ses charges, sa santé chancelante, en un mot un manque d'aisance, qu'une pension militaire n'atténue que dans une faible mesure. Aussi, le rapporteur de votre Commission a-t-il conclu à ce que le prix Saint-Vincent Brassac fût attribué à l'impétrante, à titre de secours. C'est bien là répondre à la volonté exprimée par la généreuse donatrice.

Mme de Saint-Vincent Brassac n'est pas une inconnue pour vous, Messieurs, vous lui avez décerné, l'an dernier, le prix du Souvenir pour ses publications et les œuvres qu'elle a fondées en faveur des infortunés de la guerre. La mémoire de son fils, Rolland de Brassac, mort pour défendre nos foyers guide sa charité dans le zèle le plus pur. Grâces lui en soient ici, cette année encore, publiquement rendues.

(1) Canton de Bayon.

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Les six derniers mois de l'année 1929 vous avaient été cléments, puisque aucun deuil, au cours de cette période, n'avait frappé l'Académie. Aussi, la perte coup sur coup de quatre de ses membres ou associés-correspondants : M. Émile Ambroise, notre questeur, M. Antonin Daum, Mme la marquise d'Eyragues, M. André Hallays, lui futelle, au commencement de 1930, particulièrement douloureuse. Voici qu'à d'autres mains le flambeau est passé. Car, pas plus que ne s'éteindra le souvenir de nos disparus, ne sauraient tomber les Traditions desquelles ils furent les mainteneurs et qui déjà sont relevées par ceux que, d'une année à l'autre, l'Académie a voulu successivement accueillir: MM. Gaston Michel, Pierre Marot, Maurice Toussaint, Jules Florange, Lucien Braye, Jean Colin, Georges Étienne, Paul d'Arbois de Jubainville.

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Ce fut le 3 janvier 1930, presque au début de l'année, que nous apprîmes, triste coïncidence, la mort de notre questeur vénéré, M. Émile Ambroise. Depuis dix-huit. ans en fonctions, son dévouement inaltérable, son expé

SÉRIE VI, t. XXVI, 1930

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rience juridique et financière, sa gestion aussi sûre que prudente des intérêts de votre Compagnie lui valaient, à chaque exercice, la nouvelle et unanime expression de la reconnaissance de ses confrères. On sait que, malgré la continuité d'un tel labeur, M. Ambroise avait accepté de participer à d'autres et multiples tâches, toutes de désintéressement: il faut nous borner, parmi celles-ci, àt signaler le rôle de M. Ambroise à la Société de Secours. aux Blessés militaires, de laquelle il était le délégué régional, et à rappeler que l'ancien combattant de 1870 était asusi vice-président de la Société des Vétérans. C'était à sa ville natale qu'il avait consacré les prémices de son activité littéraire L'Arrondissement de Lunéville avant Léopold (1595-1697) devait en effet précéder la publication des Prestimonies, du Procès des Baronnies, des Derniers Seigneurs du district de Blâmont, tous ouvrages nettement ordonnés, d'un style fin et clair, par où s'évoquait, dans sa variété, l'histoire de notre passé lorrain. Des qualités de haute courtoisie, de constante affabilité de notre cher questeur, si précieuses au cours des incidents par où passe la vie parfois complexe d'une Compagnie comme la vôtre, nous ne dirons rien, car elles sont dans toutes les mémoires. Elles ne devaient être dépassées que par la sérénité avec laquelle il accepta, dans les dernières années de sa vie, d'être mis en face de la plus sévère des interventions chirurgicales, devant laquelle d'autres, plus jeunes, eussent senti fléchir leur courage. Nous avions eu la joie de le revoir parmi nous après cette épreuve, nous avions admiré l'égalité, la constance de son humeur. Et le souvenir nous restera de ce stoïcisme souriant et du haut exemple qu'un soldat d'autrefois nous aura donné jusqu'au bout.

Quelques semaines à peine écoulées, l'Académie voyait disparaitre, perte non moins cruelle, un autre de ses membres titulaires : Antonin Daum. Né au cœur du comté de Bitche, non loin des régions vosgiennes où l'industrie du verrier a fleuri depuis le fond des âges, il demeurait ici le Maître incontesté d'une tradition et d'une technique par lesquelles la nature apparaissait

toute spiritualisée. Telles furent aussi les origines, directement justifiées, de ses titres à vos suffrages. Pourtant, dès 1909, des Comptes Rendus, publiés par Antonin Daum dans la Revue générale de l'Exposition de Nancy, avaient mis en relief des idées toutes nouvelles par où l'auteur, remontant des effets aux causes, analysait déjà, avec une singulière pénétration, les origines de l'évolution du goût lorrain dans l'Art décoratif. Son discours de réception : Verriers d'autrefois, restera comme la description la plus. colorée, la plus directe (la mieux documentée aussi) du cadre forestier où les ancêtres de nos verriers lorrains d'aujourd'hui menaient, non sans honneur, leur dur métier. Fondateur, dans ses propres ateliers, d'une École de Dessin et de Décoration, vice-président de la Chambre de Commerce, commandeur de la Légion d'honneur, Antonin Daum plaçait, au-dessus des obligations professionnelles et des honneurs, les préoccupations sociales qui, sans cesse, le penchèrent sur le sort des humbles, pour lesquels jamais il ne croyait avoir assez fait. Il est mort avant l'heure, sans que la carrière ait été par lui jusqu'au bout parcourue. Mais sa vie avait été pleine aucun de ses enseignements ne sera perdu par ceux qu'il laissa derrière lui, ni par ceux qui, l'ayant approché, eurent l'honneur et gardent la fierté d'avoir été ses amis.

Quand, il y a vingt-six ans, fut élue par l'Académie de Stanislas, au titre d'associé-correspondant, Mme la Marquise d'Eyragues, ses parrains n'avaient pas laissé, en ces temps reculés, de déclarer hautement et avec liberté : « que la littérature, la poésie, les arts, les sciences mêmes, ne sont pas un domaine réservé au sexe fort, et qu'à celui-ci nos Statuts n'ont pas, du moins explicitement, réservé un privilège exclusif ». Ce jour-là, une Institution déjà vénérable se devait donc de prouver une fois de plus sa constante jeunesse (...et peut-être, aussi, quelque don de prescience) en accueillant avec honneur Mme d'Eyragues, savant et pieux auteur d'une Traduction des Psaumes sur le texte hébreu, qu'avait couronnée l'Académie Française. En elle, votre Commission des Prix de Vertu eut dès lors la plus précieuse des collabo

ratrices, vouée d'avance, par son grand cœur, au soulagement de toutes les souffrances, à la recherche de tous les mérites, même des plus obscurs, mis par elle chaque fois, par un don tout féminin, en leur juste place. Tant d'Euvres, que soutenait celle qui fut partout l'image de la Bonté vivante, tant d'isolés aussi, que touchaient sans cesse des bienfaits qu'elle eût voulus plus ignorés, ont voué à sa mémoire une reconnaissance qui se montra émouvante au jour de ses obsèques. Elle durera profondément dans des cœurs qui n'oublient rien d'une vie qui fut toute de dévouement et qui restera comme le plus haut, le plus total, le plus pur des exemples à proposer à la génération féminine qui se lève.

Parmi les nombreux travaux qui, déjà, avaient fait la célébrité d'André Hallays quand s'ouvrirent devant lui les portes de votre Compagnie, il convient ce mettre au premier plan l'œuvre que ce Nancéien de passage, sinon d'adoption, venait alors de consacrer à Nancy, rangée par lui à côté des villes d'art célèbres: Strasbourg, Versailles, Rouen, Nuremberg, Milan, Cordoue, Rome, Venise, Florence.

Résumant, devant vous, le volume à cette époque, le regretté Henri Mengin disait excellemment : « Ni une de vos richesses, ni une de vos gloires, ni une de vos pierres n'ont échappé à l'auteur. » Et, des jugements portés par Hallays sur Nancy, voici celui que votre confrère avait voulu retenir : « C'est une œuvre d'art exquise. Il n'y a point de ville dont le plan soit mieux dessiné, dont les édifices présentent des dehors plus harmonieux. Aujourd'hui, on parle souvent de l'art de bâtir les villes. En voici le modèle. »

L'accueil que fit à l'admirateur à l'amoureux - de Nancy l'Académie fondée par Stanislas fut digne d'elle, et aussi d'André Hallays. Nous ne le revîmes plus, à notre gré, qu'à de trop rares intervalles. Mais il avait gardé parmi nous de fidèles et chaudes amitiés. Et déjà, avec une joie nouvelle, nous l'avions vu revenir à notre Lorraine par de magnifiques et toutes récentes publications, quand sa mort inattendue a fait tomber, avec nos espoirs,

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