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laire fit échouer cette candidature; la diplomatie avait déjà condamné l'autre.

Dans une réunion du 1er février, par un protocole resté secret, la Conférence avait prononcé l'exclusion des ducs de Nemours et de Leuchtenberg; cette décision fut confirmée par un protocole daté du 7 du même mois et qui fut notifié au gouvernement belge 1.

On sait quel a été le résultat du choix du duc de Nemours; les esprits impartiaux se demanderont quelles eussent été les conséquences de l'élection de son concurrent. Qu'il eût accepté, qu'il eût refusé, les suites eussent été également désastreuses.

Par son refus, le duc de Leuchtenberg nous eût laissé dans le status quo; nous serions restés dans la voie pacifique, mais la nouvelle dynastie française aurait eu un grief contre nous; l'hostilité eût été flagrante, personnelle, et peut-être le projet de partage eût-il rencontré moins de répugnance.

En acceptant, malgré la France, malgré la Conférence, le duc de Leuchtenberg, mis au ban de l'Europe,

qui avaient d'abord voté pour le duc de Leuchtenberg, MM. de Leuze, F. Béthune, comte de Robiano, comte Duval de Beaulieu et Vanderbelen, qui avaient voté pour l'archiduc Charles, ont voté pour le duc de Nemours, ce qui a donné au duc de Nemours 97 voix, c'est à dire la majorité absolue, le nombre des votants étant de 192, y compris M. Deville, qui n'avait pas pris part au premier scrutin, et qui, au deuxième, vota pour le duc de Leuchtenberg.

1 Le comité diplomatique restitua ce protocole à lord Ponsonby, en opposant la souveraineté du Congrès belge à celle de la Conférence de Londres; cette note, datée du 14 février, n'est pas annexée aux actes de la Conférence et se trouve dans le recueil de Bruxelles (rapport du 15 mars 1831, p. 123). C'était toujours une conséquence du système ultra-révolutionnaire, qui déclinait la mission européenne de la Conférence.

(Note de la 4e édition.)

devenait le représentant couronné du système belliqueux; sa mission eût été grande et belle; il se fût placé à la tête du mouvement qui emportait le monde : vaincu, il tombait avec la Belgique, laissant un impérissable souvenir; vainqueur, le trône belge était pour lui le marchepied d'un autre trône. Dans toutes les hypothèses, c'en était fait de notre indépendance.

Il est sorti de cet épisode un grand enseignement qui n'a été perdu ni pour la Belgique, ni pour la France: Louis-Philippe, en proclamant à la face du monde l'impossibilité où il était, comme roi et comme père, d'accepter la Belgique pour son fils, apprenait à la France qu'aucun peuple n'est assez puissant pour se mettre au dessus des lois générales de l'Europe 1.

1 « Si je n'écoutais que le penchant de mon cœur et ma disposition bien sincère de déférer au vœu d'un peuple dont la paix et la prospérité sont également chères et importantes à la France, je m'y rendrais avec empressement; mais, quels que soient mes regrets, quelle que soit l'amertume que j'éprouve à vous refuser mon fils, la rigidité des devoirs que j'ai à remplir m'en impose la pénible obligation et je dois déclarer que je n'accepte pas pour lui la couronne que vous êtes chargés de lui offrir.

« Mon premier devoir est de consulter avant tout les intérêts de la France et, par conséquent, de ne point compromettre cette paix que j'espère conserver pour son bonheur, pour celui de la Belgique et pour celui de tous les Etats de l'Europe, auxquels elle est si précieuse et si nécessaire. Exempt moi-même de toute ambition, mes vœux personnels s'accordent avec mes devoirs. Ce ne sera jamais la soif des conquêtes ou l'honneur de voir une couronne placée sur la tête de mon fils qui m'entraîneront à exposer mon pays au renouvellement des maux que la guerre amène à sa suite et que les avantages que nous pourrions en retirer ne sauraient compenser, quelque grands qu'ils fussent d'ailleurs. Les exemples de Louis XIV et de Napoléon suffiraient pour me préserver de la funeste tentation d'ériger des trônes pour mes fils et pour me faire préférer le bonheur d'avoir maintenu la paix à tout l'éclat des victoires que, dans la guerre, la valeur française ne manquerait pas d'assurer de nouveau à nos glorieux drapeaux. »

(Extrait du discours de Louis-Philippe. 17 février 1831.)

On avait offert à la France la réunion par personne interposée. L'Europe lui dit : Ne touchez point à cette couronne, il y va de la paix du monde; et la France n'y toucha point. Cette expérience était peut-être nécessaire pour convaincre certaines opinions d'impuissance.1

1 Élu par le Congrès, le duc de Leuchtenberg eût pris conseil du roi Louis-Philippe, qui l'eût dissuadé d'accepter la couronne belge.

C'est le même duc de Leuchtenberg (Charles-Auguste-Eugène-Napoléon, né à Milan le 9 décembre 1810) qui a épousé la reine de Portugal, dona Maria, et qui est mort prématurément à Lisbonne le 25 mars 1835. Sa veuve a épousé le neveu du roi Léopold Ier. (Note de la 4e édition.)

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Le refus de Louis-Philippe était connu à Bruxelles avant le retour de la députation envoyée à Paris par le Congrès national 1. Le président, M. Surlet de Chokier, ne put rendre compte de sa mission que dans la séance du 21 février 1831; il fit un noble appel au patriotisme et à l'union. Le découragement avait pénétré dans bien des esprits et les séances se passaient à enregistrer des démissions. La constitution était achevée depuis le 7 février; on résolut de la promulguer, en remplaçant le gouvernement provisoire par une régence et en réservant au Congrès le pouvoir législatif sans partage, et le choix du chef définitif. Ce fut une heureuse idée; les membres du gouvernement provisoire abdiquèrent le pouvoir avec le même à-propos et la même noblesse d'âme qu'ils l'avaient saisi dans des jours d'anarchie; ils revendiquèrent même l'initiative de la proposition. Le 24 février, M. Surlet de Chokier fut nommé régent de la Belgique, par 108 voix sur 157; son compétiteur

1 Cette députation se composait de MM. Surlet de Chokier, président du Congrès, le comte Félix de Mérode, le comte d'Arschot, MM. Ch. Le Hon, Ch. de Brouckere, Marlet, Gendebien père, le chanoine Boucqueau de Villeraie, Barthélemy et le marquis de Rodes.

était M. le comte Félix de Mérode. Le Régent fut solennellement installé le lendemain.

Le premier ministère du régent n'eut qu'un mois de durée1.

Deux événements principaux se rattachent à cette époque : l'un est la réception de M. Ch. Le Hon par le roi des Français, le 19 mars, comme envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire du régent de la Belgique; l'autre, la proclamation adressée le 10 mars par le régent aux Luxembourgeois.

La réception de l'envoyé belge à Paris équivalait à la reconnaissance de la Belgique par la France, et rien ne le prouvait mieux que la conduite du gouvernement anglais, qui ne voulut pas recevoir officiellement M. le comte d'Arschot comme ministre du régent. LouisPhilippe était en droit de répondre aux cabinets qu'après avoir refusé la couronne offerte à son fils, il donnait un nouveau gage à l'Europe en considérant la Belgique comme État indépendant.

La proclamation du 10 mars fut provoquée par l'arrivée du duc de Saxe-Weimar à Luxembourg : cet acte de représailles n'était qu'une conséquence de la protestation du Congrès; il sauva une province alors très étendue d'une contre-révolution qui était imminente et

1 Composition du ministère (arrêté du 26 février 1831) :

Affaires étrangères, M. S. Van de Weyer.

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M. de Gerlache, nommé président du conseil le 27 février, résigna ces fonctions quelques jours après.

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