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CHAPITRE XVII.

Marche adoptée par le gouvernement belge à la suite des
Mariage du roi Léopold.

ratifications.

Nul doute que la Belgique ne fût en droit d'exiger des ratifications pures et simples; les trois cours du Nord venaient, par leurs réserves, de consacrer un précédent nouveau en diplomatie. La ratification d'un acte politique est subordonné à cette seule question : le plénipotentiaire a-t-il agi dans les limites de ses pouvoirs, oui ou non? En cas d'affirmative, le souverain est tenu d'approuver l'acte; en cas de négative, le souverain peut refuser son approbation à l'acte; mais alors il désavoue l'agent. Pas de milieu possible: ratification de l'acte, ou désaveu de l'agent.

M. de Muelenaere, en communiquant le texte du traité aux Chambres belges, avait dit : « Le traité ayant été conclu par les plénipotentiaires munis de pleins pouvoirs, qui ont été trouvés en bonne et due forme, l'échange des ratifications et la ratification elle-même ne sont plus que de simples formalités diplomatiques. » Et il devait en être ainsi. Ce n'est qu'en violant la loi des négociations qu'on a donné un démenti aux paroles du ministre belge.

Ce qu'il importe toutefois de remarquer, c'est que les réserves laissent subsister le traité à l'égard de la

France, de la Grande-Bretagne, et même de l'Autriche, de Prusse et de la Russie. Les deux premières puissances ont ratifié purement et simplement, le 31 janvier, et les réserves subséquentes leur sont totalement étrangères; les trois cours du Nord, en ratifiant, n'ont

pas déclaré que, tel cas échéant, leurs ratifications seraient caduques; elles ont ratifié le traîté en ce qui les concernait, mais en ajoutant une stipulation en faveur de tiers, à savoir, la Diète germanique, relativement au Luxembourg, et le roi Guillaume, au sujet de certaines modifications éventuelles à faire de gré à gré. En droit civil, on contracte souvent sauf les droits de tierces personnes, ce qui n'empêche pas le contrat d'être parfait entre les parties principales. C'est aussi ce que la Conférence a reconnu d'une manière formelle, en déclarant, à la suite de l'échange des dernières ratifications, que le traité se trouvait revêtu de la sanction commune des cinq cours, et que leur tâche consistait désormais à en amener l'exécution. Or, on n'exécute que ce qui existe en principe.

L'exécution pouvait être ou volontaire ou forcée. C'est de l'exécution volontaire que la Conférence dut s'occuper d'abord.

Toutes ces idées se trouvent exprimées dans le protocole du 4 mai, qui définit nettement la position des parties:

((

Après avoir terminé l'échange des ratifications du traité du 15 novembre 1831, les plénipotentiaires se sont réunis à l'effet de prendre en considération la marche que les cinq puissances, placées dans la même attitude par la sanction commune dont cet acte est

revêtu, auraient à suivre pour en amener l'exécution de la manière la plus conforme aux vues de paix dont elles sont animées.

<«< Dans ce but, les plénipotentiaires ont été unanimement d'avis qu'il était du devoir de la Conférence de Londres de ne pas se départir des principes qui l'ont dirigée jusqu'à présent, de consacrer de nouveaux soins à l'accomplissement de l'œuvre auquel les événements l'ont appelée et, en regardant le traité du 15 novembre comme la base invariable de la séparation, de l'indépendance, de la neutralité et de l'état de possession territoriale de la Belgique, de rechercher à amener entre S. M. le roi des Belges et S. M. le roi des Pays-Bas une transaction définitive, dans la négociation de laquelle la Conférence s'efforcerait d'aplanir, par des arrangements de gré à gré entre les deux parties, toutes les difficultés qui peuvent s'élever relativement à l'exécution du traité mentionné ci-dessus. »

Le protocole du 4 mai laissait indécise une question grave: il déclarait, d'une part, que l'état de possession territoriale était irrévocablement fixé; d'autre part, qu'il serait ouvert une négociation pour aplanir quelques difficultés. Cette négociation devait-elle être ouverte avant ou après que la partie du traité relative à l'état de possession territoriale eût reçu son exécution? C'est sur ce point que la Conférence ne s'était pas prononcée.

Le ministère belge saisit l'initiative pour combler cette lacune, et soutint la nécessité de l'exécution immédiate de la partie du traité relative aux arrangements

territoriaux; nous avons, dans le chapitre précédent, cité un passage du rapport officiel de M. de Muelenaere, du 12 mai; la conception de ce plan est antérieure à cette époque et aux débats des Chambres. Sous la date du 7 mai, le plénipotentiaire belge, M. Van de Weyer, avait demandé l'évacuation préalable du territoire; cette demande reçut de plus amples développements dans une note du 11 mai, qui ne fut pas remise à la Conférence, mais qui, par la publicité qui lui fut donnée, ne resta pas sans influence.

Cette note, écrite pour ainsi dire sous la dictée du Roi, était ainsi conçue :

« Le soussigné, ministre des affaires étrangères de S. M. le roi des Belges, ayant porté à la connaissance de son souverain que le traité du 15 novembre se trouve aujourd'hui revêtu de la sanction commune des cinq cours, a été chargé par Sa Majesté de présenter, avec toute la précision possible, à LL. EE. les plénipotentiaires d'Autriche, de France, de la GrandeBretagne, de Prusse et de Russie, réunis en conférence à Londres, les considérations suivantes sur la marche que son gouvernement se croit en droit de suivre ultérieurement.

« La Conférence en arrêtant, au nom des intêrêts d'un ordre supérieur qui lui sont confiés, les vingtquatre articles du 15 octobre 1831, a déclaré, dans les notes y annexées, que ces articles étaient destinés à être insérés mot pour mot dans un traité direct avec la Hollande, lequel ne renfermerait, en outre, que des stipulations de paix et d'amitié; que les cinq cours se réservaient la tâche et prenaient l'engagement d'obtenir

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l'adhésion de la Hollande à ces articles, quand même elle commencerait par les rejeter. Le plénipotentiaire belge ayant appelé l'attention de la Conférence sur diverses modifications que son gouvernement désirait obtenir dans les vingt-quatre articles, LL. EE. les plénipotentiaires, dans une note en date du 12 novembre 1831, déclarèrent que, ni le fond ni la lettre des vingt-quatre articles ne sauraient désormais recevoir de modifications, et qu'il n'était plus même au pouvoir des cinq puissances d'en consentir une seule. C'est plein de confiance dans des déclarations aussi expresses et aussi solennelles, que le roi des Belges a consenti à adhérer purement et simplement aux vingt-quatre articles, dont plusieurs sont si onéreux à son peuple; cette adhésion pure et simple, faite sans arrière-pensée, a formé entre Sa Majesté et chacune des cinq cours un lien indissoluble. Le roi des Belges n'élève aucun doute que les cinq cours, en ratifiant le traité du 15 novembre, n'aient entendu remplir pleinement des engagements solennellement contractés et non sujets à rétractation, et il n'hésite pas à attacher à chacun des actes qui ont sanctionné le traité tout l'effet d'une ratification pure et simple.

« Considéré en lui-même, le traité renferme deux genres de dispositions : les unes, à l'abri de toute contestation sérieuse et susceptibles d'une exécution immédiate; les autres, sujettes à de nouvelles négociations pour devenir susceptibles d'exécution.

« Si le roi des Belges pouvait se montrer disposé à ouvrir des négociations sur ces derniers points, ce ne pourrait être qu'après que le traité aurait reçu un com

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