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CHAPITRE XVIII.

Deuxième ministère du Roi.

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Tentatives de négociation directes avec la Hollande. Refus du gouvernement hollandais. Adoption du principe des mesures coercitives. Désaccord sur la nature de ces mesures.

Nous avons vu, dans le chapitre XVI, quelle est l'attitude que le gouvernement hollandais avait prise à la suite de la proposition des vingt-quatre articles du 15 octobre 1831; nous nous sommes arrêtés au projet présenté confidentiellement, le 30 janvier 1832, projet qui détruisait le traité du 15 novembre dans toutes ses parties; on pouvait supposer que les ratifications successives du 31 janvier, du 18 avril et du 4 mai, feraient fléchir la politique hollandaise; c'est dans cet espoir que la Conférence s'adressa, le 4 mai, aux plénipotentiaires hollandais, en même temps qu'au plénipotentiaire belge, pour proposer l'ouverture d'une négociation propre à amener l'exécution volontaire du traité; le cabinet de Bruxelles crut devoir mettre pour condition à l'ouverture de cette négociation l'évacuation préalable des territoires; les plénipotentiaires hollandais répondirent, le 7 et le 29 mai, en renouvelant leur protestation du 14 décembre contre les vingt-quatre articles, et en expri

it leur surprise et leurs regrets de voir la Conférence osée à regarder le traité du 15 novembre comme la

base invariable de la séparation, de l'indépendance, de la neutralité et de l'état de possession territoriale de la Belgique. La Conférence, ayant regardé la Belgique comme fondée dans sa demande de l'évacuation préalable, rédigea, le 11 juin, trois articles explicatifs destinés à être annexés aux vingt-quatre articles, et d'après lesquels l'évacuation réciproque devait s'effectuer le 20 juillet, et les articles 9 et 12, relatifs à la navigation fluviale et à la dette, être soumis à l'examen des commissaires'. Les plénipotentiaires hollandais, en réponse à cette communication, reproduisirent, sous la date du 30 juin, le projet du 30 janvier légèrement modifié : la Conférence fit subir, le 10 juillet, quelques changements aux propositions du 11 juin, en déclarant que l'évacuation aurait lieu quinze jours après l'échange des ratifications de la nouvelle convention; le gouvernement hollandais rejeta également cette nouvelle rédaction2.

La Conférence, toutefois, en n'assignant plus à l'avance d'époque fixe à l'évacuation réciproque, s'était désistée d'une condition essentielle, qui formait toute la politique belge; le cabinet de La Haye tira habilement parti de cette circonstance. C'est ici que commence la deuxième période des négociations qui suivirent l'échange des ratifications.

La Belgique avait déclaré qu'elle ne consentirait à l'ouverture d'une nouvelle négociation qu'après l'évacuation territoriale.

La Conférence avait, dans sa note du 11 juin, posé

1 Propositions annexées au protocole no 65, du 11 juin 1832.
* Propositions annexées au protocole no 67, du 10 juillet 1832.

le même principe; elle s'en était désistée par ses propositions du 10 juillet.

La Belgique, qui avait pris acte de la note du 11 juin, renouvela sa première déclaration.

La Hollande prit acte du désistement qui résultait des propositions du 10 juillet, et, sans déterminer de bases, elle offrit d'ouvrir une négociation directe.

Cette offre du gouvernement hollandais avait pour lui un double avantage.

Dans sa pensée, il ne s'engageait à rien, certain qu'il se croyait que la Belgique persisterait dans une condition préalable rejetée par la Conférence.

Il se rapprochait de la Conférence, en faisant passer tous les torts du côté de la Belgique.

Les parties restèrent ainsi en présence pendant le mois d'août et la première moitié du mois de septembre 1832.

La Belgique s'adressa, à plusieurs reprises, à la Conférence, pour demander l'évacuation préalable et, en cas de refus de la Hollande, l'emploi de moyens coercitifs; la Conférence pouvait-elle faire droit à cette demande?

L'emploi des mesures coercitives devait supposer que toutes les mesures pacifiques étaient épuisées; ceci n'a pas besoin de démonstration.

Or, les mesures pacifiques étaient-elles épuisées?

Non; l'offre de la Hollande venait de faire naître une ressource nouvelle et imprévue; les réserves russes lui accordaient le droit d'ouvrir une négociation avec la Belgique, pour parvenir à un arrangement à l'amiable sur quelques points; elle n'avait fait qu'user de ce droit.

La Belgique, en mettant une condition à l'ouverture de la négociation, avait également usé d'un droit incontestable mais ici, comme dans toutes les affaires politiques, il y avait, outre la question de droit, la question d'utilité.

Reportons-nous au jour de l'échange des dernières ratifications et rappelons-nous les incertitudes et les alarmes qu'elles renouvelèrent dans les esprits, sous l'empire de la première impression.

Les ratifications des cinq Cours n'étant pas toutes pures et simples, il se présentait deux hypothèses :

1° Il pouvait entrer dans les vues de la Conférence de se prévaloir des réserves, pour se saisir de nouveau de quelques questions et les trancher par un arbitrage forcé;

2o La Hollande pouvait également se prévaloir des réserves pour exiger que quelques parties du traité fussent modifiées dans une négociation directe.

Le plus grand danger était dans la première hypothèse: pour la repousser, il fallait trouver immédiatement un point d'arrêt; et le principe de l'évacuation préalable fut posé.

La Conférence ne tarda pas à reconnaître, dans plusieurs actes, et de la manière la plus expresse, que son action, comme arbitre, était épuisée, que le traité était complet et irrévocable à l'égard de chacune des cinq cours, qu'il restait un traité direct à conclure entre la Hollande et la Belgique, que les réserves ne pouvaient que sur ce dernier traité.

influer

Le gouvernement belge était de la sorte parvenu à écarter la première hypothèse; restait la deuxième, qui

ne tarda pas à se réaliser, en plaçant toutes les parties dans la position la plus bizarre.

La Conférence s'était reconnue incompétente comme arbitre, en posant le principe d'une négociation directe entre la Belgique et la Hollande, et en déclarant que le temps de prendre des mesures coercitives n'était pas

arrivé.

La Belgique et la Hollande étaient disposées à ouvrir cette négociation, mais l'une avant, l'autre après l'éva cuation territoriale.

Véritable impasse, où il n'était possible ni de négocier, ni de recourir à la force.

Nous avons dit que le gouvernement hollandais avait offert de négocier, mais sans déterminer de bases; c'est là qu'était le principal danger de la deuxième hypothèse, et, ce danger, il fallait l'éviter.

C'est dans cette intention que le ministre anglais, lord Palmerston, concerta des propositions avec les deux plénipotentiaires belges, MM. Van de Weyer et Goblet; la nouvelle négociation cessait d'être non définie; ces propositions, qui furent communiquées à tous les membres de la Conférence, posaient des bases au delà desquelles le gouvernement belge ne pouvait être entraîné dans la négociation directe; personne, dès lors, n'était en droit de lui dire, après un premier essai : Il faut négocier sur des bases plus larges, vous montrer plus traitable encore, faire un pas de plus. Les membres de la Conférence avaient écrit d'avance: Si vous allez jusque-là, nous sommes satisfaits; le dernier intervalle sera franchi1.

1 Thème et rapport de lord Palmerston, annexés au protocole no 69, du 30 septembre 1832.

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