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392 CARACTÈRE EUROPÉEN DU PRINCIPE DE L'INDÉPENDANCE BELGE

Belges sont eux-mêmes chargés de se garder. Se montreront-ils dignes de cette mission? Là est leur avenir.

L'indépendance belge, sainement entendue, n'a rien d'hostile aux autres peuples; elle assure un long repos à cette partie du continent, en dissipant une chance de guerre qui plane sur l'Europe depuis le règne de Charles-Quint. Notre révolution se recommande par un caractère tout national qu'on a ou calomnié, ou méconnu; elle n'est ni antisociale, ni antiPays-Bas (brochure de 84 pages, La Haye, 1833), après avoir énuméré les traités que nous venons d'analyser, se fonde sur l'ancien droit public pour condamner la création du royaume de Belgique et pour soutenir la nécessité d'une restauration intégrale.

Nous partons du même principe: la non-réunion de la Belgique à la France. Ce principe a reçu successivement trois applications :

1o Système dit de la barrière, c'est à dire assujettissement de la Belgique à la Hollande;

20 Établissement du royaume-uni des Pays-Bas, c'est à dire égalité politique de la Belgique et de la Hollande et union;

3o Création du royaume de Belgique, c'est à dire indépendance belge et séparation absolue.

Le rétablissement du système de la barrière est impossible: la Belgique est trop forte pour se résigner à cette condition; la Hollande ne l'est plus assez pour exercer son ancienne suprématie.

Le rétablissement pur et simple du royaume-uni des Pays-Bas est impossible deux populations auxquelles on reconnaît l'égalité politique se retrouveraient en présence; la même lutte ramènerait la même catastrophe.

Ces deux combinaisons étant épuisées, on a dû recourir à une troisième, la seule en rapport avec la civilisation moderne: la fondation d'un royaume de Belgique. De la vassalité la Belgique a passé à l'égalité, de l'égalité à l'indépendance la plus haute condition sociale.

Au delà de la troisième combinaison, dont nous faisons en ce moment l'essai, il n'y a plus que le partage.

La question n'est donc pas entre le système de la barrière ou la restauration intégrale et l'indépendance; elle est entre l'indépendance et le partage. Nous avons prouvé ailleurs que la séparation administrative était impraticable. Voyez ci-dessus, t. I, p. 30. (Note de la 3e édition.)

monarchique, ni antireligieuse; elle n'a poursuivi aucune de ces chimères qui ont égaré les révolutionnaires de la fin du xvme siècle; sont but n'a été ni la république, ni la théocratie, ni la conquête; et cependant, on a appelé sur elle l'anathème. C'est de l'Allemagne surtout que sont partis les cris accusateurs de l'Allemagne, à laquelle nous rattache une confraternité bien ancienne. Car remontons au delà de

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la conquête française, au delà de 1790; ce n'est plus la France, c'est l'Allemagne qui projette sa grande ombre sur la Belgique. Dans les jours de notre omnipotence révolutionnaire, avons-nous servi d'agents provocateurs, avons-nous secoué sur l'Allemagne cette anarchie dont nous avions le dépôt? L'anarchie, nous l'avons étouffée dans notre sein; nous avons servi de barrière contre la propagande française. Le peuple belge a donné l'exemple d'un haute moralité, que l'Allemagne est digne de comprendre; il y a eu des désordres, mais partiels et passagers; pas un grand crime, pas une exécution capitale n'a marqué ces deux années que nous avons traversées en nous demandant : « Où donc est le gouvernement? » De fait, la révolution a aboli la peine de mort en Belgique. L'Allemagne a comme nous des griefs contre la Hollande; le même système qui a fermé l'Escaut a entravé le Rhin; le même siècle a vu la ruine d'Anvers et celle de Cologne. De nos jours, Anvers et Cologne se regardent de nouveau en face; en nous opposant au retour du monopole hollandais, nous plaidons la cause de la Prusse rhénane.

La Belgique est encore une nouveauté pour elle

même comme pour les autres; sa situation sera mieux comprise par ses voisins, à mesure qu'elle la comprendra mieux elle-même; la science sociale s'acquiert lentement. La Belgique a son sort dans ses mains; si elle périt, ce sera par un suicide. Le temps des illusions est passé; c'est à la raison d'achever ce que l'enthousiasme a commencé, à l'union de conserver ce que l'impulsion populaire a fondé. Nos pères n'ont connu que la province et la commune; combien notre horizon s'est étendu! Au dessus de la commune et de la province, nous apparaissent la nation et l'Europe : nous avons quatre ordres d'idées à combiner et à concilier. Ne proscrivons point ce vieil amour des libertés communales et provinciales; mais que l'esprit de localité se meuve dans la sphère secondaire qui lui est assignée; gardons-nous de tomber dans des fautes pour ainsi dire héréditaires, gardons-nous d'encourir le reproche que Guillaume d'Orange adressait aux révolutionnaires du XVIe siècle : « Sera-ce point un reproche à jamais sur <«< nous, si, ayant un si bel estat en mains, les moyens « si beaux, par une misérable cupidité d'attirer à nous quelques commodités au préjudice de nos compa«<triotes, les uns tirant d'un côté, les autres de l'autre, <«< nous nous trouvons en un instant accablés par notre << ennemi mortel? Ayez souvenance de la très grande << diminution de cet estat à laquelle n'advint pour autre <«< chose sinon que les provinces s'amusant à débattre << les unes contre les autres pour quelques commodités, « le reste fut abandonné. »

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FIN DE L'ESSAI.

DÉFENSE DE L'ESSAI

CONTRE LE BARON DE KEVERBERG

AU SUJET

DES CAUSES DE LA RÉVOLUTION

Ainsi que nous l'avons rappelé p. 75, t. I, le baron de Keverberg a consacré deux volumes à la réfutation du chapitre Ier de l'Essai sur les causes de la révolution; l'Indépendant, février-mars 1835, a répondu dans une série d'articles écrits par M. Nothomb et qui, à quarante ans de distance, n'ont rien perdu de leur intérêt; nous avons voulu les sauver de l'oubli en les réimprimant, sauf quelques légers retranchements. Rien de plus remarquable n'a été publié sur l'antagonisme créé par l'adjonction de la Belgique à la Hollande; il est bon d'ailleurs d'empêcher la génération nouvelle d'oublier. « Nous pensons, disait M. Weustenraed dans le Politique, de Liége, que depuis longtemps les colonnes des journaux de Paris n'ont rien offert de plus distingué sous le double rapport de l'éclat du style et de la profondeur de la pensée. »>

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