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que nous faisons; dans une conférence entre Pitt et les députés belges, en 1790, plusieurs moyens furent indiqués comme propres à mettre un terme à la révolution qui venait d'éclater dans les Pays-Bas autrichiens, et l'un des députés proposa la réunion à la Hollande; le ministre anglais rejeta ce dernier moyen, en disant : Il n'y a rien de durable dans cette combinaison ; le cheval renversera le cavalier'. Simples et prophétiques paroles dont les événements de 1830 révèlent toute la vérité, toute la profondeur. Le cheval s'est senti plus fort que le cavalier; la Belgique a renversé la Hollande; le cavalier se replacerait sur le cheval qu'il a monté pendant quinze ans, que tôt ou tard le même accident se renouvellerait.

CONSÉQUENCES DE L'IDÉE DOMINANTE

Nous avons rétabli dans toute sa force le fait principal que méconnaît M. de Keverberg; il nous reste à en exposer les conséquences, selon nous, inévitables.

Ces conséquences, M. Nothomb en énumère quelques unes; il ne paraît pas avoir eu la prétention de les énumérer toutes.

Le fait principal, à savoir, l'union de deux populations inégales en nombre et la reconnaissance de la suprématie politique dans le petit nombre, a amené et a dù amener des faits secondaires, tels que ceux-ci :

I. Introduction de la Constitution de 1815, eu égard Popinion unanime affirmative de la population hol

1 Cette anecdote nous est attestée par une personne qui la tient d'un des députés belges envoyés à Londres.

T. I.

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landaise, et malgré l'opinion négative de la population belge.

II. Impossibilité d'une représentation nationale en rapport avec les populations respectives du Nord et du Midi.

III. Impossibilité de l'existence d'un gouvernement central constitutionnellement responsable.

IV. Suprématie de la langue hollandaise, considérée comme langue officielle du gouvernement.

V. Fixation dans le Nord du siége de tous les grands établissements.

VI. Préférence accordée aux Hollandais sur les Belges dans l'admission aux fonctions civiles et militaires.

VII. Réforme de la législation civile et criminelle d'après les idées hollandaises.

VIII. Adoption d'un système d'impôts conformes aux intérêts hollandais.

IX. Tendance anticatholique imprimée aux lois et à l'administration.

Nous passerons rapidement en revue chacune de ces propositions :

§ I.

Introduction de la loi fondamentale eu égard à l'opinion unanime affirmative de la population hollandaise, et malgré l'opinion négative de la population belge.

La loi fondamentale qui régissait la Hollande avant l'adjonction de la Belgique est du 29 mars 1814.

On devait supposer que cette Constitution serait dans

toutes ses parties soumise à l'acceptation du peuple belge; il n'en fut point ainsi.

L'adjonction de la Belgique et l'adoption de la forme monarchique rendaient quelques modifications néces

saires.

Il fut décidé que ces modifications feraient seules l'objet de la révision, le fond de la Constitution devant être réputé, de droit, obligatoire pour la Belgique même. Ceci résultait de l'acte de Londres du 21 juillet 1814, qui se bornait à dire, article 1er, que le nouvel État serait régi par la Constitution déjà établie en Hollande, laquelle serait modifiée d'un commun accord, d'après les circonstances; le vote des notables belges ne pouvait donc porter que sur les modifications dont la Constitution hollandaise du 29 mars 1814 était jugée susceptible.

L'acte de Londres, que M. de Keverberg nous présente comme le correctif des malheureuses expressions du traité de Paris du 31 mai 1814: La Hollande recevra un accroissement de territoire, consacrait donc l'antériorité et la supériorité de la Hollande, en considérant la loi fondamentale hollandaise comme de droit applicable au nouvel État tout entier, sauf les modifications à faire de commun accord.

Voyons maintenant de quelle manière cette révision ainsi limitée s'est effectuée.

Le roi Guillaume, dans sa proclamation du 24 août 1815 ou, selon M. de Keverberg et le texte hollandais, du 27 août 1815, reconnaît que 793 notables belges se sont prononcés contre, 527 seulement pour la loi fondamentale; ces chiffres devraient suffire; le rejet est constaté par un document irrécusable.

La proclamation du 24 août n'indique ni le nombre des.notables inscrits, ni le nombre des notables absents; elle dit seulement d'une manière vague qu'un sixième environ des personnes convoquées n'a pas assisté aux réunions des notables; M. de Keverberg croit qu'il n'existe aucun acte qui puisse suppléer au silence de la proclamation royale; il se trompe; nous le renvoyons à la Gazette générale, qui a publié les tableaux des notables et le relevé des votes par provinces et par arrondissements; ce dernier tableau se trouve dans la 3e édition de l'ouvrage de M. Nothomb, p. 48 (p. 66 de la 4o édit.)

Le nombre des notables convoqués était, non de 1,600, comme le suppose M. de Keverberg, mais de 1,603; majorité absolue, 802.

Les absents étaient au nombre de 280.

Des 1,323 notables présents, 796 ont voté contre, 527 pour la loi fondamentale.

M. de Keverberg ne recule pas devant ces chiffres ; selon lui, la majorité des six millions d'hommes environ composant le royaume des Pays-Bas avait accepté la Constitution, et il le prouve de la manière suivante (p. 274).

Voici quelle était, en 1815, la population entière du royaume :

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Dans le Nord, les États-Généraux acceptent la loi fondamentale à l'unanimité, c'est à dire la population septentrionale entière a voté pour.

Dans le Midi, de 1,323 notables présents, 527 votants pour, c'est à dire 2/5; ce qui donne, eu égard à la

popu

2,071,181 hab.

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C'est ainsi que M. de Keverberg, en amalgamant les populations, crée une majorité factice; il est même très généreux dans ses calculs; il aurait pu considérer les 280 notables absents comme ayant voté pour, en vertu de l'axiome Qui se tait consent; les 126 votes conditionnels comme également affirmatifs, la condition illicite étant censée non écrite, ce qui portait le chiffre au delà même de la majorité absolue. Quoiqu'il se sente bien fort, il appelle à son secours un homme d'État qui l'honore de son amitié et qui lui fournit une note à laquelle il accorde une place parmi les pièces justificatives. (T. III, p.. 151.) Enfin, il conclut que tout a été régulier, qu'il y a manque de bonne foi comme de décence dans le reproche de M. Nothomb, qui ose qualifier de fraude l'expédient auquel on a eu recours pour supposer la loi fondamentale acceptée.

Nous nous permettrons de conclure pour notre part : Que c'était consacrer l'antériorité et la supériorité de la nationalité hollandaise que de considérer la Constitution hollandaise comme de droit obligatoire, pour le nouvel État, sauf les modifications à faire;

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