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jeté, jeune encore1, dans la carrière publique, il a vu d'anciennes amitiés se briser contre des dissentiments politiques; le jour où toutes les incertitudes cesseront doit être pour lui doublement heureux, certain qu'il sera d'avoir une patrie et d'y retrouver tous ses amis2.

Bruxelles, le 10 mars 1833.

A vingt-cinq ans. (Il est né à Messancy, dans le Luxembourg, le 3 juillet 1805.)

2 Aucun historien, aucun publiciste, aucun diplomate ne s'est occupé de la révolution belge sans citer l'Essai de M. NOTHOMB; nous ne ferons mention ici que de trois écrivains dont nous aurons à relever quelques remarques, quelques assertions.

M. CHARLES WHITE, The Belgic revolution. Londres, 1835, 2 vol. in-12, traduit sous les yeux de l'auteur, à Bruxelles, 1836, 3 vol. in-18; l'auteur ayant été intimement lié avec lord Ponsonby, sans remplir de fonctions officielles, s'est trouvé dans une position spéciale durant la période importante qui a précédé l'avénement du roi Léopold fer.

M. CH. LefebvrE DE BÉCOURT, la Belgique et la révolution de juillet. Paris, 1835, 1 vol. in-8°; l'auteur, alors attaché au ministère des affaires étrangères, a été à même d'être renseigné; il travaillait à son ouvrage, qui est encore consulté, lorsque celui de M. Nothomb lui est parvenu.

M. J.-J. THONISSEN, la Belgique sous le règne de Léopold Ier. Louvain, 1861, 3 vol. in-8°; l'auteur est l'éminent professeur à l'université de Louvain, un des membres les plus distingués de la Chambre des représentants, qui a jugé M. Nothomb avec une loyale bienveillance comme écrivain et comme ministre. (Note de la 4e édition.)

PREFACE

DE LA DEUXIÈME ÉDITION

(10 MAI 1833)

L'auteur s'est imposé la loi de ne rien changer au texte de son ouvrage; il aurait cru manquer à un devoir envers ceux qui ont bien voulu se procurer la première édition, et il n'est jamais entré dans ses vues de faire une spéculation de librairie.' S'il entreprend ici de répondre à quelques objections, c'est qu'il craint que son silence n'ait quelque chose de dédaigneux : la presse, à quelques exceptions près, a été pour lui loyale et bienveillante, et il lui doit à la fois des remercîments et une réponse.

L'auteur n'a peut-être pas été heureux dans le choix du titre de son ouvrage, qui n'est qu'un essai sur l'histoire politique ou diplomatique de la révolution; cependant, le titre qu'il a adopté, et qu'il laisse subsister, n'a pu induire personne en erreur, lui-même ayant annoncé

La première édition a été enlevée le jour de la mise en vente.

(Note de la 4e edition.)

que son intention n'était pas d'écrire une histoire; son but a été seulement de résumer la marche politique de la révolution belge et de mettre le grand résultat de cette révolution, l'indépendance, en rapport avec le passé de la patrie. Cette indépendance, reconnue par l'Europe, lui apparaît, non comme un accident, mais comme le complément de la civilisation belge.

Les événements purement intérieurs occupent peu de place dans son écrit; il a dû se borner à donner un souvenir aux journées de septembre, à prendre acte de la conspiration de février, du terrorisme du mois de mars; il n'a pu voir que le côté politique de la campagne du mois d'août; plus de détails auraient détruit l'unité d'intention. Au risque d'être peu dramatique, il a voulu que la pensée qui, selon lui, a présidé aux destinées du pays, fût écrite à chaque page, qu'une préoccupation puissante s'emparât du lecteur. Qu'importent, au reste, les détails intérieurs, si la situation sociale demeure la même, si elle offre dans son ensemble le même tableau, si elle révèle les mêmes nécessités?

Et, d'ailleurs, la révolution n'a-t-elle pas perdu de bonne heure de son intérêt dramatique? Le lendemain, en quelque sorte, des journées de septembre 1830, n'at-elle point passé de la place publique dans le cabinet? Ne s'est-elle point à sa source engouffrée dans la diplomatie? En présence des soixante-dix protocoles, que devient le drame? La révolution n'est restée entre les mains du peuple que le temps qu'il a fallu pour la procréer; à peine née, elle est tombée dans le domaine des négociations n'est-ce pas là un des caractères de cette révolution, et l'auteur pouvait-il le méconnaître? Que

voulez-vous que fasse l'historien? A la révolution de 1790 les bulletins des armées, à la révolution de 1830 les protocoles de la conférence de Londres.

Les événements intérieurs ne forment donc que les ombres du tableau; de cela il ne faut accuser l'auteur comme écrivain. Sans doute, il aurait pu s'arrêter à quelques scènes d'intérieur, saisir l'aspect du pays aux premiers jours d'illusion ou de danger, aux jours où la Belgique se leva palpitante de colère et d'enthousiasme, dans ces jours où, tour à tour, l'espérance et le péril, l'exaltation et le désespoir donnent à tout un peuple une seule âme, le font tressaillir sous le même battement de cœur; il aurait pu parcourir les rues et pénétrer dans l'enceinte du Congrès national, peindre les flots populaires battant le pied du palais législatif, interroger les échos des tribunes alors bruyantes et depuis silencieuses. Il a craint d'entrer dans des détails de ce genre; il avoue qu'il est un écueil qu'il a voulu éviter : il lui fallait des faits certains et à l'abri des intentions individuelles; or, il est des faits qu'il ignore, il est des intentions qu'il ne veut point scruter. Il y a plus : si le but qu'il s'est proposé ne lui avait pas permis de dégager la marche de la révolution de tous les incidents domestiques, s'il avait été forcé d'anticiper sur des révélations à venir, s'il n'avait pu s'élever à une hauteur d'où il n'a vu que les choses et non les hommes, il se serait abstenu d'écrire; ce n'est pas lui qui jettera la première pierre à qui que ce soit.

L'auteur aurait même voulu pousser l'impartialité jusqu'à laisser ignorer quelle est la nuance de l'union à laquelle il appartient; en parlant des coups d'État de

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