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adopter la révolution belge par l'Europe n'a pas été imaginé après coup; même avant l'élection du prince Léopold, il avait été entrevu par quelques personnes qui comptaient l'auteur dans leurs rangs; depuis, il a été systématiquement suivi. Le livre a même exercé une influence sur le dénouement final de 1839. Bien que le litige portât principalement sur les limites et les dettes, la question de l'Escaut, si vitale pour la Belgique, et qui menace de se perpétuer, n'avait été négligée à aucune époque. L'auteur a défendu la solution promise par l'article IX du traité du 15 novembre 1831; il a même soutenu qu'il fallait en renforcer les dispositions, auxquelles la Hollande a fini par adhérer après sept années de protestation. Comme les seigneurs féodaux du moyen âge, elle s'est vue, à regret, dépossédée de priviléges incompatibles avec les idées modernes sur l'usage international des grands fleuves, appendices des mers; elle ne l'a pas été cette fois brutalement comme elle l'avait été, le 16 novembre 1792, par la Convention nationale de France, et comme elle l'eût été derechef dans toute combinaison autre que celle de l'indépendance belge; le principe d'équité qui veut que même les abus, réputés des droits acquis, soient rachetés, lui a été libéralement appliqué; la capitalisation du péage et celle de la rente spéciale lui ont valu plus de cinquante millions de francs, somme supérieure à celle que la Roumanie, avec une population égale à peu près à celle de la Belgique, aurait à payer à la Turquie

sol européen. Quelque restreint que fût le champ d'action, le repos du monde s'y rattachait et s'y rattache encore. Ce sera d'ailleurs un constant sujet d'étude que de rechercher comment cette révolution, tentée avec tant de chances contraires et de si faibles moyens, a pu réussir; comment l'intervention diplomatique plus ou moins déguisée d'abord, alternativement déclinée et acceptée, a fini par l'emporter malgré l'une et l'autre des parties en cause.

I

Après un si long intervalle, nous publions sans changements cette édition qui sera la quatrième ; l'ouvrage a été plus qu'un livre: c'est un acte. On reprochera peut-être à l'auteur de ne pas l'avoir remanié, au lieu d'y ajouter des notes qui fatiguent souvent et distraient toujours. Toutes les pièces diplomatiques sont aujourd'hui connues; de graves révélations personnelles ont même été faites; il était impossible de ne pas tenir compte des unes et des autres; les notes auraient débordé de page en page si l'on ne s'était restreint. Une refonte du texte eût rendu l'œuvre plus littéraire en lui enlevant sa valeur de document; les exemplaires presque introuvables des trois éditions épuisées n'en eussent été que plus recherchés. Cette publication, qui remonte à 1833, constate que le plan de la transaction qui a fait

adopter la révolution belge par l'Europe n'a pas été imaginé après coup; même avant l'élection du prince Léopold, il avait été entrevu par quelques personnes qui comptaient l'auteur dans leurs rangs; depuis, il a été systématiquement suivi. Le livre a même exercé une influence sur le dénouement final de 1839. Bien que le litige portât principalement sur les limites et les dettes, la question de l'Escaut, si vitale pour la Belgique, et qui menace de se perpétuer, n'avait été négligée à aucune époque. L'auteur a défendu la solution promise par l'article IX du traité du 15 novembre 1831; il a même soutenu qu'il fallait en renforcer les dispositions, auxquelles la Hollande a fini par adhérer après sept années de protestation. Comme les seigneurs féodaux du moyen âge, elle s'est vue, à regret, dépossédée de priviléges incompatibles avec les idées modernes sur l'usage international des grands fleuves, appendices des mers; elle ne l'a pas été cette fois brutalement comme elle l'avait été, le 16 novembre 1792, par la Convention nationale de France, et comme elle l'eût été derechef dans toute combinaison autre que celle de l'indépendance belge; le principe d'équité qui veut que même les abus, réputés des droits acquis, soient rachetés, lui a été libéralement appliqué; la capitalisation du péage et celle de la rente spéciale lui ont valu plus de cinquante millions de francs, somme supérieure à celle que la Roumanie, avec une population égale à peu près à celle de la Belgique, aurait à payer à la Turquie

si le rachat du tribut était admis. Une page fortement colorée, où l'auteur montrait l'impossibilité morale d'exiger des comptes de l'ancien roi, avait fait naître des scrupules chez les membres de la Conférence et leur a suggéré l'idée de l'abandon, moyennant compensation, de la liquidation du syndicat d'amortissement. Plusieurs notes, par leur importance, auraient pu former des chapitres nouveaux; nous en signalerons quelques unes la tentative mystérieuse pour ajourner l'exclusion de la maison d'Orange est éclaircie; la différence entre la suspension d'armes et l'armistice, expliquée; la réclamation concernant les frais des mesures coercitives, exposée; la véritable portée du séquestre des territoires à restituer offert à la Prusse par les puissances exécutrices, précisée; le voile a pu être levé sur la négociation des forteresses; des éclaircissements curieux relégués parmi les documents politiques ont été ajoutés au texte de l'article secret, aujourd'hui connu, de la Convention du 14 décembre 1831.

L'auteur, dans sa revue des causes de la révolution, les avait rattachées à une idée fatalement dominante, celle de la suprématie inévitable du Nord sur le Midi. Il y est revenu en 1835 dans sa réponse à un apologiste de l'union; nous avons reproduit cette défense; les générations nouvelles manquent fréquemment de mémoire, disposées qu'elles sont à oublier les inconvénients du passé et à méconnaître les avantages du présent.

Bien que la révolution belge ait été solennellement close en 1839, le monde est loin de s'être immobilisé; il s'est renouvelé autour de la Belgique sans l'emporter. Jusqu'à quel point la solution donnée à tant de questions par la Conférence de Londres a-t-elle été respectée ? C'est ce que le lecteur doit immanquablement se demander. La Conférence, s'il est permis de la déclarer en permanence dans l'histoire, a vu un de ses souhaits accomplis par la capitalisation du péage de l'Escaut; elle serait étonnée du sort des forteresses belges, inquiète peut-être de celui du grand-duché de Luxembourg rendu impuissant en 1867, à la suite de la guerre austro-prussienne, par sa neutralisation et par le démantèlement de sa fameuse place d'armes; elle serait satisfaite de l'épreuve qu'a surmontée en 1870, en face de la guerre franco-allemande, la neutralité belge, spécialement réglée par les deux grands belligérants sur l'initiative de l'Angleterre. Pour ne pas tenir les esprits en suspens, on a montré, dans quelques additions jetées hors du cadre, ce qu'est devenue l'œuvre de la Conférence devant les événements gigantesques qui ont changé la face de l'Europe. Ce qui surtout satisferait la Conférence, c'est que la Belgique est restée debout, la Belgique - dernier mot prononcé à son lit de mort par Palmerston, que le roi Léopold Ier devait suivre de si près.

A l'aide de la table alphabétique des matières, qui termine le tome II, le lecteur pourra, sans s'engager

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