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soulevées contre l'argumentation de l'arrêt du 12 décembre 1881, il n'en reste pas moins établi qu'il s'agit d'un traité international important; que ce traité ne renferme pas de dispositions expresses réglant la situation des sociétés anonymes des parties contractantes; qu'enun ce traité est interprété par le gouvernement du pays dans un sens contraire aux sociétés anonymes. Il páraît au moins douteux que l'art. 11 doive être entendu dans un sens favorable à ces dernières. Rien ne prouve que les puissances contrac. tantes aient été, lors de la discussion du traité de paix, d'accord sur le règlement de la situation des sociétés anonymes. Le traité de paix ne peut donc avoir pour effet d'enlever à la loi de 1857 les effets qu'elle doit produire en Alsace-Lorraine à l'encontre des sociétés françaises. »

La dernière partie de cet arrêt ne cherche qu'à réfuter les objections que la Cour de Leipzig avait soulevées contre le premier arrêt de la Cour de Colmar.

La validité en principe des contrats étant reconnue, nous ne re. viendrons pas sur cette partie de la discussion, nous référant à notre précédent article.

Quant aux motifs qui ont amené l'arrêt à prononcer la résolution du contrat, nous ne pensons pas qu'ils soient de nature å se justifier

par l'art. 1184 C. civ. Cet arrêt, du reste, est de nouveau déféré à la Cour de Leipzig, et les débats, sur ce nouveau pourvoi, sont fixés au 15 janvier 1883.

Remarquons cependant que la Cour n'impute au Phénix aucun fait direct de violation du contrat dans ses relations avec M. May. C'est l'agent du Phénis à Strasbourg qui a présenté les quittances de primes, et c'est à lui que M. May en a refusé le payement. M. May n'a jamais demandé une augmentation d'assurance et si la Cour déclare une pareille augmentation impossible, elle semble oublier

que

la compagnie, en vertu de sa police et des lois qui régissent tous contrats, est toujours libre d'en refuser la modification. C'est dans des généralités qu'on a trouvé les motifs de résolution. La situation de fait est, dit-on, modifiée ; mais les deux contractants, connaissant la loi de 1857, pouvaient et devaient, au moment du contrat, en prévoir l'application éventuelle.

La Compagnie, du reste, n'avait nulle obligation de maintenir ses contrats avec tous ses assurés, et pouvait volontairement cesser ses opérations tout en maintenant les polices en cours, ou même seulement celle de M. May. Il lui suffisait de maintenir un représentant à Strasbourg, et ce fait même est reconnu par la Cour qui, toutefois, lui dénie un caractère officiel. La cession du portefeuille à Rhin-Moselle est un fait étranger au sieur May. Le Phénix, du reste, a déclaré hautement que la cession était faite sous réserve de l'assentiment des assurés, qu'elle avait pour but de faciliter les opérations pendant la période de transition, mais qu'elle maintenait sa garantie pour tous les assurés qui n'auraient pas admis leur transfert à Rhin-Moselle. Ce transfert seul, autorisé par le Phénix qui y engageait ses assurés, était de nature à dégager ces derniers, ainsi que la Compagnie.

Aussi, les faits reconnus comme constants par la Cour de Colmar ne paraissent-ils pas relevants et de nature à justifier la résolution qu'elle a prononcée.

En attendant la décision de la Cour de Leipzig, que nous nous empresserons de faire connaître aux lecteurs du Journal, il sera intéressant de voir la solution que les Tribunaux français vont donner à la même question. On sait que le Tribunal de la Seine est saisi d'une instance en payement d'indemnité pour un sinistre très important, intentée à la requête de MM. Pasquay et Co, manufacturiers à Wasselonne contre la « Clémentine ». Cette Compagnie a précisément invoqué, en se basant pour refuser toute indemnité, les motifs adoptés par la Cour de Colmar. Si la décision de cette dernière devait être maintenue par la Cour de Leipzig, elle ne serait sans doute pas sans influence sur les magistrats français. Il sera, en tous cas, curieux de suivre la jurisprudence parallèle des deux pays.

CH, KAUFFMANN,
Avocat-avoué à Strasbourg (Alsace-Lorraine).

Le droit international privé dans la législation

italienne (1)

TITRE TROISIÈME CONFLITS DE LÉGISLATIONS RELATIFS AUX ACTES DE LA VIE CIVILE

(Suite.)

77. Les lois de toutes les nations, non seulement déterminent la capacité nécessaire pour accomplir les actes entre vifs et de dernière volonté ainsi que les formes dont ils doivent être revêtus, mais encore consacrent des dispositions relatives à la substance et aux effets de ces actes et règlent les rapports individuels qui en dérivent. Ce qui appartient à la substance d'un acte, ce sont surtout les

(1) V. les précédentes études, Journal 1879, p. 329; 1880, p. 245; 1881, p. 206; 1882, p. 154.

éléments constitutifs de cet acte, en d'autres termes les conditions essentielles requises pour son existence, appelées improprement par les auteurs formes intrinsèques, dont nous avons parlé jusqu'ici (voir S 66). Ces conditions ne peuvent donner lieu à aucune question de droit privé international, car, résultant de l'essence de l'acte, qui est invariable, elles sont également déterminées par toutes les législations.

Font encore partie de la substance de l'acte les conditions qui, sans en constituer l'essence, résultent de la volonté des parties, qui se manifeste de leur part d'une façon plutôt que d'une autre, et rendent, suivant les cas, différentes la nature et la portée de l'acte accompli. Les effets de ces conditions consistent dans les conséquences juridiques que l'acte produit, en attribuant des droits et des obligations réciproques aux parties.

Nous allons examiner de quelle façon on doit résoudre les conflits des diverses législations relatifs à la substance et aux effets des actes de la vie civilu.

Les actes de la vie civile ne sont que de libres manifestations de notre volonté, par lesquelles nous transmettons les droits, qui nous appartiennent, nous disposons de nos biens ou de nos actes, en accroissant notre activité en faveur d'autrui, comme dans les cas où nous nous obligeons à faire ou bien à ne pas faire une certaine chose. Dès lors, il est nécessaire de rechercher quelle a été la volonté des disposants ou des contractants, pour connaitre la portée ou la nature intrinsèque d'une disposition ou d'une convention et pour déterminer les effets qui en dérivent. Mais si la plupart du temps cette volonté est claire et manifeste, il n'est pas rare néanmoins qu'elle soit incertaine, parce qu'elle n'a pas été exprimée clairement, ou bien parce que les disposants ou les contractants ont gardé le silence sur certains points. Aussi les législateurs de tous les pays, remplissant le rôle d'interprètes, établirent-ils des règles pour déterminer quelle a été l'intention des parties, afin qu'on puisse préciser la nature et la 'portée de l'acte accompli et les effets qui en dérivent. Mais d'autre part, outre cette interprétation de la volonté des parties, les divers législateurs règlent les dispositions et les conventions de façon à ce qu'elles ne portent aucune atteinte aux droits dérivant des rapports de famille, pas plus qu'à l'ordre public ou aux bonnes meurs.

Ainsi, à la condition que les actes soient passés par des personnes capables et en faveur de personnes également capables, qu'on n'ait pas dépassé les limites fixées par la loi, et que l'acte accompli réunisse les conditions essentielles tant extrinsèques qu'intrinsèques requises pour son existence, les actes dépendent entièrement de la volonté des disposants et des contractants, qui peuvent manifester cette volonté de la facon qu'il croient la meilleure pour servir leurs intérêts

De là, il résulte que les actes de la vie civile, pour ce qui est de leur nature, de leur substance intrinsèque, de leurs effets, ne peuvent pas, relativement à la loi qui doit leur être appliquée, être assimilés à l'état et à la capacité des personnes ni aux rapports de famille. L'état et la capacité des personnes aussi bien que les rapports de famille sont toujours régis par la loi de la nation à laquelle les personnes appartiennent, loi obligatoire, à laquelle les nationaux de peuvent en aucune façon déroger, pas plus dans leur patrie qu'en pays étranger, parce qu'il ne dépend pas de leur volonté d'altérer ou de rejeter l'état et la capacité personnels et les rapports de famille.

C'est là une partie du droit privé de l'étranger qu'on appelle nécessaire, parce que l'application en est strictement obligatoire. En effet l'état et la capacité des personnes, aussi bien que les rapports de famille, sont comme le miroir dans lequel se réfléchit la nationalité, et changent suivant que la personne appartient à une nationalité plutôt qu'à une autre. De même qu'un individu ne saurait renoncer aux droits personnels ou de famille dépendant de sa propre nationalité, de même les souverainetés des autres États qui l'accueillent doivent le recevoir avec ces droits ou bien refuser de l'admettre sur leur territoire.

Au contraire, les lois ayant pour objet l'interprétation des volontės des disposants ou des contractants sont facultatives et nullement obligatoires. Elles ne s'appliquent, en effet, que dans les cas où la volonté des parties n'a pas été clairement exprimée, ou dans celui où los parties ont gardé le silence. Si le législateur établit des règles, ce n'est point pour les imposer aux disposants ou aux contractants; il n'entend pas les enchaîner, il ne fait que prévoir quelle est leur volonté, les laissant libres d'avoir d'autres intentions que celles que la loi a supposé devoir être les leurs. C'est là une partie du droit privé de l'étranger à laquelle on donne le nom de volontaire, pour la distinguer de la partie nécessaire, dont nous avons parlé précédem. ment,

Aussi, les nations doivent-elles s'abstenir d'imposer l'autorité de leurs lois aux étrangers, et, respectant leurs nationalités, les laisser soumis à la loi de leur pays pour l'état et la capacité personnels, pour les rapports de famille aussi bien que pour les matières qui y sont étroitement liées, telles que les successions légitimes et testa

mentaires (voir SS 51, 55 et 36). Au contraire, pour rendre hommage à la liberté de l'étranger pour tout ce qui dépend de sa volonté, pour rendre hommage à son autonomie, comme disent les auteurs allemands, ou a la souveraineté pour toutes les matières dans lesquelles les parties se font elles-mêmes leurs lois, leur volonté leur en tenant lieu (1), les nations doivent laisser aux disposants et aux contractants la faculté de soumettre les actes qu'ils passent aux dispositions législatives qu'ils ont choisies, et présumer seulement, dans le cas de silence des parties, qu'elles ont voulu s'en référer ou bien à leur loi nationale, ou bien à la loi du lieu où l'acte a été accompli, ou encore à une autre loi, qui sera choisie pour servir à interpréter leur volonté.

78. En partant de ces considérations, le législateur italien a posé la règle suivante dans la seconde partie de l'article 9 des dispositions préliminaires du Code civil: « La substance et les effets des donations «et des dispositions de dernière volonté sont réputées réglées par la « loi nationale des disposants. La substance et les effets des obliga« tions sont réputés réglés par la loi du lieu où les actes ont été faits, « et, si les contractants appartiennent à une même nation, par leur « loi nationale. Est réservée en tout cas la démonstration d'une vo« lonté différente » (2).

La substance et les effets des donations et des dispositions de dernière volonté sont réputés réglés par la loi nationale des disposants par suite de la présomption rationnelle qu’un donateur ou un testateur veut s'en référer à la loi de sa propre nation plutôt qu'à celle en vigueur au lieu de la donation ou du testament ou dans le pays où se trouvent les biens qui en forment l'objet, ces lois pouvantêtre complètement ignorées par lui. Mais cette présomption appartient à la catégorie des présomptions dites juris, lesquelles admettent la preuve du contraire. Lorsqu'on ne peut pas mettre en doute que le donateur ou le testateur ont choisi pour interprète de leur volonté une loi étrangère pour les choses qui dépendent de leur volonté, la présomption doit céder la place à la vérité, c'est-à-dire que la loi étrangère doit prévaloir sur la loi nationale. C'est pour ce motif que le législateur italien a prescrit « qu'est réservée en tout cas la dé« monstration d'une volonté différente, »

Les magistrats italiens devront donc, dans le cas oú l'intention

(1) Toutes les législations consacrent le principe que suprema lex esto voluntas testatoris, et que les contrats légalement formés ont force de loi pour ceux qni les ont faits. art. 877 et 1123 C. civ. italien.) (2) Pour les autres législations, voir Felix, cit., t. I, no 119 et suiv.

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