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du disposant ne sera pas clairement exprimée, résoudre conformément à la loi nationale du donateur, les questions relatives à la substance et aux effets de la donation. Toutefois, si cette loi ne considère pas comme absolument nulle la donation des biens futurs, mais la déclare seulement inefficace pour ce qui excède la moitié de ces biens, ainsi que dispose le Code civil autrichien (1), cette disposition pourra être invoquée même pour les biens situés en Italie, quoique le Code italien déclare absolument nulle la donation qui a pour objet des biens futurs (2). Pour prendre un autre exemple, si le donateur était également un Autrichien sans enfants au moment de la donation, mais en ayant eu depuis, il n'appartiendrait pas plus à lui qu'à ses enfants de révoquer la donation. Le donateur ou le fils né depuis la donation auraient seulement en cas d'indigence le droit d'exiger tous les ans les intérêts légaux du capital donné, tant de la part du donataire que de la part de ses héritiers. Telles sont en effet les dispositions du Code civil autrichien (3), qui étant présumées, choisies par le donateur pour interpréter sa volonté, seront appliquées par les magistrats italiens, même aux biens donnés situés en Italie, bien que, aux termes du Code civil italien, la survenance d'enfants soit une cause légitime de révocation de la donation, à tel point qu'on considère comme nulle toute clause ou convention par laquelle le donateur aurait renoncé au droit de révoquer la donation en cas de survenance d'enfants (4).

79. De même, la substance et les effets des dispositions de dernière volonté sont, jusqu'à preuve contraire, réputés régis par la loi nationale du disposant. On parle de la substance des dispositions à titre universel dans l'article 8 des disposition préliminaires du Code civil italien, où il est dit, que la validité intrinsèque de ces dispositions est réglée par la loi nationale de la personne de l'hérédité de laquelle il s'agit (voir le titre second de cette étude, § 56). L'article 9 s'applique également aux dispositions à titre particulier qui, pour la substance, sont, aussi bien que celles à titre universel, régies par la loi nationale du disposant. Dès lors, cette loi devra, entre autres choses, servir à résoudre la question de savoir si la chose léguée peut faire l'objet du testament.

Par exemple, c'est d'après cette loi qu'on dira si le legs de la chose d'autrui est, ou bien n'est pas valable. De même, les modalités des

(1) § 944.

(2) Art. 1066.

(3) § 954 combiné avec le § 947.

(4) Art. 1083 et 1084 C. civ. italien.

legs seront subordonnées à cette même loi. C'est dès lors d'après elle qu'on devra décider si un legs peut être fait sous la condition de veuvage. Il s'agit là, en effet, d'une question relative à la substance ou à la validité intrinsèque du legs.

La loi nationale du disposant est encore applicable aux effets des dispositions de dernière volonté. Ce principe, consacré par le législateur italien, est applicable aussi bien aux dispositions à titre particulier qu'aux dispositions à titre universel, l'article 8 ne s'étant occupé de celles-ci que relativement à leur validité intrinsèque, et en ayant parlé en inême temps que de l'ordre de succession et de la mesure des droits successoraux. Pour prendre un exemple, de même que pour savoir si une donation peut être révoquée pour cause de survenance d'enfants, on doit consulter la loi nationale du disposant, de même c'est d'après cette loi qu'on devra décider si ce même fait peut être une cause de révocation des dispositions de dernière volonté tant à titre universel qu'à titre particulier. Ainsi, si le disposant était un Français, une semblable révocation n'aurait pas lieu, même pour les biens situés en Italie, cette cause de révocation n'étant pas admise par le Code civil français, bien qu'elle le soit par le Code civil italien (1). De même on devra décider d'après la loi nationale du disposant si l'héritier acquiert de plein droit la possession de l'hérédité, sans avoir besoin d'une prise de possession matérielle, ou bien si une prise de possession matérielle est nécessaire. Par exemple, si le défunt était Autrichien, le Code civil autrichien exigeant pour l'acquisition de la possession un acte judiciaire formel d'envoi en posssession (2), les héritiers ne pourraient pas, même pour les biens situés en Italie, invoquer la disposition du Code civil italien aux termes de laquelle le transfert de la possession à l'héritier a lieu de plein droit, sans qu'il soit besoin d'appré hension matérielle (3). De même, c'est d'après la loi nationale du disposant que devra être résolue la question relative à l'acquisition de la propriété et des fruits de la chose léguée. De même encore c'est d'après cette loi qu'on devra apprécier le droit d'accroissement entre les héritiers et les légataires, la collation entre les héritiers. Le droit d'accroissement et de collation reposant sur la volonté présumée du défunt, on doit appliquer la loi à laquelle on suppose qu'il a voulu se référer, loi qui, jusqu'à preuve contraire, est celle de la nation à laquelle il appartient.

(1) Art. 888.

(2) §§ 797 et 799.

(3) Art. 925.

Mais, en tenant compte de la restriction plusieurs fois mentionnée, comment les magistrats italiens pourraient-ils déclarer efficace une substitution fidéicommissaire à titre universel (voir titre II, § 58 de cette étude)? De même ils ne pourraient pas attribuer de force juridique à une substitution fidéicommissaire à titre particulier, faite soit par testament, soit par donation, si elle avait pour objet des biens situés en Italie. De même, devraient être déclarées nulles les dispositions de dernière volonté et les donations faites dans le but de faire des legs ou des libéralités à des bénéfices simples, à des chapelleries laïques ou à d'autres fondations du même genre, ces actes étant, aussi bien que les substitutions fidéicommissaires, contraires au droit public italien, qui les a prohibées pour des raisons d'ordre public (1). 80. La substance et les effets des obligations sont réputés régis par la loi du lieu du contrat, par suite de la présomption que cette loi a été choisie par les parties pour interpréter leur volonté. Mais il a été disposé que, lorsque les contractants étrangers appartiennent à une même nation, c'est leur loi nationale qui est appliquée, car dans ce cas on présume que les contractants n'ont pas voulu s'en référer à la loi du lieu du contrat. Toutefois, même dans ce cas, la preuve du contraire demeure réservée. Supposons que deux Italiens fassent le commerce et résident en Amérique, ou bien supposons le cas contraire,que deux Américains fassent le commerce et résident en Italie. Ils concluent un contrat relatif à leur commerce. Comment peut-on croire que les parties aient songé à leur loi nationale et non pas plutôt à la loi du lieu où ils sont commerçants? S'il s'élève des contestations au sujet de ce contrat, comment pouvoir prétendre avec raison que les tribunaux du lieu ou il a été conclu doivent appliquer une loi étrangère, pour la seule raison que les contractants appartiennent à une même nationalité étrangère? Cet exemple a été fourni par un membre de la commission de coordination pour démontrer que l'on ne pouvait pas admettre la règle que la substance et les effets des obligations sont réputés réglés par la loi nationale des contractants, lorsque tous appartiennent à un même pays. Mais la commission admit que dans ces hypothèses il y avait une présomption de volonté contraire, présomption à laquelle fait allusion la fin de la seconde partie de l'article 9 (2).

Lorsque les contractants appartiennent à des nationalités différentes, comme l'essence de toute convention est constituée par l'accord des parties sur tout son contenu (duorum vel plurium in idem

(1) Art. 899, 1073, 893, 1075 C. civ. italien.

(2) Voir les procès-verbaux de la commission, p. 638.

placitum consensus), on ne saurait présumer que chacun d'eux s'en soit référé à sa loi nationale, mais on présume que tous deux s'en sont référés à une même loi, celle du lieu du contrat. La preuve d'une volonté contraire reste néanmoins réservée, parce que le lieu Ju contrat est parfois purement accidentel, étranger à l'essence de l'obligation aussi bien qu'à son développement et qu'à son exécution ultérieure. Qui pourra supposer qu'une personne voyageant à l'étranger et y ayant passé un contrat qui devra s'exécuter à son retour dans sa patrie ait choisi comme interprète de sa volonté la loi du lieu du contrat qui peut lui être complètement inconnue, et n'ait pas voulu au contraire s'en référer à la loi du lieu où la convention doit être exécutée, par suite du principe bien connu, contraxisse unusquisque in eo loco intelligitur in quo ut solverel se obligavit (1). Mais il peut fort bien arriver que cette dernière loi ne soit pas applicable. Par exemple, un Italien promet dans son domicile de payer une somme d'argent à Paris, où il n'a ni résidence, ni établissement, ni biens d'aucune espèce. Qui pourra soutenir qu'il ait voulu s'en référer aux lois françaises plutôt qu'aux lois italiennes ? Il en serait autrement si le débiteur possédait des immeubles en France et les avait hypothéqués comme garantie à son créancier (2).

Tout dépend donc des circonstances qui accompagnent le contrat pour connaître de quelle manière les contractants, relativement aux choses laissées à leur entière liberté, ont exercé leur propre autonomie, en se soumettant à une loi plutôt qu'à une autre pour la substance et les effets des obligations par eux contractées.

81. Etant établi quelle est la loi choisie par les parties comme interprète de leur volonté, cette loi exercera partout son empire, soit sur les biens meubles, soit sur les immeubles, les biens qui forment l'objet des obligations appartenant à la substance de celles-ci.

On ne saurait toutefois pas admettre que le statut réel doive toujours régir tous les contrats ayant pour objets des immeubles (3), puisque les contractants doivent être libres de disposer des immeubles tout comme des meubles, en tenant compte toutefois des obligations qui dérivent des rapports des familles et des principes de droit public du pays aux magistrats duquel on demande de déclarer le contrat conclu valable. En effet la libre disposition est, sauf ces restrictions, inhérente au droit de propriété. Dès lors les dispositions de la lex rei site seront applicables seulement dans le cas où elles

(1) Loi 21, Dig., De obligat. et act.

(2) Pescatore. La logica del diritto, 2e partie, ch. xvII, § 20. (3) Voir Fœlix, cit., t. I, no 93; - Massé, cit., t. I, no 567.

auront pour objet de régler l'exercice de ce droit de façon qu'il ne soit pas nuisible à l'intérêt général, ou bien dans celui où, d'après les règles que nous venons d'énoncer, les parties ont choisi cette loi comme interprète de leur volonté. Dans ce dernier cas, ces dispositions seront appliquées non pas comme des dispositions légales, mais comme une loi que les parties se sont imposées en contractant. Dès lors, en matière de contrats, il n'est question ni de statut ni de loi applicable aux biens qui en forment l'objet, parce que la volonté des parties, dans les limites que nous avons indiquées, est tout, les contractants étant leurs propres législateurs à eux-mêmes, en ce sens que c'est leur propre volonté qui leur tient lieu de loi.

82. On ne peut contester que le législateur italien n'ait statué dans ce sens. En effet, il établit que la substance des obligations est réglée par la loi choisie par les contractants, et par cette disposition il manifeste d'une façon évidente qu'on ne doit pas appliquer aux biens formant l'objet d'un contrat la loi du lieu de la situation de ces biens, car ils font partie de la substance des obligations accomplies.

83. D'autre part, ce même législateur, en vertu de la restriction, plusieurs fois indiquée, a voulu qu'on respectât les principes du droit public italien relativement aux contrats conclus à l'étranger, mais qui doivent être exécutés en Italie, parce qu'ils ont pour objets des biens qui y sont situés. Pour ce qui est de ces contrats, l'article 12 des dispositions préliminaires du Code civil italien peut très bien s'entendre à la lettre, sans qu'on porte atteinte au principe consacré par l'article 9. En effet, les lois prohibitives concernant les conventions ne sont pas facultatives, mais obligatoires. Dès lors la prohibition n'est pas illusoire, ayant pour caractère de sauvegarder l'intérêt public, et en aucun cas il ne peut y être dérogé pas plus par les étrangers que par les Italiens.

84. Ainsi, sera applicable à la vente d'un édifice ou d'un fonds de terre situés en Italie la disposition du code civil italien, par laquelle il est prohibé de stipuler dans les ventes le droit de rachat pour plus de cinq années. Et cette disposition serait applicable même dans le cas où le contrat aurait été passé dans un pays soumis à l'empire du Code civil autrichien, d'après lequel le vendenr peut exercer ce droit durant sa vie naturelle (2), et pourrait dès lors dans certaines circonstances s'en prévaloir après plus de dix ans. Il s'agit là, en effet, d'une prohibition fondée sur des raisons d'économie publique, l'inté

(1) Art. 1576.

(2) § 1070.

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