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en l'état des choses, est nécessairement conditionnel et subordonné aux résultats ultérieurs des recours présents ou futurs auxquels la décision étrangère est soumise (1).

14. Les décisions des tribunaux français dont on veut poursuivre l'exécution en Italie, ne doivent pas être transmises en Italie par la voie diplomatique, conformément à la circulaire ministérielle du 21 mai 1882 (rapportée par M. Massabiau, Manuel du Minist. public, chap. Etrangers, section 3 du chapitre. V. Décisions du Min. de la Justice, Journal 1878, p. 115).

15. Aux termes du dernier paragraphe de l'art. 22 du traité de 1760, les sujets respectifs de la France et de l'Italie ont le droit de saisir les tribunaux sans pouvoir être tenus d'autre caution et for

(1) Note extraite du recueil de Sirey. Un tribunal français peut régulièrement déclarer exécutoire en France un jugement rendu en pays étranger, bien qne ce jugement ait été dans ce pays l'objet d'un recours, si le tribunal français constate, en fait, que ce jugement avait acquis à l'étranger l'autorité de la chose jugée. (Cass. req., 28 juin 1881, S., 82, 1, 33.)

L'arrêtiste ajoute sous cette décision : Un jugement étranger peut-il être rendu exécutoire en France avant d'avoir acquis l'autorité de la chose jugée dans le pays où il a été rendu? Les auteurs, en général, manquent de précision sur ce point : « Les juges, dit M. Massé (Droit comm., t. II, n° 801, p. 74), doivent d'abord vérifier si le jugement réunit toutes les conditions nécessaires pour le rendre valable et définitif dans le lieu où il a été rendu, car on ne comprendrait pas qu'un acte produisît en France les effets dont il serait dépourvu au lieu de sa confection. Lorsque, d'après la loi étrangère, disent MM. Aubry et Rau (t. VIII, p. 418, § 669 ter, note 7), les jugements ne peuvent être mis à exécution qu'autant qu'ils sont passés en force de chose jugée, le juge français devra vérifier si cette condition se trouve accomplie. » La jurisprudence n'offre pas plus de certitude. Deux arrêts, l'un de Paris (23 février 1866), l'autre d'Anger (4 juillet 1866, S., 1866, 2, 300. P., 1866, 1, 120), décident que les juges français auxquels on demande de rendre exécutoire un jugement étranger doivent, entre autres choses, vérifier s'il est passé en force de chose jugée, mais un autre arrêt de Paris du 11 mai 1869 (S., 1870, 1, 10. P., 1870, 2, 94) a jugé qu'un jugement étranger peut être déclaré exécutoire en France même avant d'avoir acquis l'autorité de la chose jugée, sauf la réserve des voies de recours dont il est susceptible. Nous avons fait à l'occasion de cet arrêt des réserves que nous maintenons. La seule condition qu'on doive raisonnablement exiger, croyons-nous, mais aussi la condition qui nous semble indispensable, c'est que le jugement soit susceptible de recevoir dans le pays d'où il vient l'exécution qu'on demande pour lui en France. (V. nos observations sous Paris, 11 mai 1869 précité.)

malité que celles qui s'exigent des nationaux (1). (V. Question no 16, Journal 1879, p. 55.)

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Il a été jugé, en conséquence de cette disposition, qu'un Italien plaidant en France comme demandeur n'est pas tenu de fournir la cautio judicatum solvi. (V. Journal 1879, p. 57. Adde. Trib. de Vannes, 18 septembre 1879, décision inédite. - Trib. Seine, 10° chambre, 9 janvier 1880, Leonardi c. Dagostini, Journal 1880, p. 190.)

16. La convention du 24 mars 1760 et la déclaration du 11 septembre 1860 sont loin d'offrir, en Italie, le même intérêt qu'en France. En effet, le Code de procédure italien contient, dans son article 961, des dispositions qui étendent à toutes les nations, même en l'absence de traités, les stipulations de 1760 et de 1860.

. 17. Une convention du 19 février 1870, promulguée par décret du 7 mai suivant, permet aux sujets italiens d'obtenir l'assistance judiciaire pour plaider en France, et accorde le même bénéfice aux français en Italie.

18. Terminons en exprimant un desideratum. Une jurisprudence, que nous considérons comme trop rigoureuse, décide que les tribunaux français sont incompétents pour statuer sur les contestations qui s'élèvent entre étrangers, entre deux italiens, par exemple. (Suivant certains tribunaux, cette incompétence n'est que facultative; suivant d'autres, l'incompétence est absolue et d'ordre public: dans ce dernier sens, Paris, 23 avril 1882, ét Cass. 30 juin 1823. S. coll. nouv., 7, 1, 162, et 278. Alger, 4 mars 1874, S. 1874, 2, 103. Trib. Seine, 27 avril 1865, Journal 1876, 362. Consulter Aubry et Rau, VIII, S 748 bis, 4° édition, pages 143 et suiv. et les beaux travaux sur la matière de M. Féraud--Giraud, conseiller à la Cour de cassation, Journal 1880, p. 137 et suiv., 225 et suiv., et de M. Glasson, prof. à la Fac. de Paris, Journal 1881, p. 105 et suiv.).

Cette théorie n'aboutit-elle pas, dans la pratique, à une sorte de déni de justice?

Nous voudrions qu'un traité diplomatique permit aux tribunaux français de connaître des différends existant entre italiens seulement, et réciproquement.

(1) Conventions diplomatiques analogues: Traité avec la Suisse du 15 juin 1869, art. 13 (décret du 19 octobre 1869).— Traité avec la République du Guatemala et de Costarica du 8 mars 1843, art. 4 (loi des 28 février, 23 avril et 10 mai 1849). Traité avec le Paraguay du 2 février 1853, art. 9 (décret du 9 février 1854.)

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Une disposition analogue existe dans l'art. 2 de la convention du 19 octobre 1869 entre la France et la Suisse (Bull. des lois 1869, n° 1758):

<< Dans les contestations entre suisses qui seraient tous domiciliés << ou auraient un établissement commercial en France, et dans « celles entre Français tous domiciliés et ayant un établissement « commercial en Suisse, le demandeur pourra saisir le tribunal du << domicile ou du lieu de l'établissement du défendeur, sans que les <jages puissent se refuser de juger et se déclarer incompétents à << raison de l'extranéité des parties contractantes. » Un arrêt de la Cour d'Aix (1re ch.), 13 mars 1879, Chabriniac et Drujai, déclare que le traité de 1760 peut être invoqué en France, même quand le différend existe entre Italiens seulement, mais la question, en l'absence d'un traité diplomatique formel n'en est pas moins douteuse. RAYMOND LE Bourdellès,

Dr en droit, procureur de la République près le trib. de 1re inst. de Bar-sur-Aube.

Des publications à faire par une société commerciale constituée en France, mais fonctionnant en France et à l'étranger.

Une société anonyme est constituée en France pour l'exploitation d'usines à gaz, situées en France et à l'étranger. Est-elle tenue de faire à l'étranger (Italie) les publications prescrites par l'art. 55 de la loi de 1867, pour être valable selon la loi française ? Suffit-il, au contraire, de faire les publications en France?

1. L'article 42 du Code de commerce après la mention d'une publication à faire au greffe du tribunal de commerce de l'arrondissement dans lequel est établie la maison de commerce sociale, contient la disposition suivante :

« Si la société a plusieurs maisons de commerce situées dans divers arrondissements, la remise, la transcription et l'affiche de cet extrait seront faites au tribunal de commerce de chaque arrondissement. >

L'article 59 de la loi du 24 juillet 1867 est ainsi conçu :

< Si la société a plusieurs maisons de commerce situées dans divers arrondissements, le dépôt prescrit par l'article 55 (au greffe de la justice de paix et du tribunal de commerce) et la publication prescrite par l'article 56 (dans l'un des journaux désignés pour recevoir les annonces légales) ont lieu dans chacun des arrondissements où

existent les maisons de commerce. Dans les villes divisées en plusieurs arrondissements le dépôt sera fait seulement au greffe de la justice de paix du principal établissement. >

La législation s'est évidemment préoccupée, aussi bien dans la rédaction de l'art. 42 C. com. que dans celle de l'art. 59 de la loi de 1867 des maisons de commerce situées en France. En effet, à l'étranger il peut n'y avoir, ni arrondissement, ni greffe de tribunaux de commerce, ni greffe de justice de paix, ni journaux spécialement désignés par une autorité quelconque pour recevoir les annonces légales.

L'ensemble des dispositions adoptées tient essentiellement à l'organisation administrative de la France et ne saurait être remplacé par des équivalents à l'étranger.

Ainsi, l'examen du texte même de la loi française nous conduit à penser que les seules publications exigées à peine de nullité, sont celles qui doivent être faites en France.

Qu'a voulu le législateur en imposant aux sociétés anonymes, et plus généralement aux sociétés commerciales, l'obligation de faire certaines publications? « Protéger les tiers qui traiteront avec la « société en leur révélant son organisation, ses ressources, ses ga<< ranties. (Rapport de M. Mathieu.)

La discussion de la loi de 1867 prouve que l'on a voulu écarter le système anglais du Registrar où ne sont admises que les sociétés dont les statuts sont réguliers et vérifiés. La loi française « a institué des lieux publics de dépôt, entendant que le pacte social y restât constamment à la portée des tiers intéressés à le consulter et à le connaître et cela pour « que toute société revêtue de personnalité juridique fût entourée en naissant d'une publicité telle que quiconque y aurait intérêt pût la connaître exactement avant de traiter avec elle. » (Pont, no 1138.)

Par suite, le législateur français ne pouvait songer à protéger des étrangers au même titre que les nationaux. Il n'avait pas à suivre la société hors du territoire pour lui imposer des obligations spéciales. Une société française, comme tout citoyen français, peut acquérir des droits de propriété faire des actes et contracter des engagements commerciaux à l'étranger. La loi d'origine qui peut conserver quelque empire sur la capacité personnelle n'a pas à régir la forme des actes accomplis suivant la maxime connue : Locus regit actum.

2. Si maintenant nous entrons plus avant dans l'examen de la question nous rencontrons une première controverse.

Une société commerciale exploitant plusieurs usines en dehors de

l'arrondissement du siège social est-elle obligée de faire faire les publications dans l'arrondissement des usines?

Cela revient à expliquer les termes maison de commerce employés par le législateur. M. Pont estime, après M. Delangle, que ce serait pousser les choses à l'excès que d'imposer la nécessité des publications partout où la société a des rapports avec les tiers et se livre aux travaux qui doivent la conduire à son but. »

Les publications sont nécessaires là où la société a un domicile social, en un mot, comme le dit M. Bédarride, « des succursales <régulièrement organisées faisant dans les localités où elles sont << situées tout ce que la maison mère fait au siège de la société. »

Tant que les tiers ne font avec la société que ce qu'on appelle des affaires courantes », des achats ou des ventes au comptant par exemple, ou des traités de minime importance, ils n'ont pas absolument besoin de connaître dans ses détails le mécanisme de la Société.

Ainsi, on a pu décider, sous l'empire du Code de commerce, que la publication à Paris était suffisante pour une société ayant à Paris son siège social, le domicile du gérant et le centre de l'administration, bien qu'en fait le chantier exploité par la société fût dans l'arrondissement de Chaumont. (Paris, 24 déc. 1849. Pont, no 1140.) Conf. Vavasseur, Journal 1875, p. 348 et suiv.

Nous hésiterions cependant dans l'espèce actuelle à conseiller une publication unique au lieu du siège social. Il nous paraît prudent de faire en France des publications dans tous les arrondissements où se trouvent des usines. Mais nous avons tenu à rapporter l'opinion contraire parce que si un doute a pu s'élever, sur la nécessité des publications multiples en France pour une société ayant plusieurs usines, à plus forte raison déciderait-on que la publication n'est pas nécessaire dans les villes étrangères où la société possède des usines.

3. Nous avons examiné la question telle qu'elle se pose, c'est-àdire, la validité de la société selon la loi française suivant qu'on fait ou non les publications à l'étranger.

Nous n'avons pas abordé un autre problème plus difficile.

Une société peut-elle se constituer en France conformément à la loi française, pour exploiter des établissements situés à l'étranger (Italie).

C'est inversement la question qui a été traitée par M. Vavasseur dans le Journal (1875, p. 345).

L'honorable jurisconsulte conclut à la possibilité de constituer valablement une société à l'étranger en suivant la législation étrangère, pour exploiter des établissements situés en France, ce que nous admettons.

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