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jamais il n'aura pu disposer, l'eût-il voulu, d'un droit de justice qui ne lui appartiendrait pas et dont il serait dépouillé lui-même par le fait de l'occupation militaire de ses Etats.

Oui, en temps normal, dès que naîtra une action ressortissant, d'après les règles ordinaires, à la juridiction territoriale tunisienne, par suite des capitulations, ce seront les tribunaux consulaires qui en connaîtront.

Mais, si la Tunisie est militairement occupée par un Etat étranger, qui, avec son drapeau et ses armées, apporte sur le territoire tunisien l'exercice de ses pouvoirs et de son droit de juridiction militaire, qu'auront à faire sur ce pouvoir et sur ce droit les concessions faites antérieurement par le gouvernement tunisien d'une partie de son pouvoir juridictionnel?

Il est évident que ce gouvernement, inhabile et impuissant pour conserver sa propre juridiction, dans ce qu'elle a de contraire au fait de l'occupation du pays par une armée étrangère, ne peut déléguer des pouvoirs qui ne lui appartiennent plus et disposer d'un droit dont il est complètement désinvesti par l'occupation étrangère.

L'armée française, en entrant en Tunisie, y est entrée dans des conditions où doit se produire normalement toute occupation, avec les pouvoirs juridictionnels qu'implique cette occupation, tels que nous les indiquions tantôt. Ces pouvoirs de juridiction ont absorbé les pouvoirs auxquels ils se sont substitués, sans qu'il y ait de distinctions possibles entre les anciennes juridictions réservées et les anciennes juridictions concédées. Il est, d'ailleurs, des propositions qui doivent être écartées par suite de la formule seule sous laquelle elles se produisent. Si on ne reconnaissait pas la compétence de tribunaux militaires pour juger les atteintes portées à la sûreté de l'armée, il faudrait dire qu'aux consuls des puissances étrangères en Tunisie serait confié le soin de la défense du corps expéditionnaire français, à l'égard de certains individus; mais, en dehors de ce qu'une pareille situation aurait de bizarre, il y a plus, c'est que cette mission serait impossible à remplir, dans la plupart des cas. Où ces consuls pourraient-ils trouver, en effet, le plus souvent, les bases d'une répression, pour des délits militaires qui n'existent que dans les codes des armées en campagne ou en expédition sur un territoire étranger?

Les divers territoires ottomans régis par les capitulations ont eu bien souvent à subir, surtout dans ce dernier siècle, des occupations étrangères, et jamais les armées françaises, russes, autrichiennes, anglaises n'ont dû recourir aux justices consulaires étrangères pour faire respecter les troupes d'occupation sur ces territoires.

L'Angleterre, en ce moment même, non seulement défend ses soldats à Chypre avec ses lois militaires, mais elle soumet la population du pays, sans distinction d'origine et de nationalité, aux lois civiles qu'elle croit nécessaire d'y promulguer, parce que ces lois n'ont point les caractères exceptionnels des justices et des lois musulmanes auxquelles les capitulations avaient pour but de soustraire les chrétiens.

En Tunisie, à côté des nécessités de l'occupation militaire française, tant que l'administration du pays et le service ordinaire de la justice pourront conserver leur cours antérieur, il n'y aura rien de changé au régime fait aux étrangers par les capitulations; elles régiront, comme elles sont destinées à le faire, les relations entre étrangers, et même entre étrangers et tunisiens, comme personnes privées; mais elles ne régiront jamais, parce qu'elles n'ont jamais eu cette destination, les relations des étrangers avec le corps d'occupation.

Pour ce corps, il n'y a aucune distinction à faire entre les nationalités des résidents. D'après toutes les lois de la matière, leur situation d'étrangers leur impose la plus grande circonspection dans leur conduite, et la neutralité la plus absolue. Tout acte d'immixtion de leur part est une faute; tout acte d'opposition et d'agression ouverte doit être réprimé, sans égard pour leur nationalité.

D'après les règles du droit des gens, telles qu'elles sont affirmées par la doctrine, acceptées comme base du droit militaire de la France, sanctionnées par les tribunaux et adoptées dans la pratique des nations, on est amené à considérer les solutions suivantes comme juridiques et fondées :

1o Les faits délictueux qui se produisent à l'encontre d'un corps d'armée d'occupation, ou des membres de ce corps, sur un territoire étranger, rendent leurs auteurs justiciables des tribunaux militaires de l'armée d'occupation;

2o Relativement à l'application de cette règle, il n'y a pas lieu de distinguer entre les diverses causes de l'occupation, dès qu'elle est réelle, effective, exercée par une armée organisée sur le pied de guerre et soumise à la réglementation que cet état comporte;

3o Il n'y a pas lieu de faire une distinction, au point de vue de l'exercice de la juridiction militaire en vigueur en pareil cas, entre les résidents sur le territoire occupé, à raison de leur nationalité;

4° Les capitulations ne peuvent apporter aucune exception à l'application de ces règles en Tunisie.

De la protection à accorder aux inventions, modèles et dessins industriels à l'exposition universelle d'Amsterdam en 1883.

Le but des expositions, en faisant connaître les progrès accomplis pendant une certaine période de temps dans les applications industrielles, est surtout de mettre en lumière les procédés nouveaux, les moyens perfectionnés, en un mot les inventions auxquelles sont dus tant de bienfaits pour l'humanité. Aussi voit-on les hommes d'initiative, savants chercheurs ou hardis inventeurs, venir prendre une part active à ces luttes pacifiques du travail. S'ils y accourent pleins de confiance pour exhiber au public les résultats de leurs travaux, les fruits de leurs veilles, c'est qu'ils savent que leurs droits sont sauvegardés par les brevets qu'ils ont pris dans les différents pays et qu'ils sont aussi protégés contre le plagiat et la contrefaçon. Le plus souvent même, ils n'ont pas eu besoin de faire les sacrifices d'argent assez élevés pour l'obtention de ces brevets, puisque des lois spéciales, en Angleterre un bill du Parlement en date du 14 juillet 1870, en France la loi du 23 mai 1858, leur accordent une protection provisoire sur leurs œuvres pendant la durée de l'exposition.

Or, en Hollande, non seulement il n'existe pas de loi pour une protection provisoire dans le cas des expositions, mais encore il n'y a pas ou mieux il n'y a plus de législation sur les brevets d'invention, le décret royal du 25 janvier 1817, qui en tenait lieu, ayant été abrogé le 1er août 1869. Donc, absence complète de garantie pour les inventeurs, dont l'intention serait de prendre part à l'exposition d'Amsterdam, qui va s'ouvrir en mai 1883 sous le patronage du gouvernement des Pays-Bas, et avec l'adhésion de la plupart des gouvernements étrangers (1).

D'autre part, les Chambres néerlandaises ont refusé l'année dernière d'accepter le traité de commerce proposé par notre gouvernement et dont l'un des effets eût été de protéger les modèles et dessins industriels.

C'est cette situation tout à fait anormale et vraiment inquiétante qui a préoccupé plusieurs hauts esprits. Ils se sont demandé si leur devoir n'était pas de dissuader leurs compatriotes, inventeurs ou industriels, de porter leurs œuvres ou leurs produits à Amsterdam, ou bien si, entrevoyant les conséquences fâcheuses d'une abstention, il n'était pas préférable d'essayer d'obtenir du gouvernement des Pays-Bas une protection en faveur des participants à l'Exposition hollandaise.

(1) V. Sur la protection des marques de commerce des étrangers en Hollande, Stern, Journal 1881, p. 134.

Le congrès international qui s'est tenu à Paris en 1878 a adopté un ensemble de résolutions destinées à servir de base à un traité d'union générale pour la protection de la propriété industrielle (1). Si l'on regrette que le gouvernement des Pays-Bas n'ait pas envoyé de délégué au Congrès de la propriété industrielle, on est heureux de constater qu'il s'est fait représenter officiellement, dans la personne de M. Verniers van der Loeff, conseiller d'Etat, à la conférence diplomatique qui a suivi ce congrès et s'est réunie à Paris en 1880 sous la présidence d'honneur de M. le ministre des affaires étrangères et de M. le ministre du commerce (2).

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A sa séance de clôture la conférence a décidé à l'unanimité de soumettre aux gouvernements des Etats qui s'y étaient fait représenter, un projet de convention dont l'article 11 est ainsi conçu : << Art. 11. Les hautes parties contractantes s'engagent à ac<<<corder une protection temporaire aux inventions brevetables, aux << dessins ou modèles industriels ainsi qu'aux marques de fabrique << ou de commerce pour les produits qui figureront aux expositions << internationales officielles ou officiellement reconnues. »

Cet article est très net et répond parfaitement au desideratum qui se pose actuellement. Pour des motifs sur lesquels il n'y a pas lieu de s'arrêter, le projet de convention n'a pas encore reçu la ratification de toutes les Puissances et la Hollande est du nombre. Sans doute cet Etat ne prévoyait pas que le moment viendrait où la nécessité s'imposerait de songer à cette question de la garantie des inventions. Mais aujourd'hui la Hollande ne peut plus hésiter à combler une lacune si profonde dans ses législations. Elle s'y trouve engagée par son adhésion à la conférence diplomatique, par la signature qui a été apposée au bas de ce projet par son représentant officiel. Elle ne voudra pas, en attirant les inventeurs et les artistes industriels, les livrer pieds et poings liés à la contrefaçon.

Les raisons qui précèdent permettent d'espérer que la France, qui a déjà eu l'initiative du projet d'entente internationale pour la garantie de la propriété industrielle, réussira près du gouvernement des Pays-Bas soit directement, soit par une action diplomatique collective avec les autres puissances, à obtenir une protection provisoire et l'engagement de revenir à une loi définitive pour la protection des inventions, modèles et dessins industriels en Hollande.

Notre gouvernement y sera aidé par l'opinion publique, la presse, les chambres de commerce, les conseils de prud'hommes et les chambres syndicales, enfin les représentants de l'industrie auxquels a eu l'idée de faire appel l'Association des inventeurs et artistes industriels fondée par le baron Taylor. ARMENGAUD JEUNE, Ingénieur conseil, ancien élève de l'Ecole polytechnique.

(1) V. Journal 1878, p. 417.

(2) V. Jonrnal 1880, p. 628.

LETTRE ADRESSÉE PAR LE COMITÉ DE L'ASSOCIATION DES INVENTEURS ET ARTISTES INDUSTRIELS A M. LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET A M. Le ministre DU COMMERCE.

I

Monsieur le ministre,

Le comité de l'association des inventeurs et artistes industriels croit devoir appeler votre vigilante attention sur la situation exceptionnellement dangereuse qui va être faite à ceux de nos nationaux qui se proposent d'envoyer à l'Exposition universelle internationale d'Amsterdam des produits, machines, appareils et dessins, ou modèles industriels nouveaux.

En effet, la loi hollandaise du 23 janvier 1817, qui régissait les brevets d'invention, a été abrogée par une loi du 15 juillet 1869 : il n'y a plus, en Hollande, de garantie pour les inventions industrielles.

D'autre part, nous n'avons plus, en ce moment, de traité de commerce avec les Pays-Bas, qui stipule nos garanties réciproques en matière de dessins ou modèles industriels.

Nous avons pensé, en conséquence, Monsieur le ministre, qu'il y aurait lieu, à l'occasion de cette exposition d'Amsterdam, dans le but de sauvegarder autant que possible les droits de nos nationaux, de provoquer d'urgence, par la voie diplomatique, sinon la remise en vigueur de l'ancienne loi de 1817, ou le vote d'une nouvelle loi définitive sur la propriété industrielle, tout au moins jusqu'à l'établissement d'une législation définitive, des dispositions provisoires qui garantissent nos exposants français contre le plagiat et la copie de leurs œuvres.

Nous venons donc vous prier, Monsieur le ministre, de vouloir bien prendre en bienveillante considération la requête que nous avons l'honneur de vous adresser, et lui donner la suite qu'elle comporte. Veuillez agréer, Monsieur le ministre, l'expression de nos sentiments de haute considération.

Décembre, 1882.

Le président de l'association,
Ad. Huard.

Pour le Comité, les membres présents:

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Albert Cahen, Armengaud jeune, Beaume, Derval, - Duvelleroy père, Duvelleroy fils, Follot (Félix), François (Charles), - Gautier (Jules),

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Jablochkoff,

Losserand,

Martin (Stanislas), Pelletier (Michel), Rochet (Charles),

Sabatier, Sauvel, Thirion (Charles),

Warmé.

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