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lières, ayant une assiette réelle ou fictive en France, quel que soit la nationalité ou le domicile du défunt ou de ses héritiers. En vertu du principe de la proportionnalité, il frappe l'ensemble des valeurs étrangères incorporelles qui, n'ayant pas de situation absolue et inhérente à la personne du créancier français, font partie de son patrimoine garanti et protégé par les lois françaises. Au Français est assimilié l'étranger domicilié en France qui profite des mêmes avantages que les autres citoyens et doit, par conséquent, être tenu des mêmes charges. La succession de l'étranger domicilié ou non en France est donc assujettie au droit sur les valeurs françaises de toute nature; La succession de l'étranger domicilié en France est frappée, en outre, de l'impôt sur les valeurs incorporelles étrangères. Sont exemptés de tout droit en France: -1° Les meubles et les immeubles ayant une situation réelle à l'étranger, quelle que soit la nationalité du défunt; - 2o Les valeurs étran gères de toute nature dépendant de la succession d'un étranger non domicilié en France, quand même il résiderait sur notre territoire à l'époque de son décès. — D'après ces dispositions, il peut arriver que la succession du Français et celle de l'étranger domicilié en France donnent ouverture à deux droits sur les valeurs incorporelles étrangères, l'un, payé au Trésor français pour prix de la protection assurée au patrimoine du défunt par les lois françaises ; l'autre, versé au fisc étranger en raison du mouvement et de la transmission de ces valeurs tombant sous l'application de l'impôt à l'étranger. — La situation est-elle la même en ce qui concerne le Français domicilié à l'étranger et spécialement en Suisse ?

Les indications fournies par M. l'ambassadeur à Berne démontrent que le gouvernement du canton de Vaud entend exiger l'impôt sur les valeurs mobilières françaises dépendant de la succession de Mlle L. décédée à Lausanne. Si Mlle L., qui n'a pas perdu la nationalité française, avait été domiciliée dans cette ville, la réclamation se justifierait par cette circonstance que l'étranger domicilié a profité de la protection accordée par les lois du canton et que sa succession doit supporter, par voie de conséquence, le payement de l'impôt sur l'ensemble des valeurs mobilières composant son patrimoine. — Mais, dans l'espèce, il ne s'agit pas de la succession d'un Français domicilié en Suisse. Mlle L. avait, paraît-il, conservé son domicile en France. La loi sur laquelle le gouvernement cantonal fonde sa réclamation vise donc uniquement le fait du décès survenu en Suisse, alors que le défunt n'y avait pas de domicile soit légal, soit de fait. Or cette circonstance ne paraît pas suffisante pour justifier le payement de l'impôt sur des valeurs mobilières françaises, dont la con

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servation et la paisible jouissance n'ont jamais été garanties, à aucune époque, par les lois de la nation helvétique. Ainsi qu'on l'a établi, la législation française n'atteint pas les valeurs mobilières étrangères dépendant de la succession de l'étranger non domicilié en France, quand même il y résiderait à l'époque de son décès. La situation de nos nationaux décédés en Suisse dans les mêmes circonstances est donc plus défavorable. Le gouvernement du canton de Vaud va même plus loin encore. M. L. a été invité à fournir un état détaillé non seulement de la fortune mobilière de sa sœur, mais encore des immeubles qu'elle aurait pu posséder en France. L'admi nistration cantonale aurait donc eu la prétention de frapper de l'impôt ces immeubles, s'il en eût existé dans la succession. C'est là une dérogation grave au principe que les lois françaises n'ont jamais méconnu et qui ne permet pas d'exiger l'impôt sur les valeurs ayant une situation réelle hors du territoire, les droits de souveraineté de chaque nation expirant à la frontière qui la sépare des autres pays.

Ainsi, tandis qu'il n'est perçu aucun droit en France sur les meubles et immeubles situés à l'étranger et dépendant des successions d'étrangers même domiciliés en France, le gouvernement cantonal paraît vouloir réclamer l'impôt sur des immeubles situés en France, appartenant à un Français, accidentellement décédé en Suisse où il n'avait pas son domicile. Il est superflu d'insister sur la différence qui sépare la législation française de celle en vigueur dans le canton de Vaud. La première repose sur des principes justifiés par la raison et par l'égale répartition de l'impôt; la seconde attache au fait accidentel du décès des conséquences absolument contraires à l'équité et de nature à causer à nos nationaux un réel préjudice.

Ces explications vous permettront, je l'espère, de reconnaitre, monsieur le ministre, que les dispositions de la loi française relatives aux droits auxquels les successions d'étrangers domiciliés en France donnent ouverture n'exigent aucune atténuation beaucoup moins préjudiciables aux intérêts des étrangers que celles de la législation similaire du canton de Vaud, concernant les Français, elles ne sauraient apporter aucun obstacle aux réclamations que le gouvernement français me paraît fondé à adresser, par la voie diplomatique, au gouvernement helvétique. Il est juste, en effet, que les successions des Français décédés en Suisse soient traitées de la même manière que les successions des Suisses décédés en France.

Pour établir cette équitable réciprocité, il serait nécessaire que la législation helvétique fût modifiée ainsi qu'il suit : 1o Les meubles et immeubles situés en France dépendant des successions des Français même domiciliés en Suisse seraient exempts dans ce pays

de toute taxe fiscale; 2o Les valeurs mobilières incorporelles françaises ne donneraient lieu au payement de l'impôt en Suisse que si elles dépendaient de la succession de Français domiciliés en Suisse et ayant joui de la protection et de la garantie des lois de ce pays; 3° La succession d'un Français décédé en Suisse, mais ayant conservé son domicile en France, ou dans tout autre pays, ne donnerait jamais lieu à l'acquittement d'une taxe sur les valeurs françaises qui en feraient partie. Ces dispositions rendraient inutile une modification au traité franco-suisse de 1869, qui peut être considéré, ainsi que le soutient le gouvernement cantonal, comme ayant eu pour principal objet de régler la compétence judiciaire en matière de succession ainsi que les rapports des héritiers entre eux, mais qui ne paraît avoir apporté aucun changement dans l'application de l'impôt de mutation par décès. Si la prétention du gouvernement du canton de Vaud, en ce qui concerne la succession de Mlle L., me paraît absolument contraire aux principes qui doivent servir de base à la perception de l'impôt, il n'en est pas de même de la réclamation adressée aux héritiers de M. de L. par l'administration du canton de Genève. Cette réclamation est motivée sur ce que le défunt était domicilié dans cette ville. C'est là un fait dont je ne peux contrôler l'exactitude; mais, s'il était, établi, on ne saurait critiquer la disposition législative en vertu de laquelle le gouvernement suisse demande le payement de la protection dont le défunt a joui pendant la durée de son établissement à Genève et jusqu'à sa mort. Il semble juste que ce payement porte sur les valeurs incorporelles françaises composant le patrimoine, qui a été conservé, aceru et peutêtre créé sous la garantie des lois de ce pays.

JURISPRUDENCE INTERNATIONALE

FRANCE

DICTIONNAIRE DE LA JURISPRUDENCE FRANÇAISE
EN MATIÈRE DE DROIT INTERNATIONAL (1).

ACTE DE MARIAGE (Transcription de 1'). (Trib. civ. de la Seine, 1re ch. du Conseil, 12 avril 1882. M. Casenave, prés.)

La demande afin de transcription sur les registres français de l'état civil de l'acte de célébration d'un mariage contracté en pays étranger, ne peut être introduite qu'après le retour des époux en France.

Par requête présentée en chambre du conseil de la 1re chambre du Tribunal civil de la Seine, les demandeurs ont sollicité en vertu de l'article 171 du Code civil, la transcription sur les registres de l'état civil français de l'acte de célébration du mariage qu'ils avaient contracté aux EtatsUnis.

Le jugement qui suit a rejeté cette requête :

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« Le Tribunal, Att. que les époux Tiessé, requérants, encore domiciliés à l'étranger, ne sont pas de retour en France; que, par conséquent, les délais prescrits par l'article 171 du Code civil n'ont pas commencé à courir; qu'un jugement est donc inutile pour la transcription demandée de leur acte de mariage célébré à New

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<< Le Tribunal, Sur l'exception de caution judicatum solvi, Att. que la Société de la voirie municipale n'est mise en cause par le demandeur que parce qu'elle succède à la Société générale d'épuration; Que la sentence arbitrale intervenue en Belgique entre cette dernière et le demandeur a statué dans un litige de nature commerciale; Qu'aux termes de l'art. 16 C. civ. l'étranger demandeur est, en matière de commerce dispensé de fournir la caution; Par ces motifs, Déclare la société défenderesse mal fondée dans sa demande en caution judicatum solvi, l'en

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(1)Les passages entre guillemets sont extraits littéralement du texte des décisions. La Table analytique publiée à la fin de l'année réunit dans un ordre alphabétique général les mots parus dans chaque livraison.

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2. Le Code de procédure civile dans l'art. 166 dispose que l'exception de caution judicatum solvi doit être proposée avant toute autre; il édicte une semblable disposition pour l'exception d'incompétence.

3. Il y a donc contradiction entre ces deux dispositions, lorsque les deux exceptions se produisent dans une même affaire.

4. Il convient de donner le pas à l'exception de caution sur celle de compétence, lorsque ces deux exceptions ont à se produire successivement.

5. Il en résulte que l'exception d'incompétence peut être soulevée par la partie qui avait d'abord exigé du demandeur étranger la caution.

M. Vedorelli de Castillo a assigné MM. de Hillerin, Poulain et Favereau, en payement de 20,000 fr. de dommages et intérêts.

En raison de sou origine italienne, les défendeurs lui ont opposé l'exception de caution judicatum solvi, et, après, ils ont en outre opposé l'exception d'incompétence du Tribunal de la Seine, attendu qu'ils sont domiciliés à Nantes et non à Paris.

M. Vedorelli a soutenu que les défendeurs, ayant opposé une première exception n'a- I

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« Le Tribunal. — Att. qu'après avoir opposé à la demande de Vedorelli de Castillo, l'exception de caution, les défendeurs concluent à l'incompétence du Tribunal de la Seine;

Qu'aux termes de l'art. 166 du Code de procédure civile, la réquisition de caution doit précéder toute exception; Qu'aux termes de l'art. 169 du même Code, la demande de renvoi doit être formée préalablement à tontes autres exceptions et défenses; Que les deux articles sont en contradiction; Que la caution par l'étranger demandeur a pour objet d'assurer, notamment, le payement des frais; - Que l'avance des frais auxquels donne lieu le débat sur la compétence serait dénuée de garantie, si l'exception énoncée dans l'art. 166 ne précédait pas les conclusions à fin de renvoi ;

Att. qu'il n'est pas contesté que Poulain et Favereau soient domiciliés à Nantes; Que d'après les renseignements produits, de Hillerin n'est pas domicilié à Paris; qu'il n'y possède qu'un bureau, rue Bergère, 17, au siège social d'une compagnie dont il est membre;

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