Page images
PDF
EPUB

En conséquence, ne tombe pas en péremption, la sentence du juge de paix rendue plus de quatre mois après la nomination d'experts. (Art. 15 du code de proc. civ., Pasic., 1880, 1, 40.)

(PREUDHOMME, C. DEREPPE.)

-

19 juin 1891. A la requête de Dereppe, citation à Preudhomme à comparaître devant le juge de paix de Ciney, aux fins, comme mesure conservatoire et dans le but d'arriver à fixer, d'une façon certaine, le chiffre des indemnités à allouer au requérant, il y a lieu de faire visiter actuellement et à l'époque de la maturité les récoltes endommagées, et ce, par des experts à convenir, sinon nommés d'office par justice.

Entendre dire que, comme mesure provisoire, il sera par trois experts à convenir amiablement par les parties à l'audience, sinon désignés d'office par justice, procédé à la visite des récoltes en avoine et seigle des terres ci-dessus désignées..., lesquelles visites auront lieu, l'une immédiatement et une seconde avant l'enlèvement..., pour ensuite être conclu ce qu'il appartiendra. (Aux termes de l'art. 3, § 8, de la loi du 25 mars 1876, le juge de paix est seul compétent pour connaître de la demande.)

24 juin 1891. Sentence du juge qui désigne trois experts, et réserve les dépens. 22 septembre 1891. Clôture du procèsverbal des experts.

21 novembre 1891. A la requête de Dereppe, citation à Preudhomme, à comparaître devant le juge de paix, le 25 courant, << attendu »>, y est-il dit, « que le requérant occupe à titre de fermier la ferme X..., d'une contenance de 84 hectares; que toujours, et notamment cette année, les récoltes de mon requérant sont grandement endommagées par le gibier de toute espèce provenant des chasses du cité, notamment d'un bois com

munal dont le défendeur possède la chasse à titre de locataire;

« Que les dommages, cette année, se faisaient surtout remarquer sur la partie des terres dépendant de la dite ferme, contigues au bois communal, d'un ensemble de 23 hectares, dont vingt emblavés d'avoine et trois de seigle;

<< Attendu, en conséquence, que comme mesure conservatoire et tous droits des parties réservés, mon requérant a provoqué la nomination de trois experts. »

En effet, par jugement du 24 juin 1891, M. le juge de paix, sur assignation régulière et en présence des parties demanderesse et défenderesse, a désigné pour cette mission MM. 1°...; 2°...; 3°..., avec invitation à constater l'état des récoltes à la date du jugement, de les visiter à nouveau avant l'enlèvement et de rechercher si les dégâts constatés ont été produits par le gibier provenant du bois communal de Miécret.

Les dits experts ont déposé leur rapport le 22 septembre 1891, et estimé le dégât à la somme de 461 francs.

Ils attribuent le quart du dommage aux lièvres et aux autres gibiers, les trois autres quarts aux lapins. tous provenant des chasses du cité. — Il y a donc lieu d'estimer le dégât à la somme de 808 francs. (Art. 7 de la loi du 28 février 1882, au double.)

Par ces motifs, s'entendre condamner à payer au requérant, à titre d'indemnité, la somme de 808 francs. Outre les dépens.

30 décembre 1891.- Sentence : « Attendu que le gibier est, de sa nature, res nullius; que, d'autre part, il ne vit qu'au détriment des récoltes sur pied, d'où résulterait, pour le propriétaire lésé, le droit de le rechercher et détruire, même sur le terrain d'autrui ;

«Que si ce droit de destruction a été, par des considérations d'utilité publique, réservé au propriétaire du sol, il n'a pu l'être qu'à charge d'en user comme l'aurait fait le propriétaire des récoltes endomma

titre XIII, article 1er, abrogeait toute enquête d'examen à futur, avec défense à tous juges de les ordonner, n'y d'y avoir égard, a peine de nullité. »

Le Parlement de Paris n'a pas cru déroger à cette défense par l'expertise qu'il autorisait, en présence des parties ou elles dùment appelées; non plus que notre loi du 26 février 1846, sur la chasse, par son article 19, ni celle du 28 février 1882, par l'article 29. Ce sont là des constatations d'infractions pénales, par gens à ce compétents, avec les conséquences civiles qu'elles entraînent à leur suite et qui n'offrent aucun des inconvénients que la sagesse du président Lamoignon a voulu prévenir.

Nous observons que la même manière de proceder

était observée en Allemagne, notamment dans la Saxe, au siècle dernier, suivant le témoignage de Leyser, 1752 (Jus Georgicum, lib. III, cap. XII, fo 497, où il dit : « Imo si in eum numerum excreverint feræ, ut non possint subditi sine labore et expensis defendere possessiones, prata, segetes et vineas suas, sed diu noctuque invigilare illis necesse habeant, quod tum non sufliciat damna data resarcire, aut etiam licentiam concedere occidere feras infestantes, sed illis etiam pro talibus laboribus et expensis specialiter satisfaciendum sit. Et quod in æstimatione damni non præsens solum tempus, sed futurum etiam respici, et valor fructuum verisimiliter expectatorum restitui debeat. »

gées, ou d'indemniser celui-ci des dégâts commis;

« Que de cette obligation, corrélative à son droit, le propriétaire de la chasse ne peut se dégager qu'en cédant sa jouissance même au propriétaire lésé;

«Que ce principe de responsabilité est de pratique relativement facile, en ce qui concerne l'espèce lapin, dont la provenance est d'une constatation plus certaine, plus ordinaire que pour d'autres gibiers; que leur habitation se découvre notamment par la présence de terriers et d'autres indices d'une reconnaissance familière aux experts et qu'ils séjournent d'ordinaire dans les bois, buissons et ronces;

«Que c'est, sans doute, eu égard à cet état de choses que, en l'absence de tout fait posé par le propriétaire, en vue de l'établissement ou de la conservation du gibier, le législateur a, dans l'article 3 de la loi sur la chasse, autorisé le propriétaire riverain à chasser le lapin au moyen de bourses et de furets sur les berges des voies ferrées de l'Etat ;

« Attendu que d'autres gibiers, tels que les lièvres, ne trahissent pas de la même manière leur séjour habituel, et qu'il est plus difficile de discerner si leur présence sur le sol est ou n'est pas accidentelle et passagère ;

<< Attendu que les obligations du propriétaire passent au locataire de la chasse, s'il a été mis à même de connaître l'état des lieux et s'il a eu le temps d'y porter remède; << En fait :

« Attendu que le rapport des experts, en ce qui concerne les dégâts causés par les lapins, n'est pas contesté; qu'il est, dès à présent, acquis que, de leur chef, le dommage porté au double s'élève à la somme de 692 francs;

« Qu'il importe peu de savoir si le nombre de ces animaux était ou n'était pas considérable, et que la circonstance que certains terrains du demandeur étaient dans une orientation favorable à ce gibier, ne fait que confirmer la possibilité de beaucoup de dégâts causés par un nombre relativement restreint de ces animaux ;

«Attendu qu'il n'est pas douteux que le défendeur, en louant la chasse dès 1885, connaissait la nature des gibiers y renfermés, qu'il le reconnaît même, en affirmant son droit de les garder à raison du prix élevé de la location;

<«< Que vainement il conclut à prouver qu'il a pris certaines mesures, dont la portée est assez vaguement définie, pour la destruction de ce gibier; qu'il suffit que ces mesures aient été inefficaces, alors surtout qu'il ne

dénie pas avoir interdit le furetage au riverain défendeur;

« Qu'en ce qui concerne les lièvres et autres gibiers, les experts n'ont pas absolument justifié leur entière provenance; qu'il y a lieu de statuer, sur ce point, ex æquo et bono, en admettant que leur provenance est due tout autant à la nature des terrains et des récoltes du demandeur, qu'à la nature des terrains dont le défendeur a la chasse; que leur séjour était alternatif sur chacune de ces espèces de régions et, partant, de réduire de moitié le chiffre proposé par les experts;

«Par ces motifs, le tribunal condamne le défendeur à payer au demandeur la somme de 750 fr. 36 c. pour dommages-intérêts; le condamne, en outre, aux intérêts de cette somme, à partir du jour de la demande, aux dépens de la précédente instance aux fins de nomination des experts, à ceux de l'expertise elle-même et enfin à ceux de la présente instance. »> (30 décembre 1891. Présent : M. Alph. Decoux, juge de paix.)

3 mars 1892. Appel par Preudhomme. 18 mai 1894. Conclusions de l'appelant, tendant à la réformation du jugement et au rejet de la demande; subsidiairement, admission à preuve; de plus, à déclarer l'instance périmée.

21 juin 1894. - Jugement du tribunal de première instance de Dinant :

« Sur l'exception de péremption de l'ins

tance:

«Attendu que l'instance ne peut être déclarée périmée, par application de l'article 15 du code de procédure civile, que si le jugement du 24 juin 1891 est un interlocutoire; qu'aux termes de l'article 452, sont réputés interlocutoires, les jugements rendus lorsque le tribunal ordonne, avant dire droit, une preuve, une vérification, ou une instruction qui préjuge le fond;

«Que tels ne sont pas les caractères de la décision précitée; que, par l'exploit introductif du 19 juin 1891, l'intimé, alors demandeur, déterminait comme suit l'objet de la contestation : « entendre dire que, comme << mesure provisoire, il sera, par trois « experts à convenir amiablement par les « parties à l'audience, sinon désignés d'of<<fice par justice, procédé à la visite des « récoltes en seigle et en avoine des terrains « désignés en l'ajournement, attenants tous « du nord au bois communal de Miécret, « dont le défendeur tient la chasse en loca«<tion; pour, le rapport des experts déposé « au greffe de la justice de paix, être conclu «< ce qu'il appartiendra;

«Que la demande n'avait donc pas pour objet la réparation du dommage qui, éven

JURISPRUDENCE DE BELGIQUE.

tuellement, pouvait être constaté par l'expertise, mais simplement la nomination des experts, et que, par conséquent, le juge n'était pas saisi d'une question de fond; que, dès lors, en donnant acte aux parties de la désignation des experts choisis par elles, le jugement précité a épuisé la demande; qu'il est donc définitif et non interlocutoire, et que, par conséquent, l'exception de péremption ne peut être accueillie:

<< Au fond :

<< Attendu que le locataire d'une chasse, dans laquelle se trouvent des bois, n'est responsable des dégâts causés par des lapins provenant de ces bois que si l'on établit à sa charge l'existence d'une faute, d'une imprudence et d'une négligence, conformément aux dispositions des articles 1382 et suivants du code civil; que l'article 7 de la loi du 28 février 1882 n'a pas dérogé à ces principes; que les discussions qui ont précédé l'adoption de cet article le démontrent clairement; que, cependant, en condamnant Preudhomme à indemniser l'intimé des dévastations causées à ses récoltes par les lapins sortis des bois de la commune de Miécret, le premier juge n'a pas constaté, à suffisance de droit, l'existence de cet élément essentiel de la responsabilité, qu'il faisait peser sur l'appelant; qu'il ne suffit pas, pour constituer ce dernier en faute, que les moyens employés par lui pour détruire les lapins aient été inefficaces, puisque les dévastations alléguées pouvaient être, en ce cas, le résultat de la force majeure ou de faits dont l'appelant n'était pas responsable; que la preuve d'une faute dans le chef du locataire de la chasse incombe au demandeur en réparation; que l'intimé articule, dans cet ordre d'idées, des faits pertinents, dont la preuve doit être admise; que, de son côté, l'appelant offre d'établir divers faits dont la preuve doit aussi être autorisée en termes d'enquête contraire;

«Par ces motifs, le tribunal, sans s'arrêter à l'exception de péremption d'instance qui n'est pas fondée, réforme le jugement dont est appel; émendant, avant dire droit au fond, admet l'intimé à prouver, par tous moyens de droit, témoins compris : (douze faits cotés) preuve contraire réservée à l'appelant; fixe jour pour l'enquête au 13 octobre prochain, et pour l'enquête contraire au 10 novembre suivant; dépens réservés. » (21 juin 1894: Présents: 1° MM. Lesuisse, président; 2o Bertrand et 3° Woot de Trixhe.)

Pourvoi par Preudhomme de Rasse, qui dit: «En tant qu'il vise le fond du litige, le jugement de Dinant est interlocutoire, mais il est définitif en ce qu'il écarte l'excep

tion de péremption et, de ce chef, il est susceptible d'un recours en cassation. >> Premier moyen. Violation de l'ar

ticle 1319 du code civil; fausse application et violation des articles 15 et 452 du code de procédure civile, en ce que le jugement dénoncé a considéré comme définitif et, partant, comme ne pouvant servir de point de départ au délai de la péremption, le jugement interlocutoire rendu entre parties, le 24 juin 1891, par le juge de paix.

La citation affirme l'existence d'un dommage dont elle rend le cité responsable en le lui imputant à faute: « Attendu »>, y est-il dit, « que le cité est responsable des dégâts causés aux dites récoltes. >>

C'était énoncer, de façon précise, les bases de l'action en responsabilité que (Cass., 15 mars 1894, PASIC., 1894, I, 149.) cet exploit avait pour objet d'introduire. Violation des arti

Deuxième moyen.

cles 28, 29, 302, 321 à 323 du code de procédure civile, article 92 de la Constitution; 1er à 3 de la loi du 25 mars 1876; 1er et 2 de la loi du 26 décembre 1891; 7, al. 2, de la loi du 28 février 1882, en ce que le jugement dénoncé a reconnu la validité d'un jugement ordonnant une expertise ad futurum. (CHAUVEAU-CARRÉ, Quest. 1157, no 2.)

<< faut justifier d'un intérêt actuel. » (SERVAIS, Loi sur la chasse, art. 7, no 128; DOUXCHAMPS, le Chasseur belge.)

Réponse. L'action n'avait qu'un seul objet faire procéder à une expertise; elle n'avait pas pour objet la réparation du dommage, ce point était réservé; elle portait sur l'allocation d'une mesure conservatoire.

En disposant comme il l'a fait, le juge de paix a épuisé toute la demande sans rien réserver, ce n'était donc pas un avant-diredroit; par suite, son jugement n'était pas interlocutoire, mais définitif.

Mais, l'expertise faite, Dereppe devait nécessairement, pour obtenir réparation du dommage, intenter une action nouvelle, ce qu'il a fait par exploit du 24 novembre 1891.

Réponse au deuxième moyen. Le tribunal de Dinant, dit le demandeur, ne pouvait reconnaître la validité du deuxième jugement, attendu que cette décision statuait ad futu

rum.

Nous répondons le jugement dénoncé n'a pas statué sur cette validité; il a simplement constaté la portée du jugement du 24 juin. Mais pour statuer sur sa validité, il aurait dû en être saisi; il ne l'était pas, aucun appel n'ayant été interjeté du jugement du 24 juin 1891; il avait à l'apprécier comme une décision non plus susceptible d'être mise en question.

En supposant donc gratuitement qu'en

principe le jugement du 24 juin n'était pas régulier, en fait il avait le caractère de la chose jugée et il devait être accepté par le tribunal de Dinant tel qu'il était.

Le procureur général conclut au rejet et dit:

« 1. En principe, la loi n'admet pas que des contestations de minime importance, comme celles qui s'agitent devant les justices de paix, traînent en longueur, c'est pourquoi elle impose au juge l'obligation de rendre sentence sur-le-champ où à la première audience. (Art. 13 du code proc. civ.)

« Toutefois, dans les cas où un interlocutoire aurait été ordonné, la cause sera jugée définitivement, au plus tard dans le délai de quatre mois du jour du jugement interlocutoire; après ce délai, l'instance sera périmée de droit, et si c'est par la faute du juge, il sera passible des dommages-intérêts. (Art. 15.) (PASIC., 1880, 1, 40.)

C'est cette disposition que le pourvoi reproche au tribunal de première instance de Dinant d'avoir violée; mais il est aisé de se convaincre qu'il n'en est rien, par le motif que cette juridiction ne s'est pas trouvée en situation de devoir s'y conformer. Elle suppose, en effet, un interlocutoire ordonné au cours d'une contestation. Or, la citation du 19 juin 1891 n'a donné et ne pouvait donner naissance à aucun conflit, le requérant ne s'étant proposé, par cet exploit, que d'obtenir de la juridiction gracieuse (1) du juge la nomination de trois experts aux fins de constater certains dégâts. Cette forme de procéder est en usage au palais, dans tous les cas où l'intéressé se propose de se procurer une preuve juridique de certains faits, sujette à périr, sans rien préjuger au delà. Pour n'en citer qu'un exemple, la loi du 25 août 1891, concernant les contrats de transport, autorise, en cas de refus des objets transportés, la vérification de leur état par un ou trois experts nommés par une ordonnance du président du tribunal de commerce, rendue au pied d'une requête; le destinataire est appelé par lettre recommandée. (Art. 8.)

« Jusque-là pas de contestation; plus d'une fois même il arrive qu'il n'en surgit pas, par exemple, si les dégâts supposés ne sont

[blocks in formation]

pas vérifiés; et si celui qui pourrait y contredire y est appelé, c'est uniquement par le motif qu'il est de l'essence de toute preuve de pouvoir être combattue; ce qui donne du poids à une preuve faite en justice, c'est la contradiction qui lui est opposée. Aussi le premier décret de la Constituante, concernant le règlementsur la procédure en justice. de paix (18-26 octobre 1790) disposait-il, titre IV, art. 1er, que « si les parties sont «< contraires en faits qui soient de nature à « être constatés par témoins, et dont le juge « de paix et ses assesseurs trouvent la véri«<fication utile et admissible, le juge de << paix avertira les parties qu'il y a lieu de « procéder par enquête... >>

« Le demandeur originaire (sieur Dereppe), pour qu'on ne se méprît pas sur la portée de cette citation (du 19 juin 1891), prit soin de la qualifier du titre de mesure conservatoire..., mesure provisoire..., pour ensuite être conclu ce qu'il appartiendra.

« Et le juge fit droit par la désignation de trois experts, dépens réservés. (24 juin 1891.)

« Ce n'est pas là un interlocutoire ordonné par un juge, qui, avant de statuer au fond, a besoin d'éclairer sa conscience relativement à des faits allégués. (Art. 15.) C'est un préalable nécessaire, un appointement qui préjuge si peu le fond, que, jusque-là, aucune demande n'est introduite. Ce n'est que le 21 novembre suivant, après le dépôt du procès-verbal des experts, que l'action a pris naissance, par une demande formelle de dommages-intérêts.

<< On se demande comment, dans ces conditions, le juge aurait encouru un reproche de négligence et d'inaction, pour avoir différé outre mesure de statuer sur une contestation dont il n'était pas saisi. Pour le moment, sa juridiction avait pris fin, et il n'aurait rien pu décréter au delà, sans statuer ultra petita; par le fait même de la désignation des experts, il s'est trouvé complètement dessaisi."

«II. Outre ce premier grief, le demandeur s'en fait un autre, tiré de ce que le jugement dénoncé aurait reconnu la validité d'un jugement ordonnant une expertise ad futurum.

« C'est supposer que le dommage n'existait pas encore, au moment où l'action a pris naissance.

<< Mais il est inutile et superflu d'aborder cet ordre d'idées, attendu que, à part le rejet de l'exception de péremption, le jugement attaqué n'est qu'un avant-faire-droit, admettant le réclamant à preuve, contre lequel on n'est pas reçu à se pourvoir. »

Conclusions au rejet.

15

ARRÊT.

LA COUR; Sur le premier moyen de cassation déduit de la violation de l'article 1319 du code civil; de la fausse application et de la violation des articles 15 et 452 du code de procédure civile, en ce que le jugement attaqué a considéré comme définitif et, partant, comme ne pouvant servir de point de départ au délai de la péremption le jugement interlocutoire rendu entre parties, le 24 juin 1891, par le juge de paix du canton de Ciney :

Attendu que, pour écarter le moyen de péremption d'instance opposé par le demandeur devant le tribunal de Dinant jugeant en degré d'appel et fondé sur l'article 15 du code de procédure civile, le jugement attaqué déclare que la décision rendue par le juge de paix à la date du 24 juin 1891 n'a pas les caractères d'un interlocutoire, mais ceux d'un jugement définitif;

Que le jugement attaqué déduit cette appréciation et de l'objet restreint de l'exploit introductif du 19 juin 1891 qui tendait, non à la réparation du dommage pouvant éventuellement être constaté par l'expertise, mais simplement à la nomination d'experts, et de la décision précitée du 24 juin qui se borne, dans les limites de la demande, à donner acte aux parties de la désignation des experts choisis par elles;

Attendu que le juge du fond interprète souverainement la portée des jugements et des actes de procédure qui lui sont soumis, et que, dans l'espèce, l'interprétation donnée par le jugement attaqué à la décision rendue par le juge de paix le 24 juin 1891 n'est pas inconciliable avec le texte de cette décision;

Que le jugement attaqué n'a donc pas contrevenu à l'article 1319 du code civil et à la foi due aux actes;

Qu'en présence de l'interprétation admise par le juge du fond, le jugement attaqué n'a pu non plus contrevenir aux articles 15 et 452 du code de procédure civile, puisque l'article 15 suppose l'existence d'un jugement interlocutoire rendu dans une instance restant à juger au fond, et que l'article 452 ne répute interlocutoires que les jugements qui ordonnent, avant faire droit, une preuve, une vérification ou une instruction qui préjuge le fond;

Sur le second moyen déduit de la violation des articles 28, 29, 302, 321, 322 et 323 combinés du code de procédure civile, de l'article 92 de la Constitution; de la fausse application et de la violation des articles 1er. 2 et 3 de la loi du 25 mars 1876 sur la compétence; de la violation des articles 1er et 2 de

la loi du 26 décembre 1891; de la fausse application, de la fausse interprétation et de la violation de l'article 7, alinéa 2, de la loi du 28 février 1882 sur la chasse, en ce que le jugement attaqué a reconnu la validité d'un jugement ordonnant une expertise ad futurum :

Attendu que du jugement attaqué et de ses qualités il résulte que le tribunal de Dinant n'a été saisi, par l'appel du demandeur, que de la connaissance de la décision rendue par le juge de paix, le 30 décembre 1891, sur une citation du 21 novembre précédent;

Qu'il n'appartenait pas au dit tribunal de connaître, pour la valider ou pour l'invalider, de la décision rendue par le juge de paix le 24 juin 1891, laquelle, à défaut d'appel, était passée en force de chose jugée;

Qu'en se bornant à apprécier la portée de la décision précitée aux fins de statuer sur l'exception de péremption de l'instance terminée en premier degré de juridiction par le jugement du 30 décembre 1891, le jugement attaqué n'a donc pu contrevenir aux dispositions légales invoquées par le second moyen, à supposer même que la décision du 24 juin y fût contraire;

Que de ces considérations il suit que les deux moyens du pourvoi manquent de fondement;

Par ces motifs, rejette le pourvoi; condamne la partie demanderesse aux dépens de l'instance en cassation et à une indemnité de 150 francs envers le défendeur.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]
« PreviousContinue »