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Supposons une vaste enceinte limitée à l'ouest par le cours de la Tille, à l'est par le massif du mont Afrique et les montagnes boisées dominées par Saussy, s'étendant du nord au sud sur une longueur de près de quarante kilomètres, de Gemeaux à Brazey-en-Plaine, nous aurons ainsi le rayon des marchés de Dijon aux treizième et quatorzième siècles. Bèze, Rouvres, Corcelles-lez-Cîteaux, Sainte-Foy et Gemeaux en sont les points extrêmes.

De nos jours, le cercle s'est encore étendu plus loin. Alise-Sainte-Reine, Auxonne, Louhans, Beaune, envoient régulièrement leurs produits le mardi et le vendredi.

A côté des denrées alimentaires, le marché de Dijon présentait aux consommateurs des objets de toute nature, fabriqués par les artisans de la ville, et des documents authentiques nous prouvent qu'à Dijon, au treizième siècle, les métiers les plus variés étaient exercés. Quelques-uns même ont disparu actuellement, tels les « potiers d'étain », les « parcheminiers » et les « chandelliers », les «< tixerands >>> de toiles et de draps, d'autres se sont transformés comme les changeurs et les banquiers, mais nous retrouvons encore les boulangers, les coiffeurs, les cordonniers, les bourreliers, les tailleurs pour hommes et pour dames, les tanneurs, les orfèvres et les fripiers (1).

« Rien n'est plus animé que le marché où les vendeurs attirent le client sur des tons divers. A la moultarde! A la bonne moultarde...! Ici un mar

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chand vend des huches, des dreceurs; un autre, des pots et godez de terre; cet autre, des hanaps, des gobelets, des plats et platelets d'étain; un marchand de comestibles tient des chapons de pailler, des chapons de haulte groisse, des gélines de l'Inde... des pièces de venaison, des lièvres, des conins. Les poissonniers de doulce-yeaue proposent des brochets, des anguilles, des carpes, des brèmes. On offre de la porée, du céleri, de l'oseille, des navets, des oignons, du persil, des épinaches et de la bourrache, de l'hysope et de la sariette, de la sauge (1). »

La vente de ces produits divers n'était pas, comme de nos jours, concentrée dans un même quartier, autour des halles de la ville, mais il y avait au treizième siècle un grand nombre de marchés. Tous les produits ne pouvaient pas se vendre au même endroit, il y avait, par exemple, le marché aux poissons, le marché aux légumes, etc.

Les principaux marchés de Dijon à cette époque se tenaient au Bourg, rue Proudhon, près de NotreDame, place Saint-Jean, enfin autour de l'église Saint-Michel et sur le cimetière de Saint-Etienne.

Le plus important de tous était celui du Bourg. Il occupait l'espace compris entre le lit naturel du Suzon, les fossés du castrum et le chemin de la Portelle à Saint-Bénigne. C'est un véritable champ de foire permanent, quotidien. Dès que la première messe a sonné à l'église Notre-Dame, la cloche élevée au-dessus de la maison de la confrérie des bouchers, le no 44 actuel de la rue du Bourg, annonçait

(1) Petit, de Vausse, Entrée du roi Charles VI, p. 39 et 40.

l'ouverture du marché, c'est alors que tous se précipitent, les queux, les meschinettes, les chambellières, les frères lais, les mendiants pataugent dans la boue, la tripaille et le sang. M. Garnier a fait l'histoire du quartier du Bourg (1).

Il a décrit cette rue, qui présentait « deux lignes de masures noires, basses, profondes, mal éclairées, bâties de bois et de torchis, toutes séparées les unes des autres par des allées aboutissant à droite au cours du Suzon, à gauche sur le fossé du castrum (2) ». Ce marché est envahi par les bouchers qui occupent de longues files d'étaux, ou bans à vendre chair, installés de chaque côté de la rue.

Leurs maisons étaient bâties toutes pour ainsi dire sur le même plan. M. Garnier nous les fait revivre, ces vieilles habitations: la boutique avec râtelier, la chambre commune, la cuisine, le chaudoire, la chaudière à cuire les tripailles.

La rue est remplie d'ordures, « du sang des bêtes et fumiers, qui, rendant infection et puantises, peuvent causer maladies contagieuses (3) ».

Ce marché était spécialement réservé aux bouchers, nul « ne pouvait vendre chair qu'au Bourg et il n'acquérait ce droit qu'après avoir été examiné par les jurés de métier, donné le mangier aux compaignons et payé l'écuelle au maire, remplacée plus tard par une somme de 100 sols (4) ».

Ce monopole pour le quartier du Bourg subsista

(1) Garnier, Histoire du quartier du Bourg.

(2) Ibidem, p. 5.

(3) Ibidem, p. 27.

(4) Ibidem, p. 9.

jusqu'en 1501, où la mairie établira deux nouvelles boucheries, au Champdamas et à la porte SaintNicolas (1).

La même ordonnance prescrivit la construction d'une Tuerie sur l'Ouche. A partir de cette époque, les bouchers doivent tuer les animaux en dehors de la ville (2), et il est défendu de faire entrer les bêtes tuées par une autre porte que la Porte d'Ouche, afin de simplifier la surveillance des viandes.

Le marché au bétail, avant d'être transporté place du Morimont, se tenait sur la place de la Maison du Bœuf, actuellement place Saint-Georges.

Le vieux marché est mentionné pour la première fois en 1238 (3). Mais il est beaucoup plus ancien, puisqu'à partir de 1187, le duc s'est engagé à ne plus changer le lieu des foires et des marchés. Il est donc probable qu'il est antérieur à cette date. C'est dans ce forum vetus, situé sur l'emplacement actuel de la rue Proudhon, que se tenaient les fripiers (4), les marchands de drap, les boulangers. Ces derniers ne vendaient au marché que du pain de luxe, car jusqu'au quinzième siècle, chacun achetait son blé qu'il faisait moudre dans les moulins de l'Ouche ou de Suzon, puis l'on faisait cuire son pain chez les fourniers, qui étaient assez nombreux dans la ville (5).

(1) 28 mai 1501. — On construisit une succursale dans un bâtiment attenant aux halles, qu'on appela le Petit-Bourg.

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(2) G. 305 La Tuerie de l'Ouche fut commencée en 1508 et coûta à la ville 15,000 francs. Garnier, loc. cit., p. 21.

(3) G. 128, fo 4. «Non possum removere de locis in quibus erant anno quo eis hanc kartam dedi. » Charte, ¿ 41. Garnier, op. cit.,

t. I, p. 13.

(4) G. 132, fo 152.

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C'est également au forum vetus que l'on vend le bled (1), ainsi qu'au cimetière de Saint-Etienne. Et tout près de là, rue de l'Archerie (2), à cet endroit où l'on établira, en 1426, les halles dites de Champeaux, se rencontrait, au quatorzième siècle, le marché des salaisons (3).

On y vendait le samedi le lard salé et le queul, les assortiments nécessaires aux cuisiniers; le samedi également, dans la rue Chaudronnerie, se vendaient la teille ou chanvre, le mégis, les laines, les pélissons ou marchandises de pelleterie (Courtépée).

C'est dans cette même rue, qu'en 1510, le maire plaça un pilori pour attacher ceux qui avaient épousé deux femmes. Volontiers, à cette époque, on choisit le marché comme lieu d'exécution judiciaire, c'est là que l'on fouette la fille de joie et le voleur quand il n'est pas pendu.

Le choix de ce lieu pour les exécutions publiques, prouve l'affluence de monde qui devait s'y trouver. Ce quartier est un centre commercial très fréquenté, en particulier par les marchands en gros, car les commerçants qui vendent au-dessus de 25 livres doivent venir peser au poids public, et le prix du pesage est supporté moitié par l'acheteur et moitié par le vendeur.

A quelques pas de là, autour de Notre-Dame, le samedi, se tiennent les marchés aux légumes, aux

(1) Rue Proudhon.

A. D., Cartulaire de Saint-Etienne, p. 250 vo. (2) Actuellement Saint-Martin. (3) Courtépée, loc. cit., p. 439.

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