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et enfin que le corps expéditionnaire, bien qu'on l'eût grossi en affaiblissant la garnison d'Alger, au risque de ranimer sur ce point l'audace de l'ennemi, présentait une force à peine suffisante pour une pareille opération.

C'est ainsi qu'une polémique ardente préludait aux débats que le malheur des armes françaises en Afrique ne pouvait manquer de soulever au sein des Chambres; lorsque, le jour même de l'ouverture de leur session, le 27 décembre, un autre événement vint s'emparer de l'attention publique. A une heure de l'après-midi, le roi était sorti en voiture du palais des Tuileries pour aller, suivant l'usage, à la Chambre des députés, présider à cette solennité législative; il était accompagné de trois de ses fils, le duc d'Orléans, le duc de Nemours et le prince de Joinville. Arrivé devant le front de de la légion de la garde nationale qui formait la haie au pied de la terrasse du bord de l'eau, le roi mit la tête à la portière pour saluer le drapeau de cette légion, à une centaine de pas de la grille du jardin. A cet instant un coup de pistolet fut tiré sur S. M.: la balle pénétra dans la voiture; mais elle ne toucha ni le roi ni ses fils : quelques éclats de la glace de devant, qu'elle avait brisée, avaient seuls atteint les trois jeunes princes au visage. Le roi s'empressa de rassurer la foule en se montrant à elle et continua sa route vers la Chambre des députés.

Déjà l'assassin, qu'il avait fallu protéger contre l'indignation publique, avait été saisi et entraîné dans l'une des salles du palais. Nous le retrouverons devant la Cour des pairs, qu'une ordonnance du même jour appela à prononcer sur cette nouvelle tentative de régicide, qui venait encore assombrir la fin de l'année 1836, déjà si déplorablement signalée par fatale expédition de Constantine.

la

DEUXIÈME PARTIE.

HISTOIRE ÉTRANGÈRE.

CHAPITRE PREMIER

BELGIQUE. Loi sur les conseils communaux. - Elections communales et Ouverture de la session législative. - Discours du roi.

provinciales.

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La session précédente avait laissé aux Chambres de Belgique à résoudre une question importante, celle de l'organisation communale. Après avoir été en 1834 et 1835, discutée longuement et parfois avec une grande vivacité, elle excita encore cette année, dans la Chambre des représentans, des débats qui durèrent plus d'un mois (du 4 février au 9 mars), et dont la marche fut assez souvent confuse et tumultueuse. En résultat, la Chambre décida, à une forte majorité, que le bourguemestre serait nommé par le roi (82 voix contre 9), et qu'il serait pris dans le conseil communal. Une disposition semblable en ce qui concernait les échevins, ne passa qu'à la majorité de 7 voix (49 contre 43). Le conseil communal serait élu l'assemblée des électeurs de la commune. par Pour être électeur, il faudrait, outre les conditions ordinaires du domicile et de l'âge, payer un cens qui variait de 20 à 100 fr., suivant la population des communes, depuis celles de 2,000 âmes et au dessous, jusqu'à celles de 60,000 âmes et au dessus. Le gouverneur pourrait, sur l'avis conforme

et motivé des députations provinciales, supprimer ou révoquer les bourguemestres et les échevins, pour inconduite notoire ou négligence grave. La durée des pouvoirs serait de six années; mais le renouvellement des conseils municipaux aurait lieu par moitié tous les trois ans. La publicité des débats serait facultative dès que les deux tiers du conseil la demanderaient. Quant à la question des spectacles qui avait déjà été si vivement controversée en 1834, une disposition portant qu'ils ne pourraient être permis et autorisés que par le conseil municipal, avait d'abord été rejetée, malgré les efforts du parti catholique. L'article du gouvernement était ainsi conçu : « La police des spectacles appartient aux colléges des bourguemestre et échevins; il peut dans des circonstances extraordinaires, interdire toute représentation théâtrale pour assurer le maintien de la tranquillité publique. Le conseil communal veille à ce qu'il ne soit donné aucune représentation contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public. » Les catholiques trouvaient que ce n'était pas assez; les libéraux trouvèrent que c'était beaucoup trop cependant cet article obtint la majorité; mais ensuite, une proposition fut faite de ne parler que des représentations contraires à l'ordre public, sans faire mention des bonnes mœurs, et cet amendement, sur lequel il y eut partage (45 voix contre 45) fut, aux termes de la Constitution, déclaré adopté.

La commission du Sénat chargée d'examiner le projet de loi d'organisation communale, qui lui avait été envoyé par la Chambre des représentans, exprima ses regrets de la réduction du cens électoral, ainsi que de la suppression du principe de la dissolution des conseils communaux. Elle eût désiré, en outre, qu'on eût conservé au roi la faculté de choisir le bourguemestre hors du conseil. Elle déclara, rela tivement aux spectacles, que le maintien de l'ordre public comprenait nécessairement le respect des bonnes mœurs. Dans la discussion, plusieurs orateurs arrivèrent aux mêmes

conclusions que la commission; ils pensaient que la loi appelait encore quelques amendemens, mais que son urgence forçait de l'admettre telle qu'elle était, sauf à la réviser plus tard, lorsque l'expérience aurait rendu ses inconvéniens manifestes. On insista principalement sur celui que la disposition relative à la police des spectacles pourrait avoir dans les petites localités, où l'on ne voyait que trop souvent, selon plusieurs membres, des représentations théâtrales qui portaient atteinte aux bonnes mœurs et au respect dû à la religion. Quoi qu'il en soit, le projet de loi fut adopté à la presque unanimité.

Les élections municipales, qui eurent lieu au mois de juillet, en vertu de cette loi, présentèrent dans un certain nowbre de communes une tendance anti-cléricale assez remarquable. Devenu tout-puissant depuis 1830, le clergé catholique n'avait usé de son influence exorbitante, que pour faire revivre en Belgique les institutions et les costumes bizarres et surannés des congrégations régulières, dont la révolution de 89 avait affranchi ce pays. De toutes parts s'étaient élevés de somptueux établissemens où étaient venus se réunir des légions de moines de tous les ordres. Les récriminations des libéraux les plus vigilans, les plaintes de la presse avaient été impuissantes pour arrêter le torrent de cette restauration monacale. Les esprits s'étaient aigris, les liens de l'union qui avait produit la victoire de 1830, s'étaient relâchés; mais jusqu'alors la domination du parti sacerdotal n'en avait pas été ébranlée. Il éprouva un premier échec ou plutôt un premier désappointement dans les élections municipales. Les libéraux, les orangistes ralliés, les orangistes restés fidèles à la dynastie hollandaise se coalisèrent et parvinrent souvent à l'emporter sur les catholiques. En deux ou trois endroits seulement, et spécialement à Gand, les orangistes ennemis de la dynastie nouvelle, obtinrent une prépondérance décidée qui ne laissa pas que d'embarrasser le gouvernement. Partout ailleurs, l'union des di

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