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PRECIS DES CHANGEMENTS

INTRODUITS PAR LE

CODE CIVIL

DANS LES

LOIS DU BAS-CANADA

L'intention des éditeurs de ce livre étant de donner au public une édition populaire du Code Civil du Bas-Canada, et le Code contenant plusieurs modifications importantes dans la loi qui régissait ce pays avant le premier août dernier, il convient ici d'indiquer sommairement ces changements, afin que les citoyens dont les personnes, les opérations et tous les actes sont, depuis quelques jours, régis et gouvernés par de nouvelles lois, puissent connaître et apprendre facilement ces divers changements et mettre leurs actions en harmonie avec la nouvelle législation. C'est dans le but de satisfaire à ce besoin, le principal et le plus pressant pour le moment, que nous allons donner ici une énumération très-succincte des modifications que le Code fait subir à notre ancien droit. Deux écrivains ont déjà fait, avant nous, le même travail, et nous déclarons franchement ici que leurs recherches nous ont été extrêmement utiles dans la rédaction du nôtre. La brochure de M. McCord, bun des secrétaires de la commission de codification, nous a paru avoir particulièrement un grand mérite en ce que non-seulement elle donne les changements introduits par le Code, mais aussi parce que l'auteur indique les principes qui ont guidé les Commissaires dans les amendements

qu'ils ont suggérés et dans le système qu'ils ont voulu suivre.

Nous nous sommes aussi servi avec avantage du travail de M. D. Girouard et des Rapports des Codificateurs.

Dans cette introduction, nous indiquerons, autant que possible, les changements faits à nos lois d'après l'ordre même du Code; nous croyons par là être plus simple et faciliter davantage l'usage que peut avoir notre travail.

Avant de commencer, disons d'abord que les idées qui semblent prévaloir dans le Code sont, de faciliter davantage la transmission de la propriété, de rendre les droits des personnes plus stables et plus fermes, particulièrement de protéger les intérêts des tiers, et, enfin, généralement, de simplifier le système de lois de manière à rendre son fonctionnement plus aisé, plus uniforme, et d'éloigner autant que possible les difficultés d'interprétation, les causes de doute et de procès qui pouvaient exister dans notre ancienne législation.. Il ne nous appartient pas de dire si le Code a réussi à atteindre ce but; mais il est certain que les Commissairesse sont efforcés d'y parvenir. Dans leur second Rapport, p. viii, ils énumèrent assez au long les difficultés qui se présentaient sur leur marche pour donner à entendre qu'ils s'efforceraient de les surmonter.

Le tableau qu'ils font n'est pas exagéré, et quelque soit le succès que consacrera l'application du Code Civil dans la pratique, il faut reconnaître que les Commisssaires, sur bien des points, se sont efforcés de simplifier notre corps de droit et d'harmoniser le dispositions discordantes qu'il pouvait contenir.

Si maintenant nous commençons à parcourir le Code Civil, une foule de changements plus ou moins considérables dans la loi viendront frapper notre attention.

L'art. 34 décide dans l'affirmative la grande question de savoir si la profession religieuse entraîne encore en BasCanada la mort civile. Cet article déclare que les personnes faisant des vœux solennels et perpétuels dans une des communautés religieuses reconnues lors de la cession du Canada à l'Angleterre et approuvées depuis, sont mortes civilement. Sur cette question, comme sur plusieurs autres, M. Day s'est séparé de la majorité des codificateurs, les raisons qu'il donne ne sont pas sans valeur; cependant,, nous croyons que le Code, en déclarant que la mort civile

est entraînée par la profession religieuse, a exactement reproduit la loi du pays. Nous avons entendu dire que les communautés qui doivent tomber sous l'article du Code, sont l'Hôtel-Dieu, l'Hôpital-Général, les Ursulines de Québec et celles des Trois-Rivières, et les sœurs de l'Hôtel-Dieu de Montréal. Cependant, nous pensons qu'aucune de ces communautés, sauf peut-être les Ursulines de Québec et des Trois-Rivières, ne doit subir l'opération de cette loi.

Les arts. 57 à 65 traitent la question des actes de mariage et particulièrement la formalité des publications de bans.

Les arts. 115 à 127 parlent des qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage.. Au sujet de ces articles, on a dit qu'ils ne reproduisaient pas la loi du Bas-Canada; et, qu'en vertu des dispositions qu'ils contiennent, un catholique pourrait désormais se faire marier devant un ministre protestant après avoir obtenu une licence de mariage d'un fonctionnaire protestant. Dans notre opinion, cette interprétation est erronée.

En effet, il est dit, à l'art. 59, qu'il peut être procédé au mariage sans un certificat de publications de bans, " si les parties ont obtenu des autorités compétentes et produisent une dispense ou licence des publications de bans."

Or, quelles sont ces autorités compétentes reconnues si formellement par le Code?

L'art. 130 nous dit que les publications ordonnées par les arts. 57 et 58 seront faites "par le prêtre, ministre ou autre fonctionnaire dans l'Eglise à laquelle appartiennent les parties..."

En conséquence, un catholique devra, comme ci-devant, faire publier ses bans dans l'église paroissiale à laquelle il a coutume d'aller; et un protestant dans celle qu'il a habitude de fréquenter.

Maintenant, si les parties désirent se faire dispenser de cette formalité, à qui devront-elles s'adresser? L'art. 134 nous le dit en propres termes: "Il est loisible aux autorités en possession jusqu'à présent du droit d'accorder des licences ou dispenses pour mariage, d'exempter des dites publications."

Mais, jusqu'à la promulgation du Code, quelles étaient les autorités revêtues par la loi du pouvoir d'accorder des dispenses de bans? Comme chacun le sait, pour les ca

tholiques, c'était l'évêque et l'évêque seul conséquemment, en vertu de l'art. 134, l'évêque a encore le droit d'exempter des publications de bans. Mais le possèdet-il encore seul? Oui, car on appelle autorité compétente celle qui non-seulement peut exercer une fonction ou accomplir un acte, mais celle qui seule peut le faire.

De plus, il est impossible à un catholique qui aurait obtenu une dispense sur de fausses représentations, de se faire marier par fraude en dehors de sa paroisse; car on sait que les dispenses accordées par les autorités ecclésiastiques ne sont pas autre chose que la permission donnée par l'évêque au curé des parties de procéder à leur mariage sans faire les publications de bans. Aucun prêtre catholique ne consentirait à agir sans l'accomplissement de cette formalité. Mais des catholiques pourraient-ils se faire marier devant un ministre protestant? Nous ne le pensons pas; car un ministre protestant ne peut pas procéder au mariage sans une licence, et nous maintenons que les fonctionnaires protestants chargés de distribuer des licences ne sont pas autorités compétentes, dans le sens des arts. 59 et 134 pour les catholiques. Du reste, il est évident que rien dans la loi n'empêche un catholique de devenir protestant pour faciliter la célébration d'un mariage que l'église ne peut faire sans l'accomplissement de certaines formalités préalables. Dans ces occasions solennelles, la conscience seule parle, et lorsque les hommes n'en ont pas, les lois sont presqu'impuissantes.

Outre ces raisons, le fait seul que le Code n'indique comme nouvelle aucune des dispositions qui règlent ce sujet, serait suffisant pour faire présumer que l'intention de ses rédacteurs a été de reproduire l'ancienne loi. Mais il y a quelque chose de plus formel que cette simple présomption. L'art. 127 avait d'abord été rédigé de manière à ne s'appliquer qu'aux empêchements résultant de la parenté ou de l'affinité au degré de cousins germains et autres degrés. Deux des commissaires, MM. Caron et Morin, recommandèrent dans leur rapport supplémentaire de modifier cet article en mettant les mots autres causes au lieu des mots autres degrés, "pour, disaient-ils dans ce rapport, lever tous doutes sur l'intention de laisser le sujet dans l'état où il est aujourd'hui." M. Day s'opposa à ce changement parce qu'il avait l'effet d'étendre les causes d'em

pêchement, et de "reconnaître comme des empêchements légaux certains obstacles au mariage qui dépendent des règles et de la discipline ecclésiastiques et qui n'astreignent que la conscience des parties qu'elles concernent."

Il nous semble qu'après ces déclarations, il est impossible de ne pas croire que l'intention des législateurs ait été de laisser la loi, sur tous les points, dans l'état où elle se trouvait avant la promulgation du Code. Du reste, nous sommes bien d'avis, avec plusieurs de nos confrères, qu'une obscurité déplorable règne dans quelques articles, comme, par exemple, dans l'art. 127, qui, suivant nous, reproduit bien la loi, mais d'une manière très-peu explicite.

Si, maintenant, nous reprenons l'ordre des articles, que nous venons légèrement d'intervertir, nous trouvons l'art. 71 au titre des Actes de l'Etat Civil, qui ordonne que les registres dans lesquels sont inscrits les actes de profession religieuse seront légalisés de la même manière que les autres registres de l'état civil; l'art. 77 supplée à une omission dans la loi, en indiquant ce qu'il faut faire quand un acte de l'état civil a été complétement omis du registre. Il existait une disposition dans la loi pour corriger des entrées erronées, mais il n'y en avait pas pour le cas d'une omission complète.

L'art. 93, au titre des Absents, à cause des facilités de communication qui existent aujourd'hui, réduit de dix à cinq ans le terme après lequel les héritiers présomptifs d'un absent peuvent obtenir le droit d'entrer en possession provisoire de ses biens; l'art. 97, pour protéger les droits de l'absent, oblige les personnes qui ont été envoyées en possession provisoire, à faire examiner les propriétés immobilières par des personnes expérimentées, de manière à constater dans quelle condition elles se trouvent, et ordonne l'homologation de leur rapport, ainsi que le paiement des frais à même les biens de l'absent.

Au titre du Mariage, l'art. 123 déclare que les sommations respectueuses aux père et mère ne sont plus obligatoires. Depuis longtemps elles étaient tombées en désuétude dans ce pays, où elles n'avaient plus leur raison d'être ; du reste, ces sommations, qu'on ne faisait qu'après que le consentement avait été demandé et refusé, n'étaient bonnes qu'à constater l'entêtement des deux parties et à indiquer

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