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de faire un livre de doctrine. C'est là ce qui nous a donné confiance dans le succès de notre entreprise, succès dont nos amis eux-mêmes avaient douté en présence des difficultés de l'opération et de l'incertitude de ses résultats commerciaux.

Mais le Dictionnaire réduit aux seuls mots de la science ne suffisait pas à notre désir; il nous eût semblé incomplet s'il n'avait offert en même temps la Bibliographie des ouvrages et la Biographie des auteurs qui les ont écrits.

C'est pour la première fois que l'Économie politique aura une bibliographie complète, méthodiquement disposée à la fois par ordre de matières et par noms d'auteurs, et dans laquelle les hommes d'étude, les administrateurs, et tous ceux qui ont des indications à chercher, pourront puiser les renseignements les plus nombreux et les plus précis 1.

Pour accomplir cet immense travail, il a fallu compulser page par page, colonne par colonne, les dix volumes de la France littéraire de M. Quérard, les cinq volumes de la Littérature contemporaine qui font suite à cet ouvrage et les Tables de la Bibliographie générale de la France. Nous avons en outre mis à contribution la Biographie universelle de Michaud, la Biographie des contemporains, la Collection des Économistes italiens de Custodi; une bibliographie des Économistes espagnols, par M. de Bona y Ureta2; les notes Bibliographiques de M. R. de La Sagra, les Biographies allemandes de Ersch, Kaiser, Hinrichs; le Dictionnaire de la conversation, de Brockhaus ; le Dictionnaire des sciences de l'État (Staats-Lexicon), par Rotteck et Welcker; les Archives d'Économie politique de Rau et le Journal des sciences de l'État, de Tubingue, et surtout la Bibliographie tout à fait spéciale de M. Mac Culloch intitulée: Literature of Political Economy.

Confiées d'abord à M. Ath. Gros, aujourd'hui bibliothécaire à Draguignan, la biographie et la bibliographie ont été continuées, à partir de la lettre B, par M. Maurice Block, sous-chef du bureau de la statistique générale de la France, qui a rédigé un nombre considérable d'articles, recueilli les notes biographiques et bibliographiques, et traduit en français les titres d'ouvrages publiés en langues étrangères. D'autres collaborateurs ont aussi pris part à ce travail : MM. A. Clément, Baudrillart, Gustave de Molinari, Maurice Monjean, et notamment M. Joseph Garnier, auquel nous devons un grand nombre d'articles biographiques et bibliographiques où l'on reconnaît son goût pour l'érudition et la connaissance qu'il a de la littérature économique. Nous avons la satisfaction de penser que les lecteurs nous tiendront particulièrement compte des efforts qui ont été faits pour cette partie spéciale de notre Dictionnaire, dans laquelle une foule d'ouvrages, plus ou

1 Jusqu'à présent la bibliographie économique consistait dans une courte liste des principaux ouvrages qui accompagne la Théorie des richesses sociales de Skarbeck, dans celle dont M, Blanqui a fait suivre son Histoire de l'Economie politique, déjà beaucoup plus étendue, et remarquable par de piquantes annotations; et enfin dans celle de M. Mac Culloch (Literature of Political economy), beaucoup plus étendue encore, très estimable à tous égards par les savantes appréciations de l'auteur, mais loin d'être aussi complète que la nôtre.

2 Clave de los Economistas. Madrid, 4850, in-8 de 70 pages.

moins oubliés, ont été remis en lumière, un grand nombre d'erreurs et d'inexactitudes ont été redressées, et où les Économistes érudits pourront constater plus d'une remarquable découverte.

Dans les articles bibliographiques, soit par noms d'auteurs, soit par ordre de matières, nous avons généralement classé les ouvrages selon l'ordre chronologique de leur publication; et nous avons mis tous nos soins à en reproduire les titres exactement et complétement. A la suite de chaque titre nous avons ajouté, pour les ouvrages les plus importants ou les plus remarquables à divers égards, des notes explicatives et des appréciations sur leur contenu ; pour cela nous avons également fait de nombreux emprunts à la Bibliographie de M. Blanqui, à celle de M. Mac Culloch, aux articles de critique écrits depuis douze ans dans le Journal des Économistes et à d'autres publications ayant une certaine autorité; mais pour les écrivains encore vivants nous avons cru devoir nous borner, par des raisons de convenance qui se comprendront facilement, à ne donner, pour la Biographie, que des indications sommaires sans aucune réflexion, et pour la Bibliographie, que des appréciations empruntées à d'autres ouvrages; car quelque sincère qu'eût été notre désir d'impartialité, il nous eût été difficile de dire toutes choses dans une juste mesure, avec fidélité et indépendance. A cet égard, on nous avait quelquefois conseillé de nous abstenir entièrement. Nous n'avons point jugé à propos de suivre cet avis; une grande partie des ouvrages économiques étant dus à la plume d'hommes. encore vivants, notre œuvre, sans les détails qui concernent ces ouvrages et ces écrivains, eût été vraiment incomplète; et nous avons pu remarquer que les courtes notices biographiques que nous avons publiées ont été accueillies avec un vif intérêt.

Le Dictionnaire que nous publions aujourd'hui était depuis longtemps en projet et nous n'en avions différé la mise à exécution que parce qu'il nous fallait trouver, pour lui en confier la direction scientifique, un écrivain pouvant, par la nature de ses occupations, s'y dévouer complétement, et capable, soit par ses connaissances, soit par son caractère, d'imprimer à l'œuvre une direction acceptée par ses savants collaborateurs. Ces conditions, nous avons eu le bonheur de les rencontrer successivement dans M. Ambroise Clément et feu Charles Coquelin. M. A. Clément, disciple de J.-B. Say, auteur d'un remarquable ouvrage sur les causes de l'indigence, un des collaborateurs les plus appréciés du Journal des Économistes, dont la personne et le caractère ont inspiré à tous nos amis la plus profonde estime, a dû quitter Paris pour aller reprendre en province une position administrative, bien au-dessous de ses talents. Il avait toutefois préparé, pour la plupart des articles, un programme qui a constamment servi, sinon de guide absolu, au moins d'utile indication pour nos collaborateurs.

Charles Coquelin avait mis au service du Dictionnaire les brillantes qualités dont la nature l'avait doué et la science profonde qu'il avait acquise : une vaste mémoire, une raison sûre, une grande facilité de travail, une connaissance complète des chefs-d'œuvre de l'Économie politique, un grand respect

pour les fondateurs de la science, une saine appréciation des théories et une remarquable connaissance de l'industrie et des faits en général.

Après sa mort, si regrettable pour la science, notre œuvre commune a pu s'achever facilement, grâce à la direction qui lui avait été imprimée dès le principe, et aidé comme nous l'avons été par les conseils et les avis de nos savants collaborateurs. Qu'il nous soit permis de citer dans ce nombre M. Horace Say, qui, par son savoir et par son zèle pour tout ce qui touche à l'Économie politique, est si digne du nom qu'il porte.

On trouvera naturel, sans doute, qu'après le succès de cet ouvrage l'éditeur revendique ici pour siens l'idée et le plan du livre qui constitue un de ses principaux titres à l'estime et à l'affection que veulent bien lui témoigner les amis de la science en général et les collaborateurs du Dictionnaire en particulier. Cette nouvelle publication est d'ailleurs le complément d'une collection de travaux dont il avait conçu le projet après avoir publié le Dictionnaire du Commerce, collection qui forme un ensemble dont toutes les parties se lient entre elles, et qui comprend le Journal des Économistes, la Collection des principaux Économistes, l'Annuaire de l'Économie politique et de la Statistique, le Dictionnaire de l'Économie politique et enfin la Bibliothèque des Économistes contemporains, vers laquelle nous allons maintenant diriger principalement nos efforts.

Paris, ce 10 septembre 1853.

GUILLAUMIN.

Afin que le lecteur puisse juger d'un seul coup d'œil l'ensemble des matières contenues dans notre Dictionnaire, nous l'avons fait suivre de la Table des principaux articles avec les noms des auteurs en regard, et d'une autre Table de toutes les biographies, donnant aussi les noms des rédacteurs.

Nous avons pensé qu'il serait agréable aux souscripteurs du Dictionnaire de posséder les portraits des Économistes les plus éminents, de ceux auxquels la science doit le plus. Nous avons tenu à ce que ces portraits, tous gravés sur acier et d'une ressemblance authentique, fussent dignes par le fini de l'exécution de ceux dont ils reproduisent les traits.

Les portraits, au nombre de huit, sont ceux de:

FR. QUESNAY, gravé par Outhwaite, d'après le beau portrait de François, célèbre graveur du dernier siècle. AD. SMITH, gravé par Bosselmann, d'après le seul portrait authentique que l'on connaisse."

MALTHUS, par madame Fournier, d'après la belle gravure anglaise de J. Linnell.

TURGOT, par L. Massard, d'après la photographie de la statue qui orne la salle des séances du palais du Luxembourg.

J.-B. SAY, par Hopwood, d'après le beau tableau peint par Decaisne et appartenant à M. Horace Say. SISMONDI, par Eug. Gervais, d'après le portrait du célèbre graveur Toschi.

ROSSI, par Eug. Gervais, d'après une photographie de

l'admirable buste de Tenerani, que possède la famille. FR. BASTIAT, par madame Fournier, d'après une épreuve au daguerréotype.

EXPLICATION DES ABRÉVIATIONS.

Les abréviations Bl. et M. C. indiquent les bibliographies de MM. Blanqui et Mac Culloch citées plus haut. – Barb. indique le Manuel de librairie de M. Barbier.

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Biogr. univ. la Biographie universelle publiée par

MM. Michaud. — Fr. litt. et Q. la France littéraire, par M. Quérard. - Quelques collaborateurs ont signé à diverses reprises avec leurs initiales: ce sont MM. Ambroise Clément, A. C.-Ath. Gros, G. A.-Charles Coquelin, Ch. C. Courcelle Seneuil, C. S. Gustave de Molinari, G. de M. Horace Say, H, S. Joseph Garnier, Jph G. --Jules de Vroil, J. V. Maurice Block, M. B. - Jacques de Valserre, J. de V.

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INTRODUCTION.

].

Dans les recherches scientifiques comme dans l'industrie, la division des travaux est l'une des conditions essentielles du progrès. Il est donc raisonnable de faire, de chacun des divers ordres de phénomènes auxquels s'appliquent ces recherches, l'objet d'une science distincte et circonscrite, autant du moins que peut le permettre la nature des faits à étudier.

On a souvent reproché à la science dont ce Dictionnaire est destiné à exposer et développer les principes, de n'avoir pas su fixer les limites de son domaine, ou de les avoir souvent franchies pour porter ses investigations sur certains ordres de faits appartenant à d'autres sciences sociales, et par exemple, à la politique, à la législation, à la morale. Mais ces reproches, bien qu'ils aient quelquefois été formulés par d'éminents esprits, et par des Économistes eux-mêmes, paraissent résulter d'idées un peu confuses sur la nature ou les rapports des phénomènes sociaux en général; car, pour peu qu'on y réfléchisse, on reconnaît bientôt que ces phénomènes sont trop étroitement liés entre eux pour que l'on puisse en diviser l'étude par des limites infranchissables, et qu'aucune des sciences sociales ne saurait être complétement exposée sans quelques explorations sur le domaine des autres.

« Il ne serait pas possible à l'Économie politique, par exemple, de nous faire voir <quelles sont les causes de l'augmentation ou de la diminution des richesses, si << elle restait étrangère au domaine de la législation, si elle n'exposait pas les effets << d'une multitude de lois, de règlements, de traités, relatifs aux monnaies, au com<< merce, aux manufactures, aux établissements de banque et aux relations commer«ciales des nations. A son tour, le savant qui s'occupe de législation ne traiterait « des lois que d'une manière très-imparfaite s'il ne montrait pas l'influence qu'elles << ont sur l'accroissement, la distribution ou la diminution des richesses... Il est « également impossible que le savant qui décrit les institutions civiles ou poli<< tiques d'un peuple, et le moraliste qui recherche les causes des vices ou des vertus « de ce peuple, ne passent pas alternativement l'un sur le territoire de l'autre '. >> Les sciences morales sont liées entre elles, non-seulement par les rapports intimes

1 Traité de législation, par Charles Comte, tome I, pages 31 et 32.

J.

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qui existent entre les divers ordres de phénomènes qu'elles ont mission de faire connaître, mais encore par un but commun que nous croyons pouvoir légitimement leur assigner, et qui n'est autre que de mettre le plus possible en lumière les véritables intérêts des sociétés. Tout ce que l'on peut établir quant à leurs caractères distinctifs, c'est que, dans la poursuite de ce but commun, chacune d'elles est appelée à s'occuper de tel ordre de phénomènes sociaux plus particulièrement que de tous les autres, sans pouvoir toutefois négliger entièrement ces derniers. Ainsi la politique et la législation ont plus particulièrement pour objet ce qui concerne l'organisation des sociétés au point de vue de la défense nationale ou de la protection des personnes et des propriétés : elles ont à rechercher et à déterminer les limites qu'il convient de poser à la liberté individuelle dans l'intérêt de la liberté de tous, les règles de la justice à appliquer aux différends qui surviennent entre les particuliers, etc.; mais elles ne sauraient nettement distinguer les intérêts des sociétés sous ces divers rapports qu'en s'appuyant sur les lumières fournies par l'Économie politique et par la morale. Ainsi encore la morale, en recherchant quelles sont les habitudes ou les principes de conduite privée et publique les plus favorables au perfectionnement de l'homme et des sociétés, ne saurait fournir à cet égard des indications sûres sans tenir compte des vérités de l'ordre économique. Ainsi enfin l'Économie politique, en concentrant plus spécialement ses investigations sur les phénomènes par lesquels se produisent, se distribuent et se consomment les richesses, ne saurait négliger l'influence qu'exercent sur les phénomènes de cet ordre les institutions politiques, la législation et les mœurs, qu'en se renfermant dans de stériles abstractions.

Cette connexité des sciences sociales empêchera toujours que l'on puisse donner de chacune d'elles en particulier une définition qui la renferme dans une circonscription exclusive et rigoureusement déterminée; car, encore une fois, on ne pourrait lui interdire toute excursion au delà des limites qu'on lui aurait assignées, qu'à la condition de la mutiler. Cela est, d'ailleurs, aussi vrai de la Législation, de la Politique ou de la Morale que de l'Économie politique. Mais, si l'on ne peut circonscrire absolument le champ d'exploration de chacune de ces sciences, il est facile de les distinguer par la spécialité de leur but, et celle de l'Économie politique a été déterminée avec une précision suffisante: elle est, ainsi que nous venons de l'indiquer, de faire connaître dans leur nature, leurs causes et leurs résultats les phénomènes de la production, de la distribution et de la consommation des richesses, en se tenant aux caractères généraux de ces phénomènes et sans entrer, par exemple, dans l'examen des procédés techniques des diverses productions; elle est encore et surtout de nous éclairer le plus possible sur les conditions sociales qui sont favorables ou nuisibles, soit à la fécondité de la production générale, soit à l'équitable répartition des produits, soit à leur emploi avantageux. Si c'est là, en effet, la tâche spéciale de l'Économie politique, et nous pensons qu'il serait difficile de le contester, on reconnaîtra qu'il serait peu utile de lui chercher d'autres définitions; elle se trouve ainsi suffisamment distinguée des autres sciences sociales, sans que le champ de ses investigations ait d'autres limites que celles au delà desquelles elle ne trouverait plus aucun secours utile pour le convenable accomplissement de sa mission. Nous croyons donc pouvoir nous abstenir de plus longs développements sur ce point, pour passer à d'autres considérations.

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