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Vrai fut que cette truandaille
Maintes gens, brigans de villaige,
Coquins et grant tas de herpaille
Qui firent le meurtre et oultraige.
Après leur accomplissement
De la mauldite occision,

Moururent trestous meschamment
En leur damp et et confusion.
Entre eulx mêmes se divisèrent
Pour le butin et la finance;

Et puis après s'entretuèrent :

Meurtre requiert toujours vengeance.

(MARTIAL D'AUVERGNE, Vigiles de Charles VII.)

Ne retrouve-t-on pas là, mot pour mot, tout ce qui s'est pratiqué quatre siècles plus tard? Ce tus de bourreaux qui tuaient gens sur carreaux, ne sont-ce pas nos égorgeurs des prisons? Ces assommeurs de pourceaulx esluz capitaines, n'est-ce pas l'ivrogne Henriot? Ceux qu'on faisait tous morts décapiter, n'est-ce pas Valazé et Bonbon dont on envoya les cadavres à l'échafaud? (Voyez le numéro du 12 vendémiaire an v, du journal des Hommes libres.) Il ne fallait que dire un mot: n'est-ce pas le régime de la loi des suspects? Et n'y a-t-il pas une identité parfaite entre la fin misérable de cette truandaille, et celle de nos plus forcenés anarchistes?

LES FURIES DE GUILLOTINE.

« Ce serait, dit M. Réal dans son Journal de l'opposition (n° 4, page 18), une histoire bien piquante, que celle de ces infatigables tricoteuses qui, depuis le 6 octobre, ont pris tant de part à la révolution. » En parcourant les degrés qui se pressent dans l'échelle si vaste de la dégénération humaine, l'œil ne mesure pas sans effroi l'incommensurable distance qui sépare des femmes semblables d'un autre ordre de femmes, telles que, Charlotte Corday, Lucile Desmoulins, ou madame Rolland ! Il n'y a pas si loin des abîmes de l'enfer aux demeures célestes. Qui dirait ce qu'il a fallu

franchir de scrupules, braver de remords, et fouler aux pieds de pudeur native, pour arriver à cet excès de dépravation et d'horreur? Des femmes vouées, corps et âme, à l'instrument de supplice, en doubler l'atrocité par leurs démoniaques vociférations; lancer de sinistres sarcasmes au sang qui va jaillir, et de sardoniques éclats de rire à la vie qui va cesser; se cramponner à la planche fatale, pour mieux savourer la livide pâleur, le mystérieux frisson et l'agonie du mourant; gourmander le lâche exécuteur, dont elles prendraient la place avec délices; trépigner de joie au moment du sanglant holocauste; haleter d'impatience après la victime, qui va, dans leur affreux langage, faire le saut de carpe, ou éternuer dans le sac; et danser de hideuses carmagnoles en réjouissance, au pied même de l'échafaud!

Le coin de cruauté que recèle trop souvent l'âme humaine s'est débordé chez elles, pour envahir, comme dans des flots d'un poison dévorant, l'intelligence entière. Ces femmes ont été jeunes filles, peut-être belles, susceptibles d'amour; mais tout cela a été brutalement refoulé au flétrissant contact du monde. Le cœur s'est par gradation endurci, desséché, bronzé; il a aspiré jusqu'à l'ivresse la dérision amère, la sauvage et poignante ironie, le mépris de toutes choses, et surtout de ce qui ressemble à des affections humaines. Cet état de rage,

qu'enfante le sentiment de l'opprobre, y a succédé, et a crié vengeance! Un orage de menaces, de malédictions et de révoltes, s'est amoncelé, toujours prêt à crever sur ce qui est bon et honnête, à vomir l'outrage sur la vertu, à bafouer la pudeur, et à poursuivre l'innocence de hurlemens et de boue; femmes antipathiques au monde, parce qu'il est perdu pour elles, et déjà faites par anticipation aux habitudes de l'enfer!

Dans un recueil de poésies d'une énergie un peu cynique, intitulé la République, ou le Livre de sang, voici l'image qu'on trace d'elles, sous la forme allégorique, et par allusion sans doute à la fontainestatue, aux mamelles jaillissantes, qu'on voyait sur la place de la Bastille. (Voyez le Père Duchêne, no 280, page 6.)

De ces effrayante femelles
Les intarissables mamelles,
Comme de publiques gamelles,
Offrent à boire à tout passant;
Et la liqueur qui toujours coule,
Et dont l'abominable foule

Avec avidité se saoule,

Ce n'est pas du lait, mais du sang.

L'idée de faire intervenir les femmes à travers le soulèvement populaire et le tourbillon démagogique, vint d'une tête d'où partaient ordinairement des traits de lumière et des combinaisons de haute

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