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remplissait encore au théâtre celui de la Gloire. Mais elle eut l'occasion de connaître combien le premier est moins dangereux que l'autre ; car un jour que, dans celui-ci, elle s'était élevée, plus brillante que jamais, au milieu des nuages qu'elle éclairait de ses auréoles, elle fit une chute et se cassa le bras. On ouvrit une souscription en sa faveur, et l'Opéra lui fit une pension.

NOTE.

L'abjuration du culte est une des parties les plus curieuses de l'histoire dont nous nous occupons; c'est une saturnale au milieu des temples chrétiens. Comme les détails ne se trouvent reproduits nulle part, et que la mémoire commence bientôt à s'en perdre, nous en rapporterons ici quelques-uns.

Le 19 brumaire 1793, au conseil général de la commune, plusieurs ci-devant prêtres et moines déposent leurs brevets sacerdotaux. Dans le nombre, on remarque Vandesteen, Belge, qui renonce à sa qualité de prêtre et demande au conseil le baptême civique, et Cournand, professeur au collège de France, qui est le premier prêtre qui se soit marié. —Le conseil charge DoratCubière, secrétaire greffier, et Charles Villète, interprète de la commune, de convertir le pape et les cardinaux. Ils traduiront,à cet effet, en italien, tous les procès-verbaux qui constatent l'abjuration des prêtres et leur déprêtrisation, afin d'envoyer ces actes à sa sainteté et à leurs éminences.

La section de la maison commune vient en masse annoncer

qu'elle ne reconnaît d'autre culte que celui de la Liberté et de la Raison.

Un membre de la société populaire de la section de BonneNouvelle informe le conseil que cette section est dans l'intention de faire enlever les images, les saints, les confessionaux, etc., qui sont dans l'église de son arrondissement, et que les ci-devant saints seront remplacés par les bustes de Marat, Lepelletier, Challier, etc. Le conseil applaudit à ce triomphe de la philosophie, et, sur la motion d'un membre, autorise le comité révolutionnaire de chaque section qui fera de semblables déclaration, à s'emparer de tout l'actif et mobilier qui se trouvera dans chaque église, et qui n'a pas été porté à la monnaie, ou mis à la disposition de la république...

« L'un des événemens les plus remarquables de notre révolution, écrivait-on dans les journaux, et qui fera sans doute l'étonnement de la postérité, c'est l'explosion subite de l'esprit philosophique. Dégagé des liens qui le tenaient comprimé, il s'élève d'un vol hardi, dissipe en un clin-d'œil les ténèbres épaisses qui depuis tant de siècles nous dérobaient la vérité, et balaie devant lui la superstition et l'erreur, comme le vent du nord chasse la poussière..... Déjà nous avons vu l'évêque de Paris et son clergé venir déclarer dans le sein de la convention qu'ils ne veulent plus faire le métier de charlatans. Plusieurs prêtres avaient déjà fait le même aveu. L'abbé Syeyès, sur les traces de ses collègues, vient aussi de renoncer à la prêtrise, et de déposer sur l'autel de la patrie une pension de 10,000 francs dont il jouissait pour plusieurs bénéfices. »

« Appelons les prêtres, dit Léonard Bourdon, à la tribune des Jacobins, et sommons-les de déclarer s'ils sont des imbéciles ou des fripons. Ils sont des fripons s'ils nous enseignent des choses qu'ils ne croient pas ; ils sont des imbéciles s'ils nous enseignent des choses évidemment contraires au sens commun. »

Dans le département de la Charente-Inférieure, huit prêtres assermentés, attachés de cœur et d'affection à toutes les lois de la république, reconnaissant l'évidence des vérités philosophiques qui ont donné naissance à ce régime destructeur de toutes les tyrannies, et voulant donner une preuve non équivoque de leur patriotisme, de leur amour pour la liberté et l'égalité, et du désir dont ils sont ardemment animés de concourir d'une manière franche et ferme au bonheur de tous les hommes, de quelque nation qu'ils puissent être, promirent et firent en chaire, en présence du peuple et dans le temple de la vérité, autrefois l'église paroissiale de la ville, le serment de n'être désormais que des prédicateurs de morale, de n'enseigner d'autres maximes que celles de la droite raison, de ne développer d'autres principes que ceux de la saine philosophie, et de n'apprendre à tous les hommes, de quelque pays qu'ils puissent être, qu'à s'entre-aimer, à s'entre-secourir, et à défendre leur liberté contre les tyrans politiques et religieux de toute espèce.

En conséquence, les représentans du peuple, Lequinio et Laignelot, considérant que la section Française, toujours géné reuse et juste, ne peut refuser leur subsistance à des citoyens qui, d'abord égarés par les circonstances et les vices de l'ancien régime, et ayant appris une profession qui ne reposait que sur l'ignorance du peuple et le besoin de soutenir le despotisme du trône, en trompant les hommes faibles et sans lumières, se trouvent maintenant hors d'état de se créer un nouveau moyen d'existence; désirant d'ailleurs récompenser les citoyens vertueux qui, les premiers, ont secoué le joug de la superstition et de la domination papale; arrêtèrent qu'ils jouiraient leur vie durant d'une pension de 1,200 francs.

Le 22 brumaire, au conseil général de la commune, les membres du comité révolutionnaire de la section se présentent, la tête couverte d'une mitre, le corps affublé d'une cha

suble, portant dans leurs mains des calices, des ciboires, des saints-sacremens, des crosses d'évêques, des croix, des bannières, etc.

Hébert informe le conseil que la section de l'Arsenal lui a envoyé des reliques avec leurs étiquettes ; ce sont des muscades faites avec de la poix résine, un morceau de la robe de la Vierge, un bout de la verge de Moïse, une phalange du doigt de saint Jacques, etc.

La section des Champs-Élysées déclare qu'elle a renoncé, à l'unanimité au culte catholique.

Plusieurs ci-devant prêtres déposent leurs brevets de prêtrise, en avouant qu'ils n'ont été que les organes de l'imposture, des arlequins, des pierrots, qui endormaient les hommes pour vivre à leurs dépens; ils protestent qu'ils ne veulent plus d'autre religion que celle de la nature, et d'autre évangile que celui de la raison.

La société populaire de la section du Museum entre en criant: Vive la raison ! et, portant au bout d'un bâton les restes d'un livre encore fumant, elle annonce que les Bréviaires, les Missels, les Heures, les Oraisons de sainte Brigitte, l'Ancien et le Nouveau Testament, etc., ont expié dans un grand feu sur la place du temple de la Raison les sottises qu'ils ont fait commettre à l'espèce humaine.

Hébert ajoute que la section de Bonne-Nouvelle a fait abattre son clocher; il propose, en conséquence, qu'on fasse abattre tous les clochers de Paris, parce qu'ils semblent contrarier les principes de l'égalité. Le conseil adopte le principe, et renvoie cet arrêté au département.

Une nombreuse députation des habitans de Franciade (cidevant Saint-Denis), escortée du maire, prêtre nouvellement marié, apporte à la convention, vers la fin du même mois, les images des saints et des rois qui étaient dans son église, et qui

fit

sont tous en argent ou en vermeil. « Un miracle, dit l'orateur, voyager la tête du saint que nous vous apportons de Montmartre à Saint-Denis; un autre miracle plus grand, plus authentique, le miracle de la révolution, le miracle de la régénération des opinions, vous ramène cette tête à Paris. Le saint, dit la légende, baisait respectueusement sa tête à chaque pause. Nous n'avons pas été tentés d'en faire autant. L'or et l'argent qui accompagnent ce crâne vont contribuer à affermir l'empire de la raison et de la liberté. Les trésors amassés depuis plusieurs siècles par l'orgueil des rois, la stupidité et la crédulité des dévots trompés, et par le charlatanisme des prêtres trompeurs, semblent avoir été réservés par la Providence pour cette glo rieuse époque... A vous, jadis l'instrument du fanatisme, saintes, saints bienheureux de toute espèce ! montrez-vous enfin patriotes! levez-vous en masse, marchez au secours de la patrie, partez pour la Monnaie; et puissions-nous, par votre secours, obtenir dans cette vie le bonheur que vous nous promettiez pour une autre ! »

« Le fanatisme, est-il dit dans le rapport d'une autre séance de la convention, abandonne les lieux où son empire paraissait le mieux affermi. Le département du Gers vient d'abjurer le catholicisme. Deux séances de la société populaire d'Auch ont suffi pour dessiller les yeux du peuple. Les prêtres ont reconnu et avoué publiquement qu'ils n'ont été jusqu'à ce jour que des bateleurs et des charlatans. Le département de l'Ain va suivre son exemple : déjà son évêque a renoncé à son métier. A Strasbourg, un ci-devant vicaire de l'évêque a renoncé à son traitement de 1,200 francs; et il s'est associé une femme vertueuse, qui, pour la première fois, lui a fait trouver le bonheur. Enfin il n'est presque pas une partie de la république où les ministres des autels n'abjurent leurs erreurs. »>

Le 25 brumaire, la section de l'Homme armé déclare à Paris

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