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qu'elle ne reconnaît d'autre culte que celui de la vérité et de la raison, d'autre fanatisme que celui de la liberté et de l'égalité, d'autre dogme que celui de la fraternité et des lois républicaines décrétées depuis le 31 mai 1793.

Celle de la Réunion annonce qu'elle fera un feu de joie de tous les confessionaux, de tous les livres qui servaient au culte catholique, et qu'elle fera fermer l'église de Saint-Merry. Celle de Guillaume Tell renonce pour toujours au culte de l'erreur et du

mensonge.

Celle de Mutius Scévola abjure le culte romain.

Celle des Piques n'adorera que le Dieu de l'égalité et de la liberté. Celle de l'Arsenal abdique aussi le culte papiste.

Plusieurs ci-devant prêtres déposent les patentes qui les autorisaient à empoisonner l'esprit public.

Offrandes d'effets d'or et d'argent dont le fanatisme et l'ignorance ont été dépouillés dans un grand nombre de communes.

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« Paris, enfin, pour la première fois depuis une longue succession de siècles, n'a point eu de messe le dimanche, et ses habitans en général s'en sont très-gaiement passés. » (28 brumaire; journaux du temps.)

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Quel spectacle enchanteur offre aux yeux des patriotes cette immense cité, s'écrie un écrivain de l'époque, depuis que le glaive de la loi frappe la tête des traîtres, des conspirateurs, et qu'on a séquestré de la société les citoyens sur qui planait la suspicion? avec eux ont disparu la crainte, les agitations, les alarmes, et nous jouissons du calme le plus profond! »

« La liberté, dégagée des entraves qui arrêtaient sa marche, lève son front majestueux, et enfante chaque jour de nouveaux prodiges. Le plus admirable, sans doute, c'est la victoire de cette divinité chérie sur le fanatisme, monstre hideux dont le flambeau, pris sur les autels, aveuglait les Français, loin de les

éclairer; les yeux ouverts, enfin, ils rient maintenant de leurs vieilles erreurs, et foulent aux pieds ce qu'ils ont adoré.» ( Gazette Française, 2o année, page 1581.)

Enfin, au mois de novembre 1793, la convention rendit une déclaration portant qu'il n'y avait pas de Dieu. Telle est l'a; nalyse des circonstances qui ont accompagné cette ère de délire et d'impiété.

CATHERINE THÉOT.

Catherine Théot fut comme le dernier souffle et l'expression agonisante de cette merveilleuse secte d'illuminés dont la superstition et les extravagantes croyances survécurent à l'incrédulité railleuse du milieu du dix-huitième siècle et exterminatrice de sa fin.

A l'invasion intellectuelle de la philosophie succéda la réaction des théosophes et des visionnaires, qui, parce que la première, avec la clarté du raisonnement, avait jeté le doute sur les doctrines qui semblaient le plus fortement et le mieux établies, voulut, elle, donner une créance aveugle aux plus

bizarres fantaisies, et prit pour articles de foi les imaginations les plus folles et les lubies les plus déréglées. Le bon sens devint nul, la science chimérique, l'expérience inutile; on aimait mieux le surnaturel, l'absurde, le fantasque, et l'impossible, que le simple, le raisonnable et le vrai. Les merveilles des sciences occultes, les mystérieuses rêveries d'une nouvelle église, l'alchimie de l'âme, le désir insatiable de pénétrer les choses cachées, qui sait, peut-être l'avenir lui-même? voilà ce qui fanatisait les têtes. Les miracles de Cagliostro, le somnambulisme de Barbarin, toutes les extravagances des confréries dogmatisantes trouvaient des adeptes parmi les gens les plus éclairés; d'Espreménil lui-même, cet énergique orateur, cet intrépide champion de la liberté des parlemens, se montra l'un des plus fervens; chaque loge d'illuminés avait son hierophante, ses initiés, ses missionnaires et ses apôtres.

Qui croirait qu'un siècle en possession des plus imposantes vérités qui aient été révélées au genre humain, un siècle que le génie des Kepler, des Newton et de tant de savans illustres, avait porté à l'apogée de l'intelligence humaine, se soit ravalé au point de se rendre le jouet des misérables fantasmagories enfantées par les vapeurs sorties du cerveau en délire de quelques thaumaturges, ait consenti à s'agenouiller devant les tréteaux des jongleries

religieuses ou cabalistiques, et à troquer le flambeau brillant et majestueux de la philosophie pour les ténèbres de l'illuminisme? qui croirait qu'il ait pu encore se trouver des esprits assez faibles pour se prêter aux épreuves de l'initiation, et pour se laisser prendre à leur grossier charlatanisme (1)?

(1) Rien d'horrible et de barbare comme ce qui s'y passait? Le récipiendaire était conduit, à travers un sentier ténébreux, dans une salle immense, dont la voûte, le parquet et les murs étaient couverts d'un drap noir parsemé de flammes rouges et de couleuvres menaçantes. Trois lampes sépulcrales jetaient de temps en temps des lueurs mourantes, et laissaient à peine distinguer, dans cette lugubre enceinte, les débris des morts soutenus par des crêpes funèbres. Un monceau de squelettes formait dans le milieu un espèce d'autel, au pied duquel étaient placés des livres ouverts, dont les uns renfermaient des menaces contre les parjures, les autres l'histoire funeste des vengeances de l'esprit invisible, d'autres la formule des invocations infernales. Des fantômes apparaissaient, traînant des voiles mortuaires, et bientôt s'abîmaient dans les souterrains, sans laisser de trace après eux qu'une vapeur fétide. Ensuite deux hommes qu'on aurait pris pour les ministres de la mort, ceignaient le front pâle du catéchumène d'un ruban chargé de caractères argentés, entremêlés de la figure de Notre-Dame de Lorette. On le dépouillait de ses habits, qu'on déposait sur un bûcher. Un esprit vêtu de blanc traçait sur son corps nu des croix de sang. Cinq fantômes armés d'un glaive, et le visage voilé, s'approchaient de lui, s'agenouillaient, et restaient en prières pendant une heure, les mains en croix sur la poitrine et la face contre terre. Alors des cris plaintifs se faisaient entendre; le bûcher s'allumait, les vête

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