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ment et sont plus particulièrement du ressort de

la logique.

Les dernières enfin tiennent aux convenances et n'en sont pas moins importantes.

I. Qualités qui tiennent à la diction.

La correction et la pureté du style sont trop essentielles pour qu'il soit permis de jouer un rôle diplomatique avant d'avoir acquis ces premières bases du talent de s'énoncer. Les fautes contre la langue dans des actes destinés à une publicité plus ou moins étendue, jettent du ridicule sur le rédacteur, affaiblissent la considération dont il doit jouir, et nuisent par-là indirectement à sa cause. Ces fautes d'ailleurs peuvent faire naître des équivoques et des méprises toujours conséquentes en matière de politique.

D'un autre côté il n'y aurait pas moins de ridicule à voir un homme en place affecter d'écrire en grammairien et en puriste, vétiller sur les mots et oublier dans la gêne des règles grammaticales l'importance des choses qu'il doit dire. Mais on a droit d'exiger de lui qu'il s'énonce comme un homme bien élevé, dont le jugement et le goût se sont épurés dans les cercles d'un monde choisi et dans la lecture des bons écrivains. On ne lui pardonnerait pas des solécismes, des constructions vicieuses, des locutions

étrangères, des termes et des tours qui ont vieilli, ni l'affectation du néologisme.

S'il est vrai que la clarté du style doive être en raison de l'importance d'un ouvrage, aucun n'exige plus impérieusement ce mérite que les écrits qui ont pour objet les grands intérêts d'une nation. Quoique une opinion trop commune semble admettre que la politique est une science où tout est mystérieux, il n'en est pas moins vrai que les pièces officielles doivent être rédigées avec clarté et netteté; que l'obscurité, les sens louches, les équivoques sont très-dangereux. En diplomatie ce n'est pas assez d'être compris, il faut ôter à la mauvaise foi tout moyen de se prévaloir d'un sens, d'un mot équivoque, et de l'interpréter au gré de ses intérêts. On doit même étendre jusqu'à la ponctuation cette recherche scrupuleuse de clarté, puisqu'on a vu plus d'une fois le sens d'un article important dépendre de la place d'une virgule, et des contestations très-sérieuses naître d'une circonstance en apparence aussi puérile.

L'obscurité résulte ou de la pensée elle-même, ou de l'expression de cette pensée, ou enfin du défaut d'ordre dans la disposition de tout le dis

cours.

A l'égard de la première cause d'obscurité, on observera qu'il est impossible d'être clair, si l'on ne se comprend pas bien soi-même. Le premier

travail doit donc être de réfléchir long-temps sur son objet dès qu'il présente quelque difficulté, de le considérer sous toutes ses faces, d'en bien démêler les parties jusqu'à ce qu'on en ait de soimême une idée nette et distincte.

Cette clarté dont notre esprit est pénétré, se communiquera d'elle-même à l'expression de la pensée, soit dans le choix des termes, soit dans la construction des sentences. Les termes doivent être toujours purs, propres et précis.

Les termes qui manquent de pureté sont souvent inintelligibles; les termes impropres nous écartent de l'idée, et même lui en substituent une autre; ceux qui manquent de précision la dénaturent en y associant des accessoires, en l'affaiblissant ou l'exagérant.

Quant à la nature des sentences, il convient d'observer que le style coupé convient généralement mieux aux discussions diplomatiques, parce qu'il est plus rapide, plus serré et plus concis, et que les idées particulières s'y détachent mieux les unes des autres. Cependant le style périodique ne doit pas être évité avec trop d'affectation, mais il importe de ne pas s'embarrasser de sentences trop longues, ou surchargées d'objets accessoires. L'idée principale doit se distinguer aisément des idées subordonnées. La même justesse de rapport qui règne entre les mots d'une phrase partielle

doit se retrouver entre les divers membres d'une période complète. L'unité y sera constamment observée; enfin le sens sera achevé de manière à ne rien laisser désirer à l'esprit.

Nous avons dit enfin que le défaut d'ordre et de méthode dans la totalité d'un écrit était une des causes les plus fréquentes d'obscurité. Comme cet objet appartient plus particulièrement aux qualités logiques du discours, nous nous bornerons à observer ici que l'esprit est harcelé et l'attention fatiguée par cette dislocation d'idées attachées et placées comme au hasard, au lieu de se réunir en groupes pour former des idées principales. Un ouvrage ainsi conçu est un vrai labyrinthe, où l'esprit perd le fil qui devait le conduire.

La clarté tient donc essentiellement à la correction et à la pureté, nouveau motif d'étudier la langue dont on se sert.

L'affectation, le précieux, la grace et l'élégance recherchée ne peuvent convenir dans des affaires aussi graves que celles qui occupent la politique: il lui faut le langage de la simplicité et de la raison. Un auteur veut que les lettres entre souverains brillent par l'esprit; il semble que ce serait un esprit assez mal employé. Le style des lettres peut être vif, et même animé d'un sentiment qui va jusqu'au pathétique; mais il doit plus appro

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cher du ton d'une conversation polie et aisée, que du style étudié d'une harangue. Dans les mémoires et surtout dans les actes, la simplicité et la clarté doivent dominer. Ce sont des pièces juridiques dans lesquelles il faut plus d'attention à l'exactitude et aux formalités qu'à l'élégance et au brillant. Au reste cette simplicité doit être plus ou moins dominante suivant l'espèce des écrits, la nature de leur contenu et la diversité du cérémonial.

Mais si l'on évite l'affectation et la recherche, ce n'est point pour descendre au ton bas et familier. Les trivialités, les expressions proverbiales et populaires, les plaisanteries doivent être bannies d'un style qui demande un caractère de dignité sans enflure, de noblesse sans hauteur, de gravité sans pédanterie. Puisqu'on parle au nom d'un souverain à un autre souverain, toutes les expressions doivent être décentes et mesurées. On évitera avec plus de soin encore les invectives, les injures, les reproches offensans, les imputations calomnieuses: c'est outrager les mœurs et les bienséances, et manquer au respect qu'on se doit à soi-même; c'est exciter impolitiquement les haines et les vengeances; c'est enfin se mettre dans la pénible alternative ou de désavouer un langage qu'on a autorisé, ou de se rétracter par une réparation solennelle, ou de montrer de l'in

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