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d'un rang inférieur écrivent aux supérieurs en termes qui marquent du respect, mais aucune soumission, et que les supérieurs à leur tour, en écrivant aux inférieurs, peuvent prendre un ton convenable à leur rang, mais en même temps compatible avec la souveraineté des autres.

Les souverains d'un rang égal s'écrivent en termes conformes à leurs dignités et à leur parfaite égalité. Ceux d'amitié, d'affection, d'estime, de bonne intelligence, d'harmonie, etc., sont les plus convenables à cette égalité. Ils emploient aussi les expressions de Frères et de Sœurs, titres dont ils se qualifient réciproquement, comme marquant une égalité fondée sur la nature même. Quelque différence à l'égard du sang ou de la préséance n'empêche pas entre souverains d'user de ce terme d'amitié.

Ceux de haute estime, de respect, de vénération, marquent une infériorité de la part de celui qui les emploie, sans impliquer reconnaissance d'un état de soumission.

Enfin, pour tenir un langage conforme à la supériorité de sa puissance, sans faire tort à la souveraineté des autres, on peut user des termes de bienveillance, de bonne intention, de confiance, etc., joints à ceux d'affection et d'estime, qui sont le style ordinaire des cours envers les républiques.

Dans tous les écrits politiques il faut éviter tous les autres termes qui ne sont pas compatibles avec l'égalité et l'indépendance des souverains. Ainsi, dans les représentations, les expressions qui semblent imposer aux autres souverains une obligation indispensable, seraient déplacées. Celles de prières, de souhaits, de désirs, de confiance, etc. sont les plus convenables. Dans les plaintes et les remontrances il faut éviter tout ce qui a l'air de la menace et du reproche.

On peut enfin, sans blesser sa dignité, parler de sa propre reconnaissance, mais on ne saurait sans blesser la dignité des autres, l'exiger d'eux, ou leur reprocher d'y avoir manqué.

SECONDE PARTIE.

DES DIVERS ÉCRITS POLITIQUES.

SEECION PREMIÈRE.

DES LETTRES.

CONFORMÉMENT au plan annoncé dans l'intro duction, nous traiterons ici des quatre espèces principales de ces écrits; savoir, des lettres, des mémoires, des actes publics et des discours, en excluant toutefois ce qui, sous ces rubriques, aurait rapport aux fonctions des personnes diplomatiques, et que nous renvoyons à la troisième partie de notre essai.

CHAPITRE PREMIER.

Des Lettres entre les Souverains.

Il est rare que les souverains correspondent directement entre eux sur les affaires politiques. Ils le font, ou dans des cas particuliers, ou pour appuyer les représentations de leurs ministres. Dans ces sortes de lettres les affaires sont traitées en termes fort généraux, et on finit ordinairement

en s'en remettant à ce que le ministre pourra dire plus amplement sur ce sujet.

Ces écrits sont trop importans pour admettre aucune idée ou même aucune expression superflue. On ne doit y faire entrer que ce qui appartient au sujet, et ce qui sert à le présenter avec plus de clarté et de force. La concision, la gravité, une simplicité noble, sont les qualités de style les plus convenables à la dignité des souve

rains.

Ces lettres, comme toutes les autres, contiennent cinq parties toutes soumises à certaines formes du cérémonial:

1° L'inscription, dans laquelle on apostrophe au vocatif, et quelquefois avec un salut, ceux auxquels on écrit.

2o Le texte, ou le corps de la lettre.

3° La conclusion, qui exprime ordinairement des voeux ou l'expression de quelques sentimens.

4° La souscription, ou formule, qui précède et accompagne la signature, et qui renferme encore quelques expressions de courtoisie.

5° La suscription, ou adresse.

On distingue trois espèces de lettres suivant l'emploi du cérémonial dans ces diverses parties, dont nous venons de parler.

1o Les lettres de conseil ou de chancellerie, où le cérémonial s'observe dans toute sa rigueur, soit

à l'égard de celui qui écrit, et où ce dernier parle de lui à la première personne du pluriel.

2o Les lettres de cabinet ou de la main, dans lesquelles on parle de soi à la première personne du singulier, et où l'on observe un cérémonial moins rigoureux, mais cependant convenable à la dignité des personnages.

3° Les lettres en billet, qui, délivrées des chaînes du cérémonial, ne sont pas même assujéties aux formalités des lettres ordinaires.

Les lettres écrites de la propre main des souverains ne forment point une espèce particulière. L'usage n'a point fixé les cas où l'on doit écrire des lettres de chancellerie ou de cabinet. On voit ces deux formes également employées pour traiter d'affaires importantes et pour des complimens.

En général il est admis que les têtes couronnées et d'autres princes d'un rang très élevé s'adressent réciproquement des lettres de chancellerie et de cabinet. Les états d'un rang trèsinférieur au roi, tels que les simples ducs, les républiques, etc., ne peuvent leur adresser que des lettres de chancellerie. D'un autre côté, on regarde comme une preuve d'égard, qu'un souverain du premier rang adresse à un prince d'un rang inférieur ou à une république des lettres de cabinet. Entre souverains égaux l'usage de ces dernières est envisagé comme un procédé d'ami

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