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ARCHÉOLOGIE.

LA TOMBELLE DE KERCADO.*

Pour finir comme nous avons commencé, par des découvertes archéologiques, nous allons reproduire une note dernièrement publiée par le Moniteur, sur l'ouverture de la tombelle de Kercado, à Carnac.

« Des fouilles habilement dirigées amenaient l'année dernière la découverte de curieuses tombelles, près du monticule sur lequel s'élève la petite église de Saint-Michel. Aux monuments celtiques en si grand nombre dans le champ de Carnac et dans les grottes de Locmariaker venaient dès lors s'ajouter ces monuments nouveaux qui, pour être moins importants que les premiers, n'en présentaient pas moins un réel intérêt. Continués cette année, les travaux n'ont pas eu un résultat moins satisfaisant. Un des plus beaux dolmens appartenant à ce vaste système monumental de Carnac vient d'être récemment mis à jour.

>> La tombelle de Kercado, composée uniquement de pierres sèches agglomérées, forme un conoïde de 3 m. 50 de hauteur dont la base, très-régulièrement circulaire, mesure 25 mètres de rayon. La crypte sépulcrale que cette tombelle recouvre, pénétrant d'un mètre environ dans le sol granitique qui la supporte, se compose d'une chambre à peu près carrée de 3 mètres de côté, haute de 2 m. 50,

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située vers le milieu du tumulus et précédée d'une galerie longue de 10 mètres dirigée vers le sud-est. Chaque face verticale de la chambre présente deux supports formés chacun d'une grande pierre debout, ceux de la face orientale laissant entre eux une entrée large de 80 centimètres pour accéder à la galerie.

» Mais les antiques constructeurs de ce monument étrange semblent avoir voulu accumuler ici les problèmes d'équilibre, et le terme de support qui vient d'être employé est parfaitement impropre, car ces pierres, verticalement dressées, ne supportent pas immédiatement l'énorme table rocheuse qui forme le plafond du dolmen; elles en sont séparées par une hauteur de près de 50 centimètres de pierres sèches très-petites, et, chose singulière, l'œil suit presque partout, en dedans de cette muraille fragile, l'arête inférieure de la voûte monolithe qu'elle supporte, et qui semble ainsi miraculeusement suspendue. C'est que, sans doute, les faces latérales de celle-ci, s'évasant comme celles du bouchon qui ferme un vase à goulot conique, s'enfoncent dans la masse du tumulus, en y pénétrant assez pour s'y solidement établir.

» On a trouvé dans cette crypte, dont l'âge paraît remonter aux temps primordiaux : 1° Une assez grande quantité d'ossements humains et de charbon de bois. 2o Beaucoup de débris de poteries. 3o Une masse de matière blanchâtre, rencontrée, au milieu des ossements, enveloppée de pierres, et qui sera soumise à l'analyse chimique. 4o Trois grossières pendeloques plates en schiste micacé et une rondelle discoïde de même matière et, comme elles, percée d'un trou. 5o Des morceaux de silex, quelques-uns tranchants, d'autres pointus en fer de flèche. 6o Un grain de collier en serpentine, de forme rectangulaire, et sept autres grains en jaspe, dont l'un, très-beau, n'a pas moins de 2 centimètres de diamètre. 7° Un celtæ en grès de 7 centimètres et un très-petit celta en jade, qui ne mesure que 34 millimètres. Ce dernier, véritable bijou pour la délicatesse des formes et le poli des surfaces, est excessivement remarquable, et nous le croyons unique parmi les objets de cette nature découverts jusqu'à présent....

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CHRONIQUE.

SOMMAIRE. Un chroniqueur funèbre.
Philosophie et poésie du jour des morts.
l'homme et le Breton. Député et Ministre.
Le général Bedeau M. de Kerhoënt.

-

L'orateur,

Le cantique des trépassés. M. Billault. Honneurs funèbres. Un gentilhomme breton commensal de M. Alexandre Dumas. Au lecteur. Une photographie anti-renaniste.

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Lecteurs et lectrices de la Revue de Bretagne et de Vendée, laissez-moi vous redire un chant funèbre que de pauvres chanteurs de village sont veņus murmurer sous mes fenêtres, pendant la nuit de la Toussaint:

«Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, bonne santé, gens du logis; bonne santé nous vous souhaitons, mettez-vous tous en prières. » Quand la mort frappe à la porte, quand à minuit elle demande à entrer, tous les cœurs tremblent: qui la mort doit-elle emporter?

» Mais vous, ne soyez pas surpris, si nous sommes ainsi à votre porte, c'est Jésus qui nous envoie pour vous éveiller si vous dormez;

» Vous éveiller, gens de cette maison, vous éveiller, grands et petits; s'il est encore, hélas! de la pitié dans ce monde, au nom de Dieu! secou

rez-nous.

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Frères, parents, amis, au nom de Dieu! écoutez-nous! au nom de Dieu! priez! priez ! car les enfants, eux, ne prient pas.

» Ceux que nous avons nourris, nous ont depuis longtemps oubliés; ceux que nous avons aimés, nous ont sans pitié délaissés.

» Mon fils, ma fille, vous êtes couchés sur des lits de plume bien doux, et moi, votre père, et moi, votre mère, dans les flammes du purgatoire. Vous reposez là mollement, les pauvres âmes sont bien mal, les pauvres âmes veillent dans les souffrances.

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» Un drap blanc et cinq planches, un sac de paille sous la tête et cinq pieds de terre par dessus, voilà les seuls biens de ce monde qu'on emporte au tombeau.

» Nous sommes dans le feu et l'angoisse; feu sur nos têtes, feu sous nos pieds; feu en haut, feu en bas; priez pour les âmes!

» Au nom de Dieu! secourez-nous! Priez la Vierge bénie de répandre une goutte de son lait, de son lait sur les pauvres âmes.

>> Sortez vite de votre lit, jetez-vous sur vos deux genoux, à moins vous ne soyez malades ou appelés déjà par la mort 1.

que

Ainsi chantaient, en breton, les pauvres de ma paroisse implorant, au nom des âmes du purgatoire, la commisération des vivants.

1 Chants populaires de la Bretagne, T. 11, p. 451.

-

- Et je ne

saurais peindre l'effet de ces accents funèbres se mêlant aux rafales de la bise de novembre.

Bercée dans un demi-sommeil par ces chants de mort exprimés sur une plaintive mélopée, l'àme éprouve un charme étrange, ineffable, une impression qui semble la transporter dans un autre monde, dans la sphère invisible des esprits.

Elle croit entendre les plaintes et les actions de grâce des trépassés. Elle voit défiler le pâle cortége des ancêtres et des vieux souvenirs et s'envoler l'essaim des pieuses légendes du foyer.

Le contraste est grand au moment du réveil et l'on se frotte les yeux, tout surpris de se retrouver dans le siècle de M. Havet et de M. Renan.

pour

On a beaucoup discuté depuis peu contre ces deux coryphées de l'incrédulité, on a fait couler des flots d'encre et des fleuves d'érudition leur prouver que notre chétive humanité n'est pas le dernier mot, l'alpha et l'oméga de l'univers et de la création, pour leur démontrer l'autre vie, le surnaturel, l'immortalité de l'âme, Dieu.

Peut-être eût-il été plus simple de leur adresser mes rustiques chanteurs avec leur cantique funèbre, ou de les conduire au bord d'une tombe, en face de cet inévitable et terrible écueil sur lequel vient, un peu plus tôt ou un peu plus tard, se briser toute science orgueilleuse.

Un des rares apologistes de M. Renan, M. Schérer, a été lui-même forcé de convenir que la théologie retrouve bien vite tous ses avantages quand elle se place derrière ce formidable et abrupt retranchement de la mort. M. Sainte-Beuve, de son côté, en commentant le mot de La Rochefoucauld: Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement, n'a pu s'empêcher d'ajouter: » La mort! on s'accommode encore de la regarder de profil; le difficile est de l'envisager en face. »

Il faut bien pourtant en arriver lå. Peut-être même est-il bon, est-il nécessaire de contempler souvent ton horrible image, ô vieille et impitoyable camarde, de s'accoutumer longtemps à ton regard pour arriver un jour à soutenir courageusement tes approches!

Voilà pourquoi l'Église, dans sa maternelle sollicitude, a établi cette fête des morts, ce jour de l'an des trépassés qui vient chaque année rappeler à tous la pensée de l'heure suprême.

Pour moi, je l'avoue, j'aime ce consolant anniversaire qui me paraît renfermer, plus que tout autre, de grandes leçons et d'incomparables harmonies; j'aime cette religion des morts qui prouve au moins que les tombeaux fermés du côté de la terre peuvent s'ouvrir du côté du ciel. J'aime ces promenades silencieuses dans les jardins funèbres où les ancêtres dorment, à l'ombre de la Croix, sous l'éternelle verdure des cyprès; et ces chants sacrés murmurés par les prêtres voilés de deuil sur un mode plaintif et sombre, pendant que la voix des cloches se mêle aux gémissements des orages d'automne.

J'aime tout cela, surtout dans notre Bretagne où la piété envers les âmes de ceux qui ne sont plus revêt des formes si touchantes, où elle a tant de charme et de poésie, où la famille rurale fait dans toutes ses joies la part des morts, comme elle fait la part dés pauvres.

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Et nous aussi, nous avons été fidèle au souvenir des trépassés. La Révue a payé son tribut d'hommages et de regrets à tous ceux de nos compatriotes qu'une renommée de science, de courage, ou de vertu signalait à son attention. Elle a salué d'un funèbre adieu de glorieux serviteurs comme le général comte de Champagny et M. de Lavoyrie; des soldats morts au champ d'honneur comme Rodolphe de la Haie Saint-Hilaire, le capitaine de Kerdudo, le colonel de Longueville, des lettrés comme M. Pitre Chevalier, de vénérables prêtres comme l'abbé Carron et Mgr Sauveur.

Et voici qu'aujourd'hui nous devons ajouter à cette liste funéraire deux nouveaux noms, illustres à des titres fort différents, celui de M. Billault, ministre d'Etat, et celui du général Bedeau.

la vérité est que

Les « cent voix de la renommée » ( style officiel de 1804) ont assez célébré les vertus publiques et privées de M. Billault pour que nous puissions nous dispenser de figurer à notre tour dans un concert où notre chétive voix aurait toute chance de n'être pas entendue. On a loué l'homme, l'orateur, le politique; M. Billault était un avocat de premier mérite. Son talent était souple, alerte et précis, sa parole claire et insinuante, son caractère plein de bienveillance et d'urbanité. Tour à tour avocat privé de la famille d'Orléans, député, satellite de M. Thiers, orateur d'opposition et ministre, il était merveilleusement préparé, par ses habitudes d'esprit, à subir toutes les transformations.

Nous n'avons point ici à apprécier l'homme d'Etat, mais nous sommes à l'aise pour rendre hommage à l'homme privé et au Breton. M. Billault avait conservé pour la Bretagne dont il était le fils, la plus vive affection, et les plus constants souvenirs. Peu de jours avant sa mort, il parcourait en détail ce pays de Vannes où il était né en 1805, il visitait Sainte-Anne, Auray, Carnac, Locmariaker, Quiberon. En toute circonstance, il s'efforçait d'être utile à ses compatriotes.

Des fragments de sa correspondance récemment communiqués par M. A. du Chatellier au journal l'Océan nous le montrent dès 1838 s'intéressant vivement aux intérêts provinciaux et bretons. Il s'agissait d'élever une statue à la mémoire de La Tour-d'Auvergne.

<< Mon cher Monsieur Du Chatellier, écrivait à cette occasion M. Billault, je viens recommander instamment à votre bonne influence sur l'autorité départementale du Finistère le choix de M. Suc pour l'exécution de la statue de votre La Tour-d'Auvergne; vous connaissez sans doute de réputation ce statuaire distingué; sa petite Mendiante à la dernière exposition du Louvre a reçu une médaille d'or. C'est un véritable artiste

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