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Il reste encore un souvenir de la dernière de ces confréries religieuses dans une bannière conservée dans une des chapelles des bas-côtés du chœur. Cette bannière en soie porte, avec la date de 1718, l'image peinte de saint Pantaléon, entourée de quatre médaillons en camaïeu.

IV

Les guerres de religion suspendirent le mouvement artistique qui s'était manifesté avec tant de vigueur à Troyes depuis le règne de Charles VIII. Les constructions deviennent rares à partir de 1570, et c'est seulement sous Louis XIII que la ville, remise de ses agitations, songe à se livrer à des travaux pour lesquels la sécurité du lendemain est nécessaire. A Saint-Pantaléon, si l'on ne pense pas encore à élever les voûtes de l'église, on veut édifier ou refaire une tour. Il y avait en 1612 une tour dite du Trésor, qui dominait la chapelle consacrée à saint Michel 1; est-ce celle-là qu'on voulut exhausser en se servant des fondations existantes? Toujours est-il qu'en 1620 et en 1621 on achète de la pierre de « Ricé » et de Tonnerre 2; Gérard Boudrot et Dauphin sont chargés d'en diriger la maçonnerie qui commença en 1625; elle paraît terminée en 1628, malgré les dégâts qu'ont pu y faire des vents violents; mais on doute de sa solidité, et pour s'en assurer on consulte un architecq de Paris, à qui l'on donne 46 sols 6 d. pour sa peine, tandis qu'on paie 15 s. à ung manoeuvre qui a fait ung trou pour veoir le fondement de ladite tour et qui l'a remply 3.

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La tour construite, on se reposa ; et ce ne fut qu'en

1 C'est celle qui fait suite à celle du calvaire, au bas-côté droit.

2 La première à 8 et 9 s. le pied; la seconde à 10 s

3 Reg. 19, G. 48, fol. 31. Le comptable acheta beaucoup de pierres qu'il alla chercher lui-même à Tonnerre.

4 En 1628, on vend des pierres à divers acquéreurs et notamment aux Cordeliers pour le parachèvement du jubé de leur église. Reg. 19, G. 48.

1662 qu'on songea à la couronner d'un clocher. Edme Prieur et Loys Peschat furent chargés de la charpente; Jacques Truelle fournit les 7,603 ardoises et le plomb que l'on y employa; le menuisier Pierre Arluison fabriqua le « quadran de l'horloge, tandis que le chaudronnier Semilliard fournissait un cocq » du prix de 13 livres pour figurer sur la croix 1.

La construction du clocher concordait avec les travaux les plus considérables qu'on eut entrepris depuis la réédification de l'église au commencement du xvIe siècle. Les grands bourgeois de la renaissance ont disparu; les Molé, les Largentier, les Mauroy, vivent à Paris ou à la cour. Il s'est élevé une nouvelle génération de bourgeois plus modestes, moins exclusifs, qui songent à leur église plutôt qu'à leur chapelle particulière et qui voudraient y faire pénétrer l'air et la lumière. Le xvIIe siècle aime en effet la lumière. Remarquez que depuis l'époque romane les fenêtres des églises ont toujours été en s'élargissant; le gothique du XIIIe siècle les fait encore étroites; les siècles suivants les agrandissent; mais ils ont toujours le soin de tamiser les lueurs trop vives du dehors par les teintes multicolores des vitraux peints. Sous Louis XIV, on fera encore, comme nous le verrons plus loin, de ces vitraux, mais l'insipide verre blanc trop souvent y suppléa.

Pour en revenir à Saint-Pantaléon, la fabrique était prospère en 1660; elle n'avait pas souffert des troubles de la Fronde et nous la voyons placer de l'argent à constitution sur les hospices de Troyes, au taux de cinq pour cent d'intérêt. Elle en a besoin pour les travaux qu'elle médite. Trois fois les paroissiens sont réunis en assemblée générale, et, de l'aveu des anciens marguilliers, ils décident qu'ils élèveront le chœur et le feront recouvrir d'une voûte en bois. Edme Prieur et Louis Peschat, charpentiers avec qui traitèrent les marguil

1 Comptes de 1662 à 1665, 19. G. 70 à 72. On paie, en 1664, 570 1. à M. Truelle sur le plomb qu'il a fourny pour faire le clocher.

liers, reçurent 119 I. pour la charpente, les lambris et le cul-de-lampe du chœur ; Pierre Chabouillé et son fils furent chargés de la pose de ces lambris et de la sculpture; deux peintres, Léonard Fouché et Jean Hurand blanchirent les lambris, peignirent et dorèrent le grand cul-de-lampe d'aspect un peu lourd et la rose qu'on peut voir encore à la voûte; tandis que les fers et les plombs des verrières furent fournis par les marchands Boilletot, Dautruy et Truelle, et que les vingt milliers d'ardoise qu'on employa pour la couverture furent achetés à Paris 1.

Le choeur seul avait été surélevé; il faisait contraste avec la nef, et les paroissiens ne pouvaient s'arrêter en si bonne voie. L'argent abondait dans la caisse des marguilliers; ils remboursent des avances que leur avait fait M. Nivelle, tandis que les carmélites leur rendent 12,000 livres qu'elles leur avaient empruntées à constitution. Ils prêtent aussi des sommes assez élevées à constitution de rente aux religieux de Montiéramey ainsi qu'à la communauté des marchands lingers et galochers de la ville 2. Aussi, tout en faisant élever le clocher, peuvent-ils acheter des pierres qu'ils tirent des

perrières de Quinsey, de Saint-Martin, de Ricey et de Nangy, > au prix de 13 sous le pied environ 3. En 1672, ils résolurent d'élever le transept et la travée de la nef qui s'en rapprochait à la hauteur du choeur. Le 4 mai et le 21 juillet les marguilliers passèrent des marchés avec le maçon Edme Bourgeois, pour continuer la corniche dans

la croisée jusqu'au dessus du pilier contre lequel était adossée la chaire. C'est la large corniche qui existe

1 Reg. 19, G. 67.

2 Reg. 19, G. 75 et 80.

3 Il s'agit sans doute de Quincey et Saint-Martin-de-Bossenay, situés dans le département (canton de Romilly) et de Nangis (Seine-et-Marne). Le total des pierres achetées en 1665 est de 1196 1.

4 Bourgeois doit faire la corniche « de l'ordre qu'elle est commencée au pillier Saint-Sébastien qui fera la croisée de lad. église du côté droit, au-dessus de l'orgue de lad. église, et continuer icelle corniche jusques au-dessus du

aujourd'hui et le long de laquelle court un balcon de fer; toute massive qu'elle est, elle sert assez avantageusement de transition entre les colonnes gothiques des galeries et les colonnes couronnées de chapiteaux de style composite, qui s'élèvent jusqu'à la voûte.

Les années suivantes, on éleva les autres piliers de la nef, aux pieds desquels se trouvaient les statues de saint Claude et de saint François. En 1675, Louis Peschat construisait la voûte en bois que le peintre Fouché badigeonnait, et le couvreur Michaudet s'occupait de la toiture 1. On avait même eu l'intention de construire au centre de la croisée << un dosme suivant le modelle qui en (aurait été) donné par gens à ce connaissans 2; » mais on y renonça sans doute en présence des dépenses qu'il eût entraînées.

L'église ne fut portée cependant à l'état où elle est aujourd'hui que dans le siècle suivant. On y ajouta une travée et l'on construisit, de 1735 à 1745, le portail d'ordre dorique, à amortissement ionique, qui dépare encore l'édifice 3. Il remplace un grand portail qu'on avait refait et embelli en 1645, que Vaulthier avait orné de sculptures, et qui était surmonté d'une vierge due au ciseau de Claude Bauger .

La générosité des fidèles avait largement contribué, sous

pillier où est la chaire... lequel pillier avec celuy attenant qui est au-dessus de la chapelle de Saint-Michel, il sera tenu élever de mesme haulteur que les aultres, de sorte que lad. corniche soit de la mesme élévation, mesme façon et mesme construction que du co té de la chapelle Saint-Nicolas du pillier SaintSébastien. » Le 21 juillet il s'engage à « faire l'autre aisle... du costé de la maison où demeurait feu le sieur de Marisy... de même façon, grandeur, longueur et haulteur que celle dont il est parlé dans la convention précédente... » Il recevra 3,000 livres et les matériaux lui seraient fournis par les marguilliers. Reg. 19, G. 2, fol. 152. La date de 1672 est gravée au-dessus de la haute fenêtre du transept nord qui regarde la place.

1 Reg. 19, G. 79.

2 Acte d'assemblée du 26 février 1673. Reg. 19, G. 2, fol. 162 vo.

3 Duhalle, 11, 259. Aufauvre, Troyes et ses environs, p. 85.

4 Le peintre Jean Hurant fut chargé de le peindre et d'en « griser » la car-` touche. Le serrurier Girardin reçut 22 1. pour avoir ferré la grande porte. Bauger ne toucha que 6 liv. pour sa vierge. Reg. 19, G. 48.

Louis XIV, aux travaux d'achèvement de l'église. Les legs étaient nombreux et quelquefois considérables. M. Largentier, seigneur de Vireloup, avait laissé une somme importante, pour la délivrance de laquelle il fallut soutenir un long procès, mais dont on finit par toucher plus de 5,000 livres 1. Nous trouvons d'autres fondations faites à cette époque par Jacques Truelle, par le prêtre Baguet, par la veuve d'un cordier. Mais aucune n'égala celle qui fut faite en 1676 par les dames Sorel, pour faire dire la dernière messe tous les jours de l'année à perpétuité et pour la célébration de la fête de sainte Marguerite. » Elle s'éleva à 7,000 livres 2 et non à 70,000 livres comme l'a imprimé Courtalon qui recule cette libéralité d'un siècle en lui donnant la date de 1572 3. Il est vrai qu'en 1671 Mmes Sorel avaient déjà donné 3,000 livres pour la fondation d'un quatriesme habitué, › c'est à dire pour l'indemnité annuelle nécessaire pour faire desservir l'église par un quatrième prêtre *.

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Les bienfaiteurs ne se contentaient pas de faire des dons en argent; ils en faisaient en vitraux et en statues. La plupart des grandes verrières du choeur furent données par des paroissiens généreux. La première verrière à droite porte l'inscription suivante: NOBLE HOMME Mre PIERRE MAILLET, CONSEILLER DU ROY ET SON ADVOCAT AU GRENI(ER) DE CETTE VILLE, ET SÅ DU PETIT-BASTILLY A FAICT FAIRE CETTE VITRE. 1663.

Une inscription analogue, en partie brisée, a été tracée sur le vitrail qui lui fait face. Ces vitraux sont divisés par quatre meneaux en cinq compartiments; dans ceux de droite et de gauche les armes des familles alliées aux Maillet forment deux bordures verticales. On y remarque les blasons des Perricard, des Dorigny, des Vigneron, des Mauroy, des

Reg. 19, G. 75, 77, 80.

2 Reg. G. 80, fol. 1, ro.

3 Topographie historique de la ville et du diocèse de Troyes, 1, 319. ▲ Reg. G. 76, fol. 1. Marie Sorel légua en outre 1,500 1. à l'église en 1680. Reg. G. 84.

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