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des établissements d'instruction élémentaire et secondaire, c'est le droit pour l'Etat d'interdire cette «< industrie » à ceux qui en font notoirement une arme de combat et un instrument de domination.

Une assimilation qui, pas plus que celle des procédés manufacturiers aux méthodes pédagogiques, n'est du goût de l'orateur, c'est celle que M. de Molinari a établie entre l'enseignement et la presse, qu'il appelle « un enseignement prolongé. » Le journal s'adresse à des hommes, qui savent ou sont censés savoir ce qu'ils font, et qui sont responsables de leurs actes. Mais encore la liberté de la presse n'est-elle pas et ne saurait-elle être absolue. L'écrivain est responsable de ce qu'il écrit, et si l'on a écarté avec raison, dans les pays libres, la censure et les mesures préventives en ce qui concerne la presse, c'est qu'ici le délit ou le crime peut être saisi et réprimé dès qu'il se produit. Il n'en est pas de même dans une école, où les maîtres sont plus ou moins enfermés avec leurs élèves, et exercent sur eux une autorité salutaire quand elle est honnête et éclairée, mais fort dangereuse dans le cas contraire.

Que si l'on objecte que l'enseignement supérieur et le haut enseignement, s'adressant déjà à des hommes, pourraient jouir sans danger d'une très grande liberté, l'orateur n'y contredira point, car c'est aussi son sentiment. Il est, encore une fois, autant que personne libéral; seulement, et à cause de cela même, il ne veut point que sous prétexte de liberté on fournisse aux ennemis irréconciliables de la liberté des cordes pour l'étrangler.

M. le président estime qu'il a été fait de part et d'autre de justes appréciations. On pourrait, en rapprochant les opinions, qui ne sont pas absolument divergentes, en formuler une qui interprèterait bien les sentiments libéraux de la réunion,

Mais la question est des plus complexes en France. Outre la question de liberté d'enseignement proprement dite, il y a une question philosophique pour les uns, religieuse ou plutôt cléricale pour les autres, qui se traduit en question politique et même en question ministérielle à cause de la situation des partis. C'est cette question politique qui motive les votes des Chambres et qui fait sacrifier la liberté au monopole universitaire par crainte de l'invasion des idées cléricales. C'est ainsi que des amis de la liberté se trouvent conduits à voter pour l'article 7 qui viole la liberté; c'est ainsi que l'enseignement libre proprement dit se trouve depuis longtemps étranglé entre l'université de l'État ou les écoles des communes et les établissements des congrégations religieuses.

OUVRAGES PRESENTÉS :

Annuaire de l'économie politique et de la statistique, par MM. GUILLAUMIN, JOSEPH GARNIER, MAURICE BLOCK. 36° année (1879), par M. MAURICE BLOCK (1).

Contient plus de documents qu'à l'ordinaire et plus de 900 pages.

Annuaire des finances russes, par M. A. VESSELOVSKY. Se année (2).

Voyez plus haut l'appréciation du secrétaire perpétuel.

Exposé élémentaire de l'économie politique à l'usage des écoles, par M. EMILE WORMS, professeur à l'Ecole de droit de Rennes, correspondant de l'Institut, avec une introduction de M. EM. LEVASSEUR, membre de l'Institut (3).

L'auteur, est devenu professeur d'économie politique.

Projet de loi sur le crédit agricole, par M. JACQUES VALSERRES (4). L'auteur, parti d'un projet sur le Crédit agricole, est arrivé à un projet de banques cantonales et de crédit mutuel agricole.

Les Traités de commerce, par M. Ferdinand Dreyfus (5).

Euvre de vulgarisation publiée par la Ligue permanente pour la défense des intérêts des contribuables et des consommateurs.

Projet d'une banque internationale à Bruxelles, basée sur l'application du système de la monnaie banco ayant pour unité le kilogramme d'or ou d'argent fin (6).

Idée qui mérite de fixer l'attention des hommes entendus.

Addition à la séance du 5 août 1879.

UNE BANQUE POPULAIRE A ANGERS.

La lettre suivante a été adressée à M. le secrétaire perpétuel à propos de la discussion du 5 août.

Monsieur, j'ai vu avec le plus grand plaisir, en lisant le dernier numéro du Journal des Economistes, que l'on remettait à l'étude la question des Banques populaires et que la Société d'économie politique en faisait l'objet de ses intéressantes discussions.

(1) Paris, Guillaumin et Ce. In-18 de 914 p.
(2) Saint-Pétersbourg, 1879. In-4 de vi-524 p.
(3) Paris, Marescq aîné. Fort in-18 de XVI-704 p.

(4) Argenteuil, 1879. In-8 de 16 p.

(5) Paris, 1879. In-8 de 30 p.

(6) Bruxelles, Nisot, 1877. In-8 de 72-24 p.

Il vous paraîtra peut-être utile de savoir, Monsieur, qu'à Angers nous nous sommes préoccupés de ces mêmes questions il y a dixhuit mois, et que nous avons fondé, le 27 janvier 1878, une Banque populaire qui fonctionne très bien et produit d'excellents résultats. Après avoir lu avec la plus grande attention Singuerlet et L. d'Audrimont, après être entré en correspondance avec des économistes belges et allemands, après avoir réuni les plus précieux documents, et préparé longtemps nos statuts et nos règlements d'administration, nous avons créé, mes amis et moi, une Société coopérative dans les termes de la loi de 1867, et nous avons fait appel aux ouvriers. Au début nous étions 15, notre petit capital était de 4,000 fr. Un mois après nous étions 30 et notre capital était porté à 50,000. Aujourd'hui il y a plus de 100 sociétaires, et il va falloir doubler encore le capital. La Société a prêté 68,000 francs: elle n'a pas perdu un centime et cependant elle n'exige aucune garantie réelle. Nous n'avions pas rêvé un tel succès.

Nous avons modifié les statuts belges. En France, avec la responsabilité indéfinie, on n'aurait pas un sociétaire. Donc la responsabilité est limitée aux parts d'actions souscrites. L'intérêt que nous prenons et le droit de commission sont peu élevés, et nul ne s'en est plaint. Nous avons cependant distribué un dividende de 6 1/4 0/0 pour la première année.

Nous n'avons pas cru davantage devoir absolument repousser le capital, c'est-à-dire que nous avons refusé d'admettre ces statuts allemands et belges qui obligent l'actionnaire à se contenter d'une action. Nous n'avons pas eu à nous en plaindre, au contraire.

Nous prêtons sur crédit personnel. Donc, il faut que le candidat soit sérieux, mais confier cette recherche au conseil d'administration nous a paru dangereux. Les ouvriers qui se présentent sont donc reçus par leurs pairs, réunis en conseil de quartier. Ce sont aussi les sociétaires qui se recrutent eux-mêmes, en petit comité et au scrutin secret, sauf adhésions de l'assemblée générale et de l'administration.

Dans ces conditions nous avons rendu de vrais services. Nous avons prêté jusqu'à cinq fois l'action souscrite et même plus, avec cautionnement. Il serait trop long, Monsieur, de vous expliquer le mécanisme ingénieux et simple dont nous faisons emploi. Qu'il me suffise de vous dire que nous avons prêté plus de 60,000 francs dans une première année, et que nous sommes rentrés dans tous nos fonds, sans aucune perte.

Il me semblerait facile d'appliquer ces principes au Crédit agricole. A mon avis, la solution de toutes ces questions est dans la dissémination des efforts localisés.

4o SÉRIE, T. VII.

15 septembre 1879.

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Si ces renseignements vous semblent intéressants pour la Société, vous pouvez, Monsieur, les lui transmettre et je vous prie de me croire tout disposé à lui faire connaître les détails de notre organisation. Veuillez excuser, Monsieur, mon indiscrétion et agréer l'hommage de tous mes respects.

HERVÉ-BAZIN,

Professeur d'économie politique à la Faculté libre de droit d'Angers.

COMPTES-RENDUS

ANNUAIRE DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE ET DE LA STATISTIQUE, par MM. GUILLAUMIN, JOSEPH GARNIER et BLOCK. - 36o année. — 1879, par M. MAURICE BLOCK et MM. LOUA, de BOISJOLIN, PAUL BOITEAU, ALPH. COURTOIS, JOSEPH LEFORT, JOSEPH CLÉMENT, VESSÉLovski. Paris, Guillaumin, 1879, un très fort vol. in-18 de 914 pages.

La publication de cet Annuaire, toujours impatiemment attendu, s'est trouvée retardée cette année et le retard a donné le temps de se produire à un plus grand nombre de publications qui à leur tour ont grossi le volume.

En sus des documents habit uels, pour les divers pays, ce recueil contient cette année: le résumé du commerce extérieur de la France pendant une période de cinquante ans, de 1827 à 1876; la situation financière des communes françaises en 1878; - la composition de la circulation monétaire, un des éléments de la question compliquée qu'occasionne l'abondante production des métaux précieux;- des documents relatifs à l'Exposition universelle qui occupait le monde l'an dernier, à l'enseignement primaire, secondaire et supérieur, qui sont l'objet des préoccupations politiques, aux forêts qui sont la principale richesse publique de la France.

Il y a trente-six ans M. Guillaumin créait cette utile publication; les hommes d'étude qui y trouvent un commode instrument de travail lui doivent un bon souvenir; ils doivent des remerciements à M. Joseph Garnier, qui en a créé le cadre et élaboré les onze premières années, ainsi qu'à M. Maurice Block qui depuis plus de vingt ans consacre sa science et ses soins à cette œuvre méritoire et aussi à l'habile direction de la librairie qui ne recule pas devant la dépense pour continuer à mériter l'estime des lecteurs du Journal des Economistes dont l'Annuaire est le complément naturel.

Les annuaires se multiplient, officiels et autres, plus ou moins bien conçus; mais l'Annuaire de l'économie politique et de la statistique conserve sa supériorité par la qualité et la variété des informations relatives à la France et aux autres pays. Sacollection est la plus riche collection de documents et de faits que nous possédions, en volumes maniables et faciles à loger, ce qui n'est pas une mince considération, bien appréciée des auteurs et des amateurs de livres.

E. R.

LA MORALE D'ÉPICURE ET SES RAPPORTS AVEC LES DOCTRINES CONTEMPORAINES, par M. GUYAU. Paris, Germer-Baillière, un vol. in-8°.

La lecture de ce livre nous a doublement et agréablement étonné. Il a été écrit sur un plan proposé par l'Académie des sciences morales et politiques et sur ce plan, non conçu, mais accepté par lui, l'auteur a fait une œuvre très originale, chose bien rare. Cette œuvre originale, dans laquelle la philosophie d'Epicure est étudiée directement, en dehors des banalités de Cicéron et de l'école, a été couronnée par l'Académie, chose non moins rare. Nous avons rencontré l'originalité du meilleur aloi dans un mémoire couronné par l'Académie! cela prouve qu'il n'y a rien qui puisse empêcher certaines énergies de se produire, ni la vérité de se faire jour.

M. Guyau a abordé le sujet qui lui était proposé avec franchise et modestie. Il s'est posé d'abord la question de méthode : comment doiton procéder quand on expose une doctrine? Faut-il la considérer du dehors en quelque sorte, et la juger, d'après la conviction philosophique dont on est animé, ou se placer, autant qu'on le peut, au centre de cette doctrine, dans la pensée de celui qui l'a conçue? La première méthode ne saurait donner au lecteur une idée exacte du sujet. Ajoutons que l'exposition ainsi faite serait étroite, injuste et pédantesque. La seconde méthode, au contraire, permet de donner au lecteur une idée aussi exacte que possible de la doctrine exposée et lui laisse le soin de la juger. M. Guyau a donc choisi la première et abandonné la seconde, si familière à Cousin, à Hamilton et à quelques autres.

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Mais ce n'est pas tout de se définir une méthode, ni même de choisir la meilleure il faut encore être capable de l'appliquer. Il n'est pas donné à tout le monde de pénétrer dans la pensée d'autrui et surtout dans la pensée d'un grand philosophe, dont nous sommes séparés par une vingtaine de siècles, des écrits duquel il ne reste que quelques fragments et trois lettres conservées par Diogène de Laërte. Il est vrai qu'à ces monuments on peut joindre l'exposition passionnée d'un disciple, qui fut le plus grand des poètes latins, et deux expositions moins

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