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déistes s'étant formée en Bohême, il édicta contre ses adeptes la peine immédiate de vingt-quatre coups de bâton, non pas parce qu'ils étaient déistes, mais paree qu'ils prétendaient être quelque chose qu'ils ne comprenaient pas.

Un code pénal inspiré des idées philosophiques du siècle; un code civil qui abolissait le servage et accordait aux serfs émancipés la pleine possession des terres qu'ils cultivaient; la confection d'un cadastre général; la tentative de rendre la navigation de l'Escaut libre; la conclusion, enfin, de traités de commerce, tant avec le Maroc qu'avec la Turquie et la Russie, sont autant de mesures de meilleur aloi et qui font honneur à Joseph II. II ne faudrait pas croire pour cela que même sur le seul terrain administratif ou économique toutes ses réformes aient été prudentes et bien avisées. Le fils de Marie-Thérèse n'était physiocrate qu'en matière d'impôts, et en fait d'industrie et de commerce c'était un protectionniste résolu. Par sa patente douanière du 27 août 1784 il prohiba entièrement l'importation des produits étrangers, sauf certains comestibles, qu'il frappa d'ailleurs d'un droit de 60 p. 100, et dans l'application de ce système, qui naturellement avait développé une large contrebande, Joseph ne montra pas moins de rigueur et d'acharnement que Napoléon n'en mit à faire respecter son blocus continental. Dans un chapitre final, M. Léger retrace le tableau de l'Autriche actuelle, et il rend tout d'abord justice aux efforts qu'a faits le gouvernement central depuis une trentaine d'années pour développer sa prospérité économique. De nombreuses lignes ferrées ont mis Vienne, Pesth et Prague en communication avec les points les plus éloignés de l'empire, et l'industrie autrichienne s'est signalée dans les récentes expositions internationales, notamment dans celle qui eut lieu en 1873, à Vienne même, et qui a été l'une des solennités les plus intéressantes de ce genre. D'autre part les écoles ont pris un rapide essor, depuis qu'elles ont été soustraites au joug de l'Église, et les idées libérales se sont fait jour dans l'enseignement. La noblesse a perdu le privilège qui la dispensait du service militaire, et les derniers liens de sujétion du paysan ont été rompus. La Constitution de décembre 1867 a eu pour corollaires toute une série de lois qui établissent le mariage civil et qui garantissent la liberté individuelle, la liberté de conscience, le droit d'association et de réunion. Assurément ce sont là des réformes tout à fait considérables, des réformes qui établissent une différence du tout au tout entre l'Autriche d'aujourd'hui et l'Autriche de François II et du vieux Metternich. M. Léger n'estime pas pourtant qu'elle soit un empire réellement libéral il lui refusera cette qualification « tant qu'elle n'aura point trouvé le secret d'accorder à tous ses peuples l'usage loyal des mêmes libertés et de les grouper dans un harmonieux équilibre. Il pense aussi que jusque-là, l'Autriche-Hongrie « restera

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LA QUESTION DES CHEMINS DE FER par M. ISAAC PÉREIRE, avec 5 cartes coloriées. Paris, Guillaumin, 1879, in-8° de 216 pages.

Dans ces nouvelles études, non moins dignes que les précédentes, dont nous avons rendu compte, de l'attention de nos lecteurs, plus étendue même sinon plus importante, M. Isaac Péreire aborde, avec la haute compétence qui lui est reconnue, l'une des questions qui préoccupent le plus, en ce moment, l'opinion publique, la question des chemins de fer.

La partie la plus considérable de ces études est consacrée à l'histoire de l'établissement en France de notre réseau ferré qui comprend aujour d'hui près de 23,000 kilomètres. Cette histoire est divisée par M. Péreire en trois périodes distinctes celle de 1835 à 1848; — celle de 1848 à 1858, et la dernière celle de 1858 à 1870.

Comme tous les grands changements qui ont le plus exercé d'influence sur la société et le plus contribué à son amélioration, les che mins de fer ont rencontré, dans la première période de leur établissement, même en Angleterre, les plus grandes difficultés; les tramways les plus grossiers ont en réalité précédé les chemins de fer. Les rails ont été d'abord faits en bois, sur ces rails de bois la traction ne s'opérait qu'avec des chevaux, « l'emploi des machines, dit M. Péreire, paraissait chimérique et dangereux. En Angteterre, dans la classe même la plus éclairée, les propriétaires fonciers, ceux qui devaient tirer le plus large profit des chemins de fer, s'effrayaient à l'idée seule de locomotives portant le feu à travers les forêts et les moissons, épouvantant les troupeaux et pouvant causer les plus funestes accidents. » Ce ne fut que grâce à la conviction profonde et à la persévérance de George Stephenson que l'on obtint des fondateurs du chemin de fer de Liverpool à Manchester d'instituer un concours important pour la construction de la meilleure locomotive. Comment ne pas rappeler à ce sujet les malheurs de Denis Papin et la destruction du premier bateau à vapeur par les marins de l'Yssel? Les plus hautes intelligences hésitèrent longtemps. Arago disait qu'on ne ferait rien porter à des wagons glissant sur deux tringles de fer.

C'est l'honneur de M. Péreire, et de son frère Emile Péreire, des ingénieurs éminents associés de bonne heure à leurs travaux, comme de tant d'autres esprits distingués, M. de Rothschild, M. d'Éichthal, M. Dassier, M. Legrand, d'avoir entrevu de bonne heure toutes les conséquences de l'établissement des chemins de fer et de s'être voués, sans hésiter, à cette grande œuvre. En rappelant la part que son frère et lui ont prise depuis le chemin de fer de Saint-Germain jusqu'aux transactions inportantes auxquelles donna lieu la constitution des grandes Compa

gnies du Nord, de l'Ouest, de Lyon et du Midi, M. Péreire rend à chacun, avec une loyale impartialité, la justice qui lui revient.

A propos de ces transactions qui ont été accompagnées parfois d'incidents presque dramatiques, M. Péreire insiste avec raison sur l'insuffisance des connaissances économiques de nos hommes d'Etat et sur les résultats politiques et sociaux que cette insuffisance a eus sur les destinées de la France. C'est une des parties les plus intéressantes de cette étude.

L'histoire de l'établissement du réseau actuel conduit naturellement M. Péreire à examiner les conditions du réseau futur, celui dont le gouvernement a proposé l'adoption au Parlement, et qui ne comprend pas moins de 17,000 kilomètres environ. Sans se faire illusion sur les dépenses et surtout sur les revenus de ce nouveau réseau, M. Péreire en accepte le principe. Il se trouve ainsi, en réalité, d'accord sur le fond avec l'honorable M. de Freycinet. Mais il fait, à propos des moyens d'exécution, des réserves et des critiques dont il n'est pas possible de méconnaître la portée; notamment il n'évalue pas à moins de 430 millions l'économie qui pourrait être réalisée dans le coût de ce nouveau réseau, avec une diminution de droits sur les fontes, les fers, les aciers, les tôles, les machines, etc., en un mot quelques-uns des éléments de la construction.

Les droits d'entrée sur les fontes, les fers et les aciers avaient été calculés, en 1860, de manière à garantir à l'industrie nationale une protection de 30 0/0: c'était exagéré; mais, comme depuis 1860, fontes, fers et aciers ont sensiblement baissé, ce n'est plus à 30 0/0 que la protection s'élèvera mais à 50, à 60 0/0. C'est cette situation exceptionnelle, généralement peu connue, qui a empêché les maîtres de forges, dans l'enquête dont nous avons rendu compte, non pas de s'associer aux doléances des filateurs de coton et de lin, mais de réclamer un encaissement de droit. Le cœur leur a fait défaut. Ils se contentent du présent, mais tel qu'il est ce présent imposera à l'Etat les plus lourds sacrifices. C'est ce que relève M. Péreire avec infiniment d'à-propos.

Ajoutant à l'économie évidente à réaliser sur les fers, les fontes, les aciers, 250 millions provenant d'un classement différent d'une portion de lignes secondaires du réseau, et 143 millions provenant d'un autre mode d'emprunt par l'Etat, M. Péreire constitue un ensemble de ressources de plus de 800 millions, suffisants pour établir 3,000 kilomètres de voies ferrées d'intérêt local.

En terminant, M. Pereire s'élève à des considérations d'un ordre supérieur, et prouve que les économies à réaliser par l'Etat pour les chemins de fer ne sont qu'un exemple de celles à réaliser par la société au moyen d'une législation douanière plus libérale et plus progressive. La liberté des échanges facilite aux peuples comme aux individus la

LA QUESTION DES CHEMINS DE FER par M. ISAAC PÉREIRE, avec 5 cartes coloriées. Paris, Guillaumin, 1879, in-8° de 216 pages.

Dans ces nouvelles études, non moins dignes que les précédentes, dont nous avons rendu compte, de l'attention de nos lecteurs, plus étendue même sinon plus importante, M. Isaac Péreire aborde, avec la haute compétence qui lui est reconnue, l'une des questions qui préoccupent le plus, en ce moment, l'opinion publique, la question des chemins de fer.

La partie la plus considérable de ces études est consacrée à l'histoire de l'établissement en France de notre réseau ferré qui comprend aujour d'hui près de 23,000 kilomètres. Cette histoire est divisée par M. Péreire en trois périodes distinctes: celle de 1835 à 1848; — celle de 1848 à 1858, et la dernière celle de 1858 à 1870.

Comme tous les grands changements qui ont le plus exercé d'influence sur la société et le plus contribué à son amélioration, les chemins de fer ont rencontré, dans la première période de leur établissement, même en Angleterre, les plus grandes difficultés; les tramways les plus grossiers ont en réalité précédé les chemins de fer. Les rails ont été d'abord faits en bois, sur ces rails de bois la traction ne s'opérait qu'avec des chevaux, « l'emploi des machines, dit M. Péreire, paraissait chimérique et dangereux. En Angteterre, dans la classe même la plus éclairée, les propriétaires fonciers, ceux qui devaient tirer le plus large profit des chemins de fer, s'effrayaient à l'idée seule de locomotives portant le feu à travers les forêts et les moissons, épouvantant les troupeaux et pouvant causer les plus funestes accidents. » Ce ne fut que grâce à la conviction profonde et à la persévérance de George Stephenson que l'on obtint des fondateurs du chemin de fer de Liverpool à Manchester d'instituer un concours important pour la construction de la meilleure locomotive. Comment ne pas rappeler à ce sujet les malheurs de Denis Papin et la destruction du premier bateau à vapeur par les marins de l'Yssel? Les plus hautes intelligences hésitèrent longtemps. Arago disait qu'on ne ferait rien porter à des wagons glissant sur deux tringles de fer.

C'est l'honneur de M. Péreire, et de son frère Emile Péreire, des ingénieurs éminents associés de bonne heure à leurs travaux, comme de tant d'autres esprits distingués, M. de Rothschild, M. d'Éichthal, M. Dassier, M. Legrand, d'avoir entrevu de bonne heure toutes les conséquences de l'établissement des chemins de fer et de s'être voués, sans hésiter, à cette grande œuvre. En rappelant la part que son frère et lui ont prise depuis le chemin de fer de Saint-Germain jusqu'aux transactions inportantes auxquelles donna lieu la constitution des grandes Compa

gnies du Nord, de l'Ouest, de Lyon et du Midi, M. Péreire rend à chacun, avec une loyale impartialité, la justice qui lui revient.

A propos de ces transactions qui ont été accompagnées parfois d'incidents presque dramatiques, M. Péreire insiste avec raison sur l'insuffisance des connaissances économiques de nos hommes d'Etat et sur les résultats politiques et sociaux que cette insuffisance a eus sur les destinées de la France. C'est une des parties les plus intéressantes de cette étude.

L'histoire de l'établissement du réseau actuel conduit naturellement M. Péreire à examiner les conditions du réseau futur, celui dont le gouvernement a proposé l'adoption au Parlement, et qui ne comprend pas moins de 17,000 kilomètres environ. Sans se faire illusion sur les dépenses et surtout sur les revenus de ce nouveau réseau, M. Péreire en accepte le principe. Il se trouve ainsi, en réalité, d'accord sur le fond avec l'honorable M. de Freycinet. Mais il fait, à propos des moyens d'exécution, des réserves et des critiques dont il n'est pas possible de méconnaître la portée; notamment il n'évalue pas à moins de 430 millions l'économie qui pourrait être réalisée dans le coût de ce nouveau réseau, avec une diminution de droits sur les fontes, les fers, les aciers, les tôles, les machines, etc., en un mot quelques-uns des éléments de la construction.

Les droits d'entrée sur les fontes, les fers et les aciers avaient été calculés, en 1860, de manière à garantir à l'industrie nationale une protection de 30 0/0: c'était exagéré; mais, comme depuis 1860, fontes, fers et aciers ont sensiblement baissé, ce n'est plus à 30 0/0 que la protection s'élèvera mais à 50, à 60 0/0. C'est cette situation exceptionnelle, généralement peu connue, qui a empêché les maîtres de forges, dans l'enquête dont nous avons rendu compte, non pas de s'associer aux doléances des filateurs de coton et de lin, mais de réclamer un encaissement de droit. Le cœur leur a fait défaut. Ils se contentent du présent, mais tel qu'il est ce présent imposera à l'Etat les plus lourds sacrifices. C'est ce que relève M. Péreire avec infiniment d'à-propos.

Ajoutant à l'économie évidente à réaliser sur les fers, les fontes, les aciers, 250 millions provenant d'un classement différent d'une portion de lignes secondaires du réseau, et 143 millions provenant d'un autre mode d'emprunt par l'Etat, M. Péreire constitue un ensemble de ressources de plus de 800 millions, suffisants pour établir 3,000 kilomètres de voies ferrées d'intérêt local.

En terminant, M. Pereire s'élève à des considérations d'un ordre supérieur, et prouve que les économies à réaliser par l'Etat pour les chemins de fer ne sont qu'un exemple de celles à réaliser par la société au moyen d'une législation douanière plus libérale et plus progressive. La liberté des échanges facilite aux peuples comme aux individus la

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