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M. de Lavergne n'ayant pas accepté à cause de sa santé, M. Feray a été nommé premier vice-président, M. Magnin, deuxième vice-président, et M. Claude (des Vosges) est entré au Conseil.

ARRÊTÉ DU MINISTRE DES FINANCES POUR AUTORISER UN EMPRUNT DU CRÉDIT FONCIER.

Le ministre des finances,

Vu le décret du 28 février 1852 sur les sociétés de Crédit foncier ; Vu le décret du 28 mars 1852, relatif à la constitution de la Banque foncière de Paris;

Vu le décret du 21 décembre 1853, relatif au Crédit foncier de France, et notamment l'article 8 du décret;

Vu le décret du 26 juin 1854, qui place les sociétés de Crédit foncier dans les attributions du ministre des finances;

Vu le décret du 6 juillet 1854, relatif à la nouvelle organisation du Crédit foncier de France.

Vu les statuts et les modifications aux statuts approuvés par décrets du 30 juillet et 10 décembre 1852, 22 mars 1853, 28 juin 1856, 16 août 1859, 7 août 1869, 22 avril 1865 et 23 janvier 1877, et notamment les articles 1er, 2 et 3 et le titre V desdits statuts;

Vu la lettre du 17 septembre 1879, par laquelle le gouverneur du Crédit foncier de France a demandé l'autorisation d'émettre de nouvelles obligations foncières avec lots destinées principalement à la conversion. des obligations foncières 5 p. 100 en circulation;

Vu la délibération du conseil d'administration portant approbation des conditions d'émission contenues dans la lettre du gouverneur du Crédit foncier, en date du 17 septembre 1879 précité,

Arrête :

Art. 1er.. Le Crédit foncier de France est autorisé à faire une nouvelle émission d'obligations foncières, aux conditions suivantes : 1o Le nombre total des obligations à émettre ne dépassera pas le chiffre de 1,800,000 titres, et le capital nominal de 900,000,000 de francs;

2o Les titres consisteront en obligations de 500 francs 3 p. 100 avec lots, remboursables en soixante ans. Les combinaisons de lots seront conformes, en principe, à celles qui ont été adoptées pour le dernier. emprunt contracté par le Crédit foncier pour la conversion des obligations communales 5 p. 100;

Chaque tirage comprendra :

2 obligations remboursées chacune par 100,000 fr. soit... 1 obligation remboursée par.......

2 obligations remboursées chacune par 10,000 fr. soit.... 5 obligations remboursées chacune par 5,000 fr. soit.... 90 obligations remboursées chacune par 1,000 fr. soit....

soit 100 lots par tirage, pour...........

et 600 lots par année, pour 2 millions 160,000 francs;

200.000

25.000

20.000

25.000

90.000

360.000

3o Le Crédit foncier affectera le produit de l'emprunt, jusqu'à due concurrence, à l'amortissement des 533,600,000 fr. formant le montant des obligations 5 p. 100 en circulation et consacrera le surplus dudit emprunt à effectuer des prêts nouveaux. Le remboursement des obligations 5 p. 100 se fera aux époques ordinaires des tirages, dans la proportion du montant desdites obligations, comparé au montant total de l'emprunt, c'est-à-dire que, lors de chaque tirage, sur les versements opérés par les nouveaux souscripteurs, 533/900° au moins seront employés au remboursement des obligations foncières 5 p. 100. La portion des versements que le Crédit foncier n'aura pas cru devoir appliquer au remboursements des obligations sera employée en prêts nouveaux;

4o En attendant le placement en prêts nouveaux ou le remboursement des obligations anciennes 5 p. 100, il sera fait emploi des fonds reçus par le Crédit foncier conformément aux stipulations des trois derniers paragraphes de l'article 2 des statuts;

5o Tous les débiteurs hypothécaires du Crédit foncier auront la faculté de demander la conversion de leur dette actuelle avec réduction du taux de l'intérêt par eux payé. Ladite conversion devra être faite pour tous les prêts actuellement réalisés au fur et à mesure des versements à effectuer par les souscripteurs de l'emprunt et dans le délai maximum accordé auxdits souscripteurs pour la libération intégrale de leurs titres.

Elle s'opérera suivant les circonstances, soit par voie de remboursement avec emprunt nouveau, soit par modification de l'échéance stipulée ou des autres conditions du prêt convenues entre les parties;

6o Pour fixer le taux nouveau de l'intérêt qui doit servir de base au taux de la conversion des anciennes dettes et des prêts nouveaux à réaliser, il sera tenu compte non seulement du taux du nouvel emprunt, mais aussi du taux auquel ont été contractés ceux des précédents emprunts dont le service sera continué après la nouvelle opération, et qui se composent aujourd'hui de :

1o L'emprunt 3 et 4 p. 100 avec lots de 1853, qui figure encore dans le solde des obligations pour 141 millions revenant à 4 fr. 50 p. 100; 2° L'emprunt 4 p. 100 avec lots de 1863, qui figure pour 84,500,000 fr. revenant à 5 p. 100;

3o Et enfin, l'emprunt 3 p. 100 de 1877, qui, après tous les versements effectués, procurera à la société une somme de 219,400,000 fr., revenant à 4 fr. 15 p. 100.

Il sera établi, à l'aide des différents taux ci-dessus indiqués et du taux du nouvel emprunt, une moyenne proportionnelle d'intérêt. L'intérêt payé par les emprunteurs ne dépassera pas cette moyenne d'intérêt augmentée de O fr. 60 p. 100.

Jusqu'à l'épuisement des fonds du nouvel emprunt, le Crédit foncier renoncera à exiger, tant pour les opérations nouvelles que pour les prêts anciens convertis, la commission fixe et invariable de 0 fr. 60 p. 100 par an sur le montant des prêts réalisés;

7° Les versements sur le nouvel emprunt seront échelonnés sur une durée de quatre ans avec faculté d'anticiper pour les souscripteurs;

8o Les sommes provenant des remboursements anticipés des prêts hypothécaires nouveaux seront employées, chaque semestre, soit au remboursement des anciens emprunts à lots, soit au rachat au pair d'une ou plusieurs séries d'obligations du nouvel emprunt, de manière à maintenir conformément à l'article 76 des statuts l'équilibre entre le montant des obligations en circulation et le montant des prêts fonciers. Les obligations ainsi rachetées continueront à concourir aux tirages et pourront être émises de nouveau après réalisation d'autres prêts fonciers.

Art. 2. Le présent arrêté sera déposé à la division du contreseing, pour des ampliations en être délivrées à qui de droit. Fait à Paris, le 23 septembre 1879.

LÉON SAY.

COMMENT M. LOUIS BLANC COMPREND L'ORGANISATION DE LA RÉPUBLIQUE. LE SOPHISME ET LA QUESTION SOCIALE.

Le discours-manifeste que M. Louis Blanc vient de prononcer à Marseille (21 septembre) nous a ramenés au lendemain de la révolution de 1848. M. Louis Blanc faisait partie du gouvernement provisoire avec le citoyen Albert, ouvrier; on avait mis à l'ordre du jour la question sociale et institué les célèbres conférences du Luxembourg pour aviser aux moyens de la résoudre sans retard.

Les ouvriers ayant déclaré, au sortir des barricades de février, qu'ils avaient encore trois mois de misère au service de la république, il fallait que le travail fût « organisé pour la fin de mai ou le commencement de juin. Mais il s'agissait de trouver la formule, ou, pour mieux dire, il s'agissait de choisir entre les formules, car on les comptait par douzaines. M. Louis Blanc avait exposé la sienne dans son célèbre petit

livre de l'Organisation du travail. C'était l'atelier social et l'égalité des salaires; mais il y avait aussi l'Icarie, de M. Cabet; le Phalanstère, de M. Victor Considérant; le Circulus, de M. Pierre Leroux; et l'Anarchie, de M. Proudhon, sans parler de la foule des systèmes sans importance, qui demeuraient à la cantonade, comme dans les Brigands, de M. Offenbach. On était bien perplexe à la commission du Luxembourg, et la besogne n'y avançait guère. On faisait des manifestations et les ouvriers. s'en allaient en députation à l'Hôtel-de-Ville, avec des bannières neuves, ornées de devises socialistes; on distribuait sur papier rouge la Déclaration des Droits de l'homme, surmontée du triangle égalitaire et du bonnet phrygien; et cependant rien ne venait! Quoique les ateliers se fermassent à vue d'œil, les ateliers sociaux tardaient à s'ouvrir, et l'on était obligé de créer des « ateliers nationaux » pour occuper les travailleurs qui ne travaillaient plus en attendant l'organisation du travail. Les ouvriers des ateliers nationaux brouettaient de la terre au Champ-de-Mars, en chantant:

Nourris par la patrie,

C'est le sort le plus beau, le plus digne d'envie.

M. Blanqui avoit ouvert un club dans la salle du Conservatoire, et les bons bourgeois qui allaient y passer leur soirée par économie en revenaient avec la chair de poule; en sortant, ils entendaient crier le Sanguinaire, le Volcan, par la citoyenne Sans-Peur. l'Aimable faubourien, journal de la canaille, et cela ne les rassurait point; la réaction relevait la tête, on s'arrachait les apôtres du socialisme illustrés par Cham, et les petits journaux décochaient leurs épigrammes à M. Louis Blanc :

Depuis que l'on a ce Louis Blanc,
On ne voit plus de louis jaunes.

Malheureusement, cette folle épopée démocratique et sociale devait avoir une fin sinistre. Les ateliers nationaux coûtaient cher; on se pressa trop de les dissoudre après s'être trop pressé de les ouvrir et, quoiqu'on eût distribué des armes à profusion en faisant cette réflexion judicieuse et opportune: Quand tout le monde aura des armes, on ne se battra plus! l'insurrection de juin éclata, les trois mois de misère étaient expirés, le sang coula à flots, et la république y fut noyée! Vainement les esprits modérés essayèrent de rassurer la France et de lui persuader que la république n'était point solidaire du socialisme. Le coup était porté. On chercha un sauveur. Le sauveur était prêt, et nous ne savons que trop le reste.

Certes, nous n'avons pas à craindre aujourd'hui le retour des illusions qui ont causé alors de si cruels dégâts. M. Louis Blanc lui-même, il nous le déclare formellement dans son manifeste, ne se charge

rait plus de résoudre la question sociale. « Des aspirations généreuses mais vagues, dit-il avec raison, ne sauraient tenir lieu de réformes pratiques. L'importance même de la question sociale donne la mesure des difficultés que sa solution présente. Elle est trop compliquée pour être résolue d'un seul coup ». C'est parler d'or! et combien il eût été à souhaiter que l'auteur de ce discours eût compris au lendemain de la révolution de 1848 que « des aspirations généreuses mais vagues ne sauraient tenir lieu de réformes pratiques! » N'insistons pas cependant sur des illusions et des fautes qui datent de plus de trente ans. Laissons à M. Louis Blanc le bénéfice de la prescription et voyons si son programme d'aujourd'hui est plus pratique que ne l'était son programme de 1848.

«

Voici comment M. Louis Blanc comprend l'organisation de la république. Au sommet, une Assemblée souveraine dont les membres seront élus pour deux ans. Point de président. Liberté illimitée de la presse et des réunions. Une armée qu'il est rigoureusement interdit d'employer à la compression des troubles civils », cette besogne étant réservée exclusivement à l'armée territoriale transformée en milice nationale. Une magistrature élue. Le jury constitué au moyen du tirage au sort sur la liste du suffrage universel. La commune libre. L'impôt unique. Les industries qui constituent des services publics remises entre les mains de l'Etat. Un ordre social fondé sur la solidarité des intérêts, et l'harmonie des efforts succédant « à celui qui nous montre la société transformée en un vaste champ de bataille, l'industrie réduite à n'être plus qu'une loterie meurtrière, l'écrasement des faibles décoré mensongèrement de ce beau nom : la liberté, etc., etc. Eh bien, supposons que ce programme vienne à être réalisé un jour, et essayons de nous faire une idée de ce que pourra bien être la république démocratique et sociale dont M. Louis Blanc nous esquisse l'idéal.

Il y a des élections générales tous les deux ans, et ce n'est pas une petite affaire, car l'Assemblée est unique et souveraine. Le pays s'agite six mois d'avance, peut-être même un an si la vie politique est intense, et nous allons voir tout à l'heure qu'elle le sera. La lutte électorale s'engage sur tous les points du territoire. Les clubs se réunissent, et les plus zélés se déclarent en permanence. Les orateurs et les journaux usent de la liberté illimitée et imprescriptible qu'ils possèdent de se dire des gros mots. Les têtes se montent. On va au club avec des révolvers. Une bagarre s'ensuit. On promène des cadavres. La territoriale est convoquée. Mais la territoriale, composée de vieillards peu ingambes quoique courageux, ne vient pas à bout de l'émeute. On fait appel à l'armée active. L'armée active refuse son concours, « ne voulant pas s'exposer à tuer son frère pour obéir à son caporal ». Cependant, force finit par rester à la loi. On met en jugement les perturbateurs de la

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