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plus que le changement complet de toutes les bases antérieures de négociations; et si tous les essais de conciliation ont avorté depuis lors, le cabinet autrichien ne saurait méconnaître que cela a tenu à des incidents et à des motifs beaucoup plus complexes sur lesquels nous aimons mieux nous taire aujourd'hui, pour éviter des récriminations fâcheuses. Nous avons répondu par le silence à la sommation de la France et de l'Angleterre, parce qu'elle était d'une forme blessante, précédée de provocations ouvertes, et dépourvue de toutes conditions de réciprocité; et si la guerre s'en est suivie, il serait juste d'en imputer la cause moins à la nature de notre réponse qu'au ton et aux termes qui l'ont provoquée.

Quoi qu'il en soit, si dans l'opinion du gouvernement autrichien l'occupation prolongée des Principautés a été le motif de la guerre, il devrait en résulter que cette Occupation venant à cesser, la guerre cessera par le fait même, vu que les hostilités seront suspendues.

Le cabinet de Vienne est-il en mesure de nous en donner l'assurance?

Il ne saurait échapper à son attention que, depuis le premier moment où la a déclaré la guerre, depuis surtout que le cercle de cette guerre, transporté hors de Turquie, dans nos mers el sur nos côtes, a été démesurément agrandi, l'occupation des Principautés, quel qu'ait pu être son caractère original, n'est plus devenue autre chose pour nous qu'une position militaire, dont le maintien ou l'abandon scnt avant tout subordonnés à des considérations stratégiques. Il est simple, dès lors, qu'avant de nous dessaisir volontairement, par égard pour la situation de l'Autriche, du seul point où, poussant l'offensive, il nous reste quelques chances de rétablir, en notre faveur, l'équilibre qui est partout ailleurs contre nous, nous sachions au moins quelles sécurités l'Autriche peut nous offrir; car, si les hostilités continuent, si les puissances, dégagées de toute appréhension en Turquie, demeurent libres, soit de nous poursuivre sur le territoire évacué, soit d'employer toutes leurs forces disponibles désormais à envahir notre littoral asiatique ou européen, afin de nous imposer des conditious inacceptables, il est évident que l'Autriche nous aurait demandé de nous affaiblir moralement et matériellement par un sacrifice en pure perte.

Exiger de la Russie qu'elle se mette entièrement à la merci de ses ennemis, quand ceux-ci ne dissimulent pas l'intention d'abattre ou de diminuer sa puissance, l'exposer à toutes les attaques qu'il leur conviendra de lui porter en la réduisant partout à la défensive, lui ôter enfin, au nom de la paix, tout moyen d'obtenir que cette paix ne soit pas pour elle ruineuse et déshonorante, serait un acte si contraire à toutes les lois de l'équité, à tous les

principes d'honneur militaire, que, nous nous plaisons à le croire, pareille pensée n'a pu entrer un moment dans l'esprit de S. M. l'empereur François-Joseph.

En nous communiquant le protocole du 9 avril, la cour de Vienne appuie auprès de nous sur l'engagement positif qu'elle a pris envers les puissances occidentales d'amener, par tous ses moyens, l'évacuation finale des Principautés; mais, en prenant cet engagement, l'Autriche n'a pu s'interdire le choix du moyen qui lui paraitrait le plus propre à remplir ses obligations, celui de mettre la Russie en état de procéder à l'évacuation avec honneur et sécurité pour elle. L'obligation même qu'elle a contractée lui donne, au contraire, le droit d'insister auprès des puissances, pour qu'elles n'entravent pas, par leurs exigences, le succès de ses efforts. Il en est de même des intérêts de commerce autrichiens et allemands invoqués contre la prolongation ou l'extension de nos opérations militaires. Ils autorisent le cabinet de Vienne à user auprès des deux puissances des mêmes raisons qu'auprès de nous; car, si les intérêts de l'Autriche et de l'Allemagne entière peuvent souffrir momentanément de nos opérations sur le Danube, à plus forte raison souffrent-ils, et bien plus gravement encore, comme ceux de tous les Etats neutres, de la situation amenée par les opérations maritimes de la France et de l'Angleterre dans l'Euxiu, la mer du Nord et la mer Baltique.

Que le gouvernement autrichien veuille donc bien, en pesant mûrement ces considérations, s'expliquer vis-à-vis de nous au sujet des garanties de sûreté qu'il pent nous donner, et l'empereur, par déférence pour les vœux et les intérêts de l'Allema gne, serait disposé à entrer en négociation sur l'époque précise de l'évacuation. Le cabinet de Vienne peut d'avance être persuadé que Sa Majesté partage au même degré que lui le désir de mettre au plus tôt un terme à la crise qui pèse en ce moment sur toutes les situations européennes. Notre auguste maître veut encore, comme il a toujours voulu, la paix. Il ne veut, comme nous l'avons répété et le répétons encore une fois, ni prolonger indéfiniment l'occu pation des Principautés, ni s'y établir d'une manière permanente, ni les incorporer à ses Etats, encore moins renverser l'empire ottoman. Sous ce rapport, il ne fait aucun difficulté de souscrire aux trois priucipes déposés dans le protocole du 9 avril.

Intégrité de la Turquie ce point n'a rien que de conforme à tout ce que nous avons énoncé jusqu'ici, et il ne sera point menacé par nous aussi longtemps qu'il sera respecte par les puissances qui occupent en ce mo ment les eaux et le territoire du sultan.

Evacuation des Principautés : nous som mes prêts à y procéder moyenuant les se curités convenables.

Consolidation des droits des Chrétiens en Turquie partant de l'idée que les dros

tients n'ont pu la sauver. Aussi, Monsieur le baron, me bornerai-je à rappeler que la dépêche de M. le comte de Buol à M. le comte Esterhazy, celle même à laquelle répond M. le comte de Nesselrode, a rétabli, comme il le fallait, la vérité des rôles, et que la conférence de Vienne, dans le protocole du 9 avril, a solennellement reconnu que la sommation adressée à la Russie par la France et l'Angleterre était fondée en droit. L'Europe a donc prononcé son jugement par les organes les plus accrédités, et cela nous sullit.

civils à obtenir pour tous les sujets Chrétiens de la Porte sont inséparables des droits religieux, comme le stipule le protocole, et deviendraient sans valeur pour nos coreligionnaires, si ceux-ci, en acquérant de nouveaux priviléges, ne conservaient pas les anciens, nous avons déjà déclaré que, s'il en était ainsi, les demandes que l'empereur a faites à la Porte seraient remplies, le motif du différend écarté et Sa Majesté prête à concourir à la garantie européenne de ces priviléges. Telles étant les dispositions de l'empereur sur les points capitaux indiqués dans le protocole, il nous semble, mon prince, que, pour peu qu'on veuille la paix sans arrière-pensée qui la rende impossible, il ne serait pas difficile d'y arriver sur cette triple base, ou du moins d'en préparer la négociation au moyen d'un armistice.

C'est l'espoir que Votre Excellence voudra bien exprimer au cabinet autrichien en lui donnant communication de cette dépêche.

Recevez, etc.

Signé: NESSELrode.

M. Drouyn de Luvys, à M. le baron DE BOURQUENEY, ministre de l'Empereur à Vienne.

Paris, le 22 juillet 1854.

Monsieur le baron,

J'ai reçu les dépêches que vous m'avez fait l'honneur de in'écrire jusqu'au no 121, et votre dépêche télégraphique d'hier m'est également parvenue.

Quelque intérêt que doive nécessairement offrir au gouvernement de Sa Majesté Impériale la double communication que vous m'annoncez, je n'ai pas besoin de l'attendre pour apprécier, en pleine connaissance de cause, la réponse du cabinet de Saint-Pétersbourg. Depuis plusieurs jours déjà, j'ai entre les mains ce document, qui a été comme vous le savez, remis par M. le général Issakoff à tous les gouvernements qui s'étaient fait représenter dans les conférences de Bamberg, et l'Empereur, avant son départ pour Biarritz, a eu le temps de l'examiner et de me donner ses ordres.

Je n'objecterai que très-peu de mols au début de la dépêche de M. le comte de Nesselrode. La Russie persiste à rejeter sur les puissances occidentales la responsabillé d'une crise qu'elle a seule provoquée; elle s'en prend à la forme de leur sommation, et voit dans une démarche que ses actes avaient rendue nécessaire la cause déterminante de la guerre. C'est oublier un peu trop vite la série des longues et laborieuses négociations qui ont rempli l'année dernière ; c'est ne pas tenir assez de compte des avertissements multipliés que la France et l'Angleterre avaient fait, sous toutes les formes, parvenir au cabinet de Saint-Pétersbourg; c'est enfin, ne vouloir pas avouer que, du jour où les armées russes avaient envahi les Principautés du Danube, la paix était tellement compromise que les efforts les plus loyaux, les plus pa

J'arrive maintenant à la partie politique de la communication russe. Ce qui me frappe tout d'abord, c'est qu'en n'attribuant à la démarche tentée par l'Autriche et soutenue par la Prusse qu'un caractère purement germanique, ces deux puissances ne sauraient se montrer satisfaites du résultat de leurs instances. La dépêche de M. le comte de Buol à M. le comte Esterhazy mettait en relief les deux points suivants :

1° La nécessité d'évacuer, dans un court délai, ies Provinces du Danube;

2. L'impossibilité de subordonner celte. évacuation, réclamée au nom des intérêts essentiels de l'Allemagne, à des conditions indépendantes de la volonté de l'Autriche.

Or, on ne fixe aucune limite à l'occupation de la Moldavie et de la Valachie, et l'on considère la proclamation d'un armistice comme la condition sine qua non de la retraite des armées envahissantes au delà du Pruth. Le préjudice que la Russie, selon le témoignage de l'Autriche et de la Prusse, porte à la Confédération germanique en ne rentrant point dans ses limites territoriales, subsiste, en conséquence, tout entier, et il s'aggrave non-seulement par sa durée, mais par la fin de non-recevoir dont les légitimes représentations qu'il avait soulevées viennent d'être l'objet.

Le cabinet de Saint-Pétersbourg, il est vrai, adhère, dit-il, aux principes posés dans le protocole du 9 avril; mais la présence des troupes russes sur le sol ottoman enlève déjà à cette déclaration, que je veux examiner de près, la plus grande partie de sa valeur. L'évacuation des Principautés est, en effet, la condition première de l'intégrité de l'empire turc, et le fait de leur occupation constitue une violation flagrante du droit européen. La crise qui trouble le monde, je le répéterai d'autant plus que l'on cherche à le contester, dérive du passage du Pruth, et la Russie ne peut plus aujourd'hui subordonner aux exigences d'une position dans laquelle elle s'est mise de propos délibéré la réparation préalable d'un acte que l'opinion générale a condamné. Je ne comprends pas, je l'avoue, ce que M. le comte de Nesselrode a voulu dire en annonçant que l'intégrité de l'empire ottoman ne sera point menacée par la Russie tant qu'elle sera respectée par les puissances qui occupent en ce moment les eaux et le territoire du sultan. Quelle parité existe-t-il entre l'envahisseur et le protecteur? En quoi la présence des

troupes alliées, réclamée par la SublimePorte, autorisée par un acte diplomatique dont les effets doivent cesser d'un commun accord, a-t-elle une analogie quelconque avec l'entrée violente de l'armée russe sur le territoire ottoman ?

Enfin, monsieur le baron, le paragraphe de la dépêche de M. le comte de Nesselrode qui concerne la situation des sujets Chrétiens du sultan signifie, ou je me trompe fort, que le cabinet de Saint-Pétersbourg place au nombre des anciens priviléges que les Grecs du rit oriental devraient conserver toutes les conséquences à la fois civiles et religieuses du protectorat qu'il revendiquait sur eux, et, en admettant que ce protectorat dût se fondre dans une garantie européenne, je cherche en vain comment l'indépendance et la souveraineté de la Sublime-Porte pourraient coexister avec un semblable système. Le gouvernement de Sa Majesté Impériale ne veut pas dire assurément que l'Europe puisse se montrer indifférente à l'amélioration du sort des rayas; il pense, au contraire, qu'elle doit couvrir ces populations de son active sollicitude pour encourager les bienveillantes dispositions du sultan en leur faveur; mais il croit fermement que les réformes dont est susceptible le régime auquel sont soumises les diverses communautés de la Turquie ont besoin, pour être efficaces et salutaires, de procéder de l'initiative du gouvernement ottoman, et que, si leur accomplissement comporte une action étrangère, c'est une action amicale, se manifestant par un concours de bons et sincères conseils, et non par une ingérence fondée sur des traités qu'aucun Etat ne saurait souscrire sans abdiquer son indépendance.

Cet examen de la réponse du cabinet de Saint-Pétersbourg, Monsieur le baron, ne serait pas complet, si je ne remarquais que M. le comte de Nesselrode évite avec un soin extrême de faire la moindre allusion à ceJui de tous les passages du protocole du 9 avri! qui méritait le plus de fixer son attention, et le seul, à notre avis, qui ait une importance capitale, puisqu'il implique la nécessité d'une révision européenne des anciennes relations de la Russie avec la Turquie.

La France et l'Angleterre ne sauraient donc consentir à une suspension d'armes sur les vagues assurances données par M. le comte de Nesselrode touchant les dispositions pacifiques du cabinet de SaintPétersbourg. Les sacrifices qu'ont faits les puissances alliées sont assez considérables, le but qu'elles poursuivent est assez grand pour qu'elles ne s'arrêtent pas en chemin, avant d'avoir la certitude de n'être pas obligées de recommencer la guerre. Les conditions particulières qu'elles mettront à la paix dépendent de trop d'éventualités pour qu'elles aient aujourd'hui à les indiquer, et, à cet égard, elles réservent leur opinion.

Toutefois, Monsieur le baron, le gouvernement de Sa Majesté Impériale ne demande que de faire connaître, dès à présent, quel

ques-unes des garanties qui lui paraissent indispensables pour rassurer l'Europe contre le retour d'une nouvelle et prochaine. perturbation. Ces garanties résultent de la situation même qui a fait ressortir les dangers de leur absence.

Ainsi la Russie a profité du droit exclusif de surveillance que les traités lui conféraient sur les rapports de la Moldavie et de la Valachie avec la puissance suzeraine, pour entrer dans ces provinces comme s'il se fût agi de son propre territoire.

Sa position privilégiée sur l'Euxin lui a permis de fonder dans cette mer des établis sements et d'y développer un appareil de forces navales qui, par le manque de tout contre-poids, sont une menace perpétuelle pour l'empire ottoman.

La possession sans contrôle de la principale embouchure du Danube par la Russie a créé à la navigation de ce grand fleuve des obstacles moraux et matériels qui affectent le commerce de toutes les nations.

Enfin les articles du traîté de KutchukKainardji, relatifs à la protection religieuse, sont devenus, par suite d'une interprétation abusive, la cause originelle de la lutte que soutient aujourd'hui la Turquie.

Sur tous ces points, il y a de nouvelles règles à établir et d'importantes modifications à apporter au statu quo ante bellum, On peut dire, je crois, que l'intérêt commun de l'Europe exigerait :

1° Que le protectorat exercé jusqu'ici par la cour impériale de Russie sur les principautés de Valachie, de Moldavie et de Servie, cessât à l'avenir, et que les priviléges accordés par les sultans à ces provinces dépendantes de leur empire fussent, en vertu d'un arrangement conclu avec la Sublime Porte, placées sous la garantie collective des puissances;

2 Que la navigation du Danube, à ses embouchures, fût délivrée de toute entrave et soumise à l'application des principes cousacrés par les actes du congrès de Vienne;

3° Que le traité du 13 juillet 1841 fût révisé de concert par les hautes parties contractantes, dans un intérêt d'équilibre eu ropéen et dans le sens d'une limitation de la puissance de la Russie dans la mer Noire;

4° Qu'aucune puissance ne revendiquât le droit d'exercer un protectorat officiel sur les sujets de la Sublime-Porte, à quelque rit qu'ils appartiennent, mais que la France, l'Autriche, la Grande-Bretagne la Prusse el la Russie se prêtassent leur mutuel concours pour obtenir de l'initiative du gouvernement ottoman la consécration et l'observance des priviléges religieux des diverses communautés chrétiennes, et mettre à profit dans l'intérêt réciproque de leurs coreligionnaires, les généreuses intention manifestées par S. M. le sultan, sans qu'il en résultat aucune atteinte pour la dignile et l'indépendance de sa couronne.

La conférence, si eile se rassemble, reconnaîtra, je me plais à l'espérer, qu'aucune des idées que je viens d'exprimer ne s'é

carte du protocole du 9 avril, et qu'il était même difficile de renfermer dans des bornes plus modérées la recherche que la France, l'Autriche, la Grande-Bretagne et la Prusse se sont, à cette époque, engagées formellement à faire en commun au sujet des moyens les plus propres à consolider l'existence de la Turquie, en la rattachant à l'équilibre général de l'Europe. Les récentes communications de M. le baron de Hubner m'autorisent déjà à dire que l'opinion de M. le comte de Buol se rencontre avec la mienne, et qu'il envisage corame moi les garanties que l'Europe est en droit de demander à la Russie pour ne plus se trouver exposée au renouvellement des mêmes complications.

Telle est, Monsieur le baron, la réponse que l'Empereur m'a ordonné de faire au contenu de la dépêche de M. le comte de Nesselrode. Vous voudrez bien remettre une copie de cette réponse à M. le comte de Buol, et le prier, s'il y a lieu, de réunir la conféférence pour en entendre aussi la lecture.

En résumé, le document émané du cabinet de Saint-Pétersbourg ne change absolument rien aux situations respectives, et, dans l'opinion du gouvernement de Sa Majesté Impériale, il ne servira même qu'à les dessiner davantage. Puisque la Russie en est encore à faire connaître ses intentions d'une façon pratique et positive, la France et l'Angleterre persistent dans leur attitude de puissances belligérantes; et puisque les Principautés n'ont point été évacuées, la Prusse et l'Autriche jugeront, sans doute, que les obligations résultant du traité du 20 avril et fortifiées en ce qui concerne le cabinet de Vienne, par son accord particulier avec la Sublime-Porte, subsistent dans leur inté grité et sont arrivées à leur échéance. Recevez, etc.

Signé: DBOUYN DE LHUIS.

En même temps l'Autriche s'engageait davantage avec les puissances occidentales. Le 15 juillet, elle avait signé une convention avec la Turquie, par laquelle elle s'engageait à occuper les Principautés et à empêcher toute attaque des Russes contre la Turquie de ce côté. Par l'échange des notes du 8 août, elle s'engagea à la base des quatre points.

A. S. Exc. M. le comte DE BUOL-SCHAUENSTEIN, ministre des affaires étrangères et de la maison de Sa Majesté impériale et royale apostolique.

Le soussigné, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de Sa Majesté l'empereur des Français près Sa Majesté impériale et royale apostolique, a l'honneur d'annoncer à Son Excellence M. le comte de Buol-Schauenstein qu'il a reçu de son gouvernement l'ordre de constater dans la présente note qu'il résulte des pour parlers confidentiels échangés entre les cours de Vienne, de Paris et de Londres, conformément au passage du protocole du 9 avril dernier, par lequel l'Autriche, la

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France et la Grande-Bretagne se sont en Diême temps que la Prusse engagées à rechercher les moyens de rattacher l'existence de l'empire ottoman à l'équilibre général de l'Europe, que les trois puissances penseut également que les rapports de la Sublime-Porte avec la cour impériale de Russie ne pourraient pas être rétablis sur des bases solides et durables:

1° Si le protectorat exercé jusqu'à présent par la cour impériale de Russie sur les principautés de Valachie, de Moldavie et de Servie ne cesse pas à l'avenir, et si les priviléges accordés par les sultans à ces provinces dépendantes de leur empire ne sont pas placés sous la garantie collective des puissances, en vertu d'un arrangement à conclure avec la Sublime-Porte, et dont les dispositions régleraient en même temps toutes les questions de détail;

2° Si la navigation du Danube à ses embouchures n'est point délivrée de toute entrave et soumise à l'application des principes consacrés par les actes du congrès de Vienne;

3 Si le traité du 13 juillet 1841 n'est pas révisé de concert par toutes les hautes parties contractantes dans un intérêt d'équilibre européen ;

4 Si la Russie ne cesse de revendiquer le droit d'exercer un protectorat officiel sur les sujets de la Sublime-Porte, à quelque rit qu'ils appartiennent, et si la France, l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie ne se prêtent leur mutuel concours pour obtenir de l'initiative du gouvernement ottoman la consécration et l'observance des priviléges religieux des diverses communautés chrétiennes, et mettre à profit, dans l'intérêt commun de leurs coreligionnaires, les généreuses intentions manifestées par S. M. le sultan, sans qu'il en résulte aucune atteinte pour sa dignité et l'indépendance de sa couronne.

Le soussigné, en outre, est autorisé à déclarer que le gouvernement de S. M. l'empereur des Français, tout en se réservant de faire connaitre en temps utile les conditions particulières qu'il pourrait mettre à la conclusion de la paix avec la Russie, et d'apporter à l'ensemble des garanties ci-dessus spécifiées telle modification que la continuation des hostilités rendrait nécessaire, est décidé, pour le moment, à ne discuter et à ne prendre en considération aucune proposition du cabinet de Saint-Pétersbourg qui n'impliquerait point de sa part une adhésion pleine et entière aux principes sur lesquels il est déjà tombé d'accord avec les gouvernements de S. M. l'empereur d'Autriche et de S. M. la reine du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande.

Le soussigné saisit cette occasion pour renouveler à S. Exc. M. le comte de BuolSchauenstein les assurances de sa très-haute considération.

Signé: BOURQUENEY.
Vienne, le 8 août 1854.

A. M. le baron DE BOURQUENEV, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de S. M. l'empereur des Français.

Le soussigné, ministre des affaires étrangères et de la maison de Sa Majesté impériale et royale apostolique, s'empresse d'accuser réception à M. le baron de Bourqueney, envoyé extraordinaire et ministre plé-nipotentiaire de S. M. l'empereur des Français, de la note qu'il lui a fait l'honneur de lui adresser en date du 8 de ce mois, et de constater à son tour qu'il résulte des pourparlers confidentiels échangés entre les cours de Vienne, de Paris et de Londres, conformément au passage du protocole du 9 avril dernier, par lequel l'Autriche, la France et la Grande-Bretagne se sont, en même temps que la Prusse, engagées à rechercher les moyens de rattacher l'existence de l'empire ottoman à l'équilibre général de l'Europe, que les trois puissances pensent également que les rapports de la SublimePorte avec la cour impériale de Russie ne pourraient pas être rétablis sur des bases solides et durables, si:

1o Le protectorat exercé jusqu'à présent par la cour impériale de Russie sur les principautés de Valachie, de Moldavie et de Servie ne cesse pas à l'avenir, et si les priviléges accordés par les sultans à ces provinces dépendantes de leur empire ne sont pas placés sous la garantie collective des puissances, en vertu d'un arrangement à conclure avec la Sublime-Porte, et dont les dispositions régleraient en même temps toutes les questions de détail;

2° Si la navigation du Danube à ses embouchures n'est point délivrée de toute entrave et soumise à l'application des principes consacrés par les actes du congrès de Vienne;

3° Si le traité du 13 juillet 1841 n'est pas révisé de concert par toutes les hautes parties contractantes dans un intérêt d'équilibre européen;

4° Si la Russie ne cesse de revendiquer le droit d'exercer un protectorat sur les sujets de la Sublime-Porte, à quelque rit qu'ils appartiennent, et si l'Autriche, la France, la Grande-Bretagne, la Prusse et la Russie ne se prêtent leur mutuel concours pour obtenir de l'initiative du gouvernement ottoman la consécration et l'observance des priviléges religieux des diverses communautés chrétiennes, et mettre à profit, dans l'intérêt commun de leurs coreligionnaires, les généreuses intentions manifestées par S. M. le sultan, sans qu'il en résulte aucune atteinte pour la dignité et l'indépendance de sa couronne.

Le soussigné est, en outre, autorisé à déclarer que son gouvernement prend acte de la détermination de la France et de l'Angleterre de ne pas entrer, avec la cour impériale de Russie, dans aucun arrangement qui n'impliquerait point, de la part de Jadite cour, une adhésion pleine et entière aux quatre principes énumérés, et qu'il accepte pour lui-même l'engagement de ne

traiter que sur ces bases, en se réservant toutefois la libre appréciation des conditions qu'il mettrait au rétablissement de la paix, s'il venait lui-même à être forcé de prendre part à la guerre.

Le soussigné saisit en même temps l'occasion de renouveler à M. le baron de Bourqueney l'assurance de sa haute considération.

Vienne, le 8 août 1854.

Signé : BUOL.

Cependant la guerre continuait. Les armées française et anglaise débarquaient en Crimée et y remportaient la bataille de l'Alma. En même temps l'Autriche s'effor çait de déterminer la Prusse à s'engager comme elle avec les puissances o ccidentales. Le 26 novembre en effet était signé entre les deux Etats allemands un nouvel article additionnel au traité du 20 avril, par lequel la Prusse s'engageait à étendre les stipulations de ce traité même aux troupes autrichiennes des Principautés. Peu après la Confédération germanique adhérait à cet article et se prononçait également en faveur des quatre points, en ne prenant d'engagement néanmoins que sur les deux premiers. L'Autriche au contraire semblait s'engager complétement vis-à-vis des puissances occidentales par le traité du 2 décembre dont voici le texte.

Art. 1. Les hautes parties contractantes rappellent les déclarations contenues dans les protocoles du..., du..., du..., et dans les notes échangées le 8 août dernier, et comme elles se sont réservé le droit de proposer, selon les circonstances, telles conditions qu'elles pourraient juger nécessaires dans un intérêt européen, elles s'obligent mutuellement et réciproquement à n'entrer dans aucun arrangement avec la cour impériale de Russie avant d'en avoir délibéré en commun.

Art. 2. S. M. l'empereur d'Autriche ayant fait occuper par ses troupes, en vertu d'un traité conclu le... avec la Sublime-Porte, les principautés de Moldavie et de Valachie, il s'engage à défendre la frontière desdites principautés contre tout retour des forces russes; les troupes autrichiennes occuperont, à cet effet, les positions nécessaires pour garantir ces principautés contre toute attaque.

S. M. l'Empereur des Français et S. M. la Reine du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, ayant également signé, le... avec la Sublime-Porte, un traité qui les autorise à diriger leurs forces sur tous les points de l'empire ottoman, l'occupation susmentionnée ne saurait porter préjudice au libre mouvement des troupes anglofrançaises ou ottomanes sur ces mêmes territoires contre les forces militaires ou le territoire de la Russie.

Il sera formé à Vienne entre les plénipotentiaires de l'Autriche, de la France et de la Grande-Bretagne une commission à laquelle la Turquie sera invitée à adjoindre

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