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venu à certaines dispositions que le préteur voulait établir. Par exemple, la loi ne contenait aucune garantie pour le simple possesseur, et celui qui était troublé, non dans la propriété, mais dans la possession d'une chose, n'avait aucun recours légal. Le préteur lui fournit cette garantie, en obligeant, dans le cas où une contestation de ce genre se présentait, celui qui avait commis le trouble à promettre, par une stipulation solennelle, qu'il payerait telle somme s'il avait troublé la possession d'autrui. Le préteur examinait ensuite la question de fait, et condamnait le défendeur à payer la somme stipulée si le trouble avait été commis en effet. C'était par un décret que le préteur arrivait à ce but, et, dans son édit, il promettait qu'il donnerait un pareil décret dans tous les cas semblables. Les préteurs parvinrent, d'autre part, à leur but, par les fictions qu'ils introduisaient dans les formules des actions. Quand une plainte était portée devant eux en effet, depuis la nouvelle procédure introduite au commencement du v° siècle de Rome, par la loi Ebutia, ils renvoyaient les parties devant un jugelauquel ils prescrivaient, par une formule qu'ils lui donnaient, la manière de décider la question. Or les fictions étaient des suppositions contraires à la vérité, que le préteur insérait dans la formule, et en vertu desquelles le juge était tenu de porJer une décision fort opposée au texte de la loi. Celle-ci, par exemple, privait de l'hérédité paternelle le fils émancipé. Mais le préteur le mettait néanmoins en possession des biens de la succession, et lui accordait tous les droits et actions qui compétaient à l'héritier. Mais pour rendre ces actions valables i insérait dans la formule la fiction: si hæres esset, s'il était héritier. De même, une chose vendue ne passait pas toujours dans la propriété de l'acheteur, même lorsqu'elle était livrée; il fallait que celui-ci 'eût possédée pendant le temps voulu pour l'usucapion. Or le préteur supposait toujours, par une fiction, que ce temps était accompli, et traitait ainsi l'acheteur comme un véritable propriétaire. Par ces moyens et d'autres semblables, le droit prétorien donna un nouveau caractère à la plupart des institutions civiles, tout en se basant toujours sur la législation existante, et les réforma tout en les laissant subsister en droit.

Les réformes des préteurs s'étendirent à presque toutes les parties du droit romain. Nous ne les examinerons pas ici puisque nous aurons l'occasion de parler des principales d'entre elles plus loin. Elles furent généralement bienfaisantes, et substituèrent généralement les règles de l'équité à l'interprétation littérale des textes de l'ancien droit. Le droit prétorien fut introduit, dit le jurisconsulte Papinien, dans le but d'aider, de compléter et de corriger le droit civil (adjuvandi, vel supplendi, vel corrigendi juris civilis gratia), et ce but fut parfaite

ment atteint.

Dans l'origine, l'édit annuel du préteur avait été peu considérable; mais les préteurs qui se succédaient empruntant toujours la plupart des dispositions de leurs prédécesseurs et en ajoutant de nouvelles, il forma peu à peu un document assez considérable. L'édit continua à être publié annuellement jusqu'au temps d'Adrien. Sous cet empereur, le jurisconsulte Salvius Julien en fit une rédaction complète qui fut approuvée par l'empereur et le sénat, et qui depuis ne fut plus modifiée. Cet édit reçut, à juste titre aussi, la dénomination d'édit perpétuel.

Le droit prétorien s'appelait aussi droit honoraire, parce que, dit Justinien, il devait son autorité à ceux qui gèrent les honneurs, c'est-à-dire aux magistrats. Dans le droit honoraire on comprenait aussi les édits des édiles, qui, cependant, jouent un rôle beaucoup moins important dans le droit romain.

Il ne nous a été conservé que des fragments des édits des préteurs et des édiles.

La dernière source du droit romain, ce sont les réponses des jurisconsultes. A Rome, c'était une occupation à laquelle se vouaient volontiers les membres des familles patriciennes, que de donner des consultations sur des questions de droit. Pendant longtemps les lois ne furent connues que des patriciens, et les pontifes en étaient les principaux interprètes. Quand la législation fut devenue publique par la loi des x1 tables, cette publicité des dispositions de la loi fut bien insuffisante encore pour la pratique, et il se passa longtemps encore avant que les secrets de la procédure et les formalités dont étaient entourés les actes juridiques fussent généralement connus. C'est ainsi que Cneius Flavius acquit une grande popularité quand, en qualité d'édile curule, l'an 450 de Rome, il fit rendre public le calendrier et fit connaître les jours fastes et les jours néfastes, c'est-à-dire ceux où il était permis de plaider et ceux où il ne l'était pas. Ce même Flavius fit un recued de formules et de modèles d'actes et d'ac tions, ouvrage destiné, d'ailleurs, aux jurisconsultes plutôt qu'au public. Cet ou vrage était connu sous le nom de jus flavianum. Cent ans après, un nommé Elius en publia un autre jus ælianum) qui était d visé en trois parties contenant la loi des XII tables, leur interprétation et les actions de la loi. Ni l'un ni l'autre de ces ouvrages ne nous sont parvenus. Si l'aide des jurisconsultes fut donc indispensable aux pla deurs, dans l'origine elle ne le fut pas moins dans les temps postérieurs. Leur fonction que Cicéron résume par les mots respondere, répondre aux questions, cavere, indiquer les moyens de rendre les actes va lides et prendre ses sûretés, agere, prêter leur action dans la conduite des procès, el scribere, faire faire les écritures nécessaires, passait toujours pour une des plus honorables. Appius Claudius, Caton le Censeur, Cornélius Scipion Nasica et d'autres grands

personnages s'y étaient rendus célèbres dès une époque reculée, et à mesure que le droit romain se développait, elle acquérait une importance plus considérable. A l'époque des guerres civiles, elle devint enfin une science véritable qui se propagea par un enseignement régulier, et fut une sorte de profession à laquelle se vouaient toujours les hommes les plus distingués. Bientôt ils commencèrent à publier des ouvrages de droit. Le premier qui exposa ainsi la science juridique fut Q. Mutius Scævola, consul, en l'an 659 de Rome. Il eut pour principaux successeurs Aquilius Gallus, Servius Sulpicius Rufus, Alfenus Varus, Trebatius Testa et Q. Tubero. Au moment de l'établissement de l'empire, cette profession était complète, et Auguste allait y attacher une prérogative qui devait bientôt lui donner la plus grande autorité.

La principale fonction des jurisconsultes consistait toujours, en effet, à donner des réponses aux questions de droit qu'on leur adressait. Ces réponses partant d'hommes éminents avaient nne grande autorité auprès des magistrats, sans cependant être obligatoires pour eux. Auguste voulut que les magistrats fussent tenus de s'y conformer absolument, quand elles émanaient de certains jurisconsultes auxquels il donna cette prérogative; les ouvrages mêmes de ces jurisconsultes durent avoir force de loi; et ces jurisconsultes ayant ainsi une part à la puissance législative, ils devinrent auteurs (auctores) du droit.

A l'époque d'Auguste, les jurisconsultes romains se divisèrent en deux écoles rivales: l'école Proculéienne, fondée par Labéon, et qui prit son nom d'un des disciples de celui-ci, Proculus; et l'école Cassienne ou Sabinienne, fondée par Capiton, et qui fut nommée d'après ses disciples Cassius et Sabinus. Ces deux écoles ont donné des solutions différentes sur quelques questions de droit secondaires; mais, malgré tout ce qu'on a écrit à ce sujet, on ne sait pas encore au juste quelles étaient les divergences de principes qui les divisaient. La distinction entre ces deux écoles subsista Jusqu'à Adrien, et pendant toute cette période, la science juridique ne cessa de gagner en importance et en éclat. Les principaux membres de l'école des Proculéiens furent successivement Cocceius, Nerva, Proculus, Pegasus, les deux Celsus, Neratius Priscus; de celle des Sabiniens, Massurius, Sabinus, Cassius Longinus, Culius Sabinus, Javolenus Priscus, Salvius Julianus, Cæcilius Africanus, Sextus Pomponius et Gaius. A partir de cette époque, la distinction des deux écoles disparaît; mais la jurisprudence n'en est pas moins cultivée par les hommes les plus éminents. Parmi les jurisconsultes qui brillèrent alors, nous citerons Cervidius Scævola sous Marc-Aurele, Tertullien, peut-être le même que le Père de l'Eglise, Tryphonius, Callistratus, Florentinus, qui vécurent sous Sévère et Caracalla; Emilius Popinianus,' qui est à

juste titre le plus célèbre de tous, Domitius Ulpianus et Julius Paulus, préfets du prétoire sous Alexandre-Sévère, et enfin Herennius Modestinus, avec lequel se termine, au commencement du siècle, la série des jurisconsultes classiques. Après Modestinus, on ne trouve plus de jurisconsultes dont le nom ait mérité de passer à la postérité, si ce n'est les compilateurs qui aiderent Justinien dans son œuvre, et dont nous parlerons plus tard.

Les jurisconsultes déployèrent constamment une grande activité comme conseils et même comme juges; mais c'est par leurs écrits surtout qu'ils ont rendu de grands services à la science juridique. Ces écrits consistaient soit en commentaires sur la loi des douze Tables ou d'autres lois spéciales, soit en traités généraux (libri juris civilis, digesta), en recueils de questions de droit, de réponses, de sentences (quæstiones, responsa, sententiæ, definitiones), soit en livres élémentaires (institutiones). Malheureusement il ne nous reste de la plupart de ces ouvrages que les fragments réunis dans le Digeste, dont nous parlerons plus bas, à l'exception de quelques ouvrages élémentaires, les règles d'Ulpien, les sentences de Paul et les institutes de Gaius, qui même ne sont pas complets, et de quelques fragments qu'on trouvera dans l'édition des Institutes publiée par M. Blondeau. Quant aux fragments des autres, ils nous sont parvenus en très-grand nombre dans les Pandectes de Justinien, dont nous parlerons plus bas. Dans les derniers siècles de l'empire romain, les plus renommés étaient Pomponius, d'un écrit duquel sont tirés la plupart des renseignements que nous possédons sur cette partie de l'histoire du droit romain, Gaius, Papinien, Ulpien, Paul et Modestin. Une loi de Théodose et de Valentinien III (la loi des citations) attacha même aux ouvrages de ces auteurs une autorité exclusive et prépondérante, dans les questions où ils étaient en désaccord avec les autres jurisconsultes autorisés.

C'est grâce aux jurisconsultes que le droit romain prit ce caractère spécial qui le distingue des institutions juridiques des autres peuples de l'antiquité, qu'il devint une science qui n'a pas cessé encore d'exercer une légitime influence. Il est vrai que la législation romaine était mieux appropriée que toute autre à ce travail de la science juridique, et que le génie romain était éminemment porté vers l'étude et le développement du droit, ainsi que le prouve l'ardeur avec laquelle les personnages les plus considérables s'attachèrent à cette étude. Les jurisconsultes d'ailleurs agirent sur le droit de la même manière que les préteurs; ils en adoucirent les conséquences trop rigoureuses, ils le développèrent dans le sens de l'équité. Mais c'est leur méthodo surtout qui leur a valu l'admiration des savants modernes. Ce ne sont pas des idées philosophiques ou des considérations géné rales qu'il faut chercher dans leurs écrits;

c'est dans l'interprétation des dispositions législatives, dans la solution des questions pratiques que réside leur principal mérite. Papinien surtout poussa au plus haut degré re talent qui consiste à saisir d'un coup d'œil tous les rapports complexes que présente une question de droit, de démêler immédiatement les principes qui y sont applicables et ceux qui ne le sont pas, et de résoudre les difficultés en tenant compte de tous les principes et en y ramenant sans resse. Sous ce rapport, les grands jurisconsultes romains n'ont jamais été dépassés.

Les préteurs et les jurisconsultes introduisirent dans le droit un élément nouveau, le droit des gens. Les rapports nombreux que la cité romaine eut, dès les premiers temps de la république, avec les peuples environnants rendaient nécessaires des règles communes qui servissent de base aux relations commerciales avec ces peuples. Ces règles qui s'introduisirent par l'usage, furent comprises sous la dénomination de droit des gens, droit commun à toutes les nations. C'étaient d'après elles que jugeaient, dans les premiers temps, les recuperatores nommés, en vertu des traités de commerce, pour décider les contestations entre citoyens romains et étrangers; ce furent les mêmes règles que suivit le prætor peregrinus, lorsque l'on eut senti la nécessité de créer un préteur spécial pour juger ces contestations. Ainsi se forma un droit des étrangers, qui, par cela même qu'il contenait beaucoup de principes dont l'application générale paraissait utile et qui complétaient et simplifiaient le droit civil, fut reçu en partie dans ce droit par l'édit du préteur, développé ensuite par les jurisconsultes, et devint enfin une partie intégrante du droit romain.

A la fin du u siècle de l'ère chrétienne, les lois de la république, les sénatus-consultes, les constitutions impériales, les édits des magistrats, les écrits innombrables des jurisconsuites, formaient déjà une masse considérable, dont la confusion of frait de grands inconvénients pratiques. Constantin et les empereurs chrétiens, en apportant des modifications importantes dans cette législation païenne, augmentèrent encore ce nombre démésuré de textes obligatoires, et il devenait urgent de rétablir l'ordre, soit en résumant tous les textes antérieurs dans les lois nouvelles, soit en recueillant et excluant toutes celles des Jois qui devaient être obligatoires, et en abrogeant définitivement les autres. Déjà, au commencement du règne de Constantin, un jurisconsulte, nommé Grégorien, avait fait un recueil de constitutions impériales, appelé le Code grégorien, et, cent ans plus tard, un autre auteur, nommé Hermogenius, fit un recueil semblable, le Code hermogé nien. Il ne nous est parvenu que des fraginents de ces recueils, bien que nous connaissions la plupart des constitutions qu'ils renfermaient par des collections postérieures. En effet, ces codes étaient l'ou

vrage de particuliers, et par conséquent n'avaient joui d'aucune autorité légale. Pour répondre aux besoins de la pratique, il fallait des collections émanées des empereurs eux-mêmes. Une première collection de ce genre fut entreprise par Théodose II et donna naissance au code Théodosien, qui fut publié également en occident. La plupart des constitutions impériales, qui avaient force de lois, furent coordonnées, et réunies en seize livres, et souvent dépecées en plusieurs fragments, afin que tout ce qui concernait une même matière fot rangé sous le même titre. La plus grande partie de ce code nous a été conservée. Les constitutions qui y étaient contenues sont très nombreuses. Toutes celles qui en étaient exclues étaient abrogées à l'exception de celles des codes Hermogénien et Grégorien.

Les deux cours de Constantinople et de Ravenne convinrent de s'entendre sur les constitutions par lesquelles ce code pourrait être modifié. Une série de constitutions nouvelles fut publiée, en effet, dans l'empire d'Orient, sous le titre de Novelles, par Théodose II et ses successeurs, pour compléter le code Théodosien. Mais il ne paraît pas qu'elles furent reçues dans l'empire d'Occident qui, d'ailleurs, ne tarda pas à disparaître.

Le code Théodosien subsista pour les Romains dans quelques-unes des parties de cet empire, où furent fondées des natio nalités nouvelles, jusqu'à ce qu'il disparut avec les lois barbares dans le droit coutumier du moyen âge. En Orient, au contraire, Justinien mit la dernière main au droit romain, et lui donna la forme définitive sous laquelle il nous est parvenu.

Lorsque Justinien parvint au trône, les lois en vigueur étaient les codes Grégorien, Hermogénion et Théodosien, les novelles postérieures à ce dernier, et toutes les œuvres des jurisconsultes autorisés. Or, cette dernière source du droit, notamment, offrait la confusion la plus fâcheuse, et l'énorme quantité de livres qui existaient, avec les contradictions qu'ils renfermaient, ne pouvaient qu'entraver l'exercice de la justice. Justinien, qui se croyait un grand jurisconsulte, résolut alors de procéder à une codification plus complète que cele qui avait eu lieu jusque-là. Non-seulement les constitutions impériales devaient être revues et classées en recevant un ordre nouveau, mais les ouvrages des juriscob sultes durent subir une élaboration ana logue. Les ouvrages nouveaux qui résultert de ce travail furent les suivants :

Les codes Grégorien, Hermogénien et Théodosien, avec les constitutions pusierieures, furent fondus en un seul ouvr qui reçut le titre de Code de Justinien. Ce travail fut confié, en 528, à des juns consultes dont faisait partie Tribonien, e achevé en 529.

Les deux années suivantes, et comme 'préparation à l'ouvrage dont nous alicus

parler, Justinien décida les principales questions de droit qui étaient controversées par cinquante constitutions qui formèrent une collection particulière sous le titre de Quinquaginta decisiones.

Immédiatement après, on se mit à l'œuvre pour la grande compilation qui devait résumer tous les ouvrages des jurisconsultes. Une commission de seize membres, à la tête de laquelle fut placé Tribonien at composée en outre de quatre professeurs, dont les deux principaux furent Théophile et Dorothée et de onze avocats et fonctionnaires supérieurs, dut s'occuper à revoir les écrits de trente-neuf jurisconsultes, et à en extraire tout ce qui pouvait rester applicable. Ces extraits durent être classés en 50 livres dont les sujets étaient déterminés d'avance, et qui furent subdivisés eux-mêmes en titres. Ce travail, pour lequel Justinien avait donné dix années, fut terminé en trois ans, et promulgué le 16 décembre 533, sous le titre de Digeste ou Pandectes. Cet ouvrage se compose, en effet, de fragments de tous ces jurisconsultes, fragments quelquefois très-longs, quelque fois aussi composés de trois ou quatre mots seulement. L'auteur de chaque fragment est judiqué ainsi que l'ouvrage dont ce fragment a été extrait. Les livres dont on fit ces extraits étaient au nombre de plus de 2,000 et contenaient plus de 30 millions de lignes réduites au 20 dans la compilation. Plusieurs jurisconsultes y fournirent quelques fragments à peine, tandis que près du tiers de la compilation est prise dans les ouvrages d'Ulpien. Paul en a fourni le sixième.

La rapidité avec laquelle les l'andectes furent terminées, devait nécessairement avoir pour résultat qu'il s'y glissât un grand nombre de négligences, de fautes, de contradictions. C'est ce qui a eu lieu en effet. Mais ce qui est encore plus fàcheux, c'est que Tribonien et ses collègues se permirent de nombreux changements au texte des ouvrages dont ils donnaient les extraits et de fréquentes interpolations, afin de faire coincider ces textes avec les changements qui s'étaient faits dans la législation. Par suite, il n'est pas certain pour aucun des fragments qui ont été conservés dans cet ouvrage, qu'il soit parfaitement conforme au texte primitif. Néanmoins, à défaut des ouvrages originaux des jurisconsultes romains, les Pandectes sont pour nous d'un grand prix, car elles contiennent encore les restes les plus considérables de cette littérature juridique.

533, pour acquérir force de loi avec ce dernier au 30 décembre 533.

Après avoir ainsi résumé tout l'ancien droit romain, Justinien ne crut pas son œuvre terminée. Le Code confectionné en 529 présentait beaucoup d'imperfections. On le soumit à une nouvelle révision dont sortit le Codex repetilæ prælectionis, celui qui nous est parvenu; ce Code terminé à la fin de 534 est divisé en 50 livres comme le Digeste, les 50 décisions y sont refondues;

Justinien avait pensé que cette modification permettrait de se passer de toutes autres lois et commentaires. Il défendit même sévèrement d'écrire aucun commentaire sur les lois existantes. Mais déjà en publiant la 2 édition du Code il prévoyait que de nouvelles constitutions pouvaient être nécessaires, il statua que ces constitutions formeraient un recueil spécial intitulé Novelle constitutiones. Dès l'année 535 il commença en effet à publier de ces novelles, qui furent suivies d'autres dans les années suivantes. Celles de ces novelles qui nous sont parvenues et que nous connaissons sont au nombre de 165. La plupart sont rédigées en grec. On a appelé authentiques dans le moyen âge les extraits de ces novelles placées sous les titres de code qu'elles moditiaient. Le Code de Justinien, le Digeste, le Institutes et les Novelles avec quelques lois et constitutions des empereurs d'Allemagne, qui y furent ajoutées au moyen âge, ont formé le corpus juris civilis. qui comprend la collection presque complète de ce qui nous reste du droit romain.

Il nous reste à dire quelles furent les destinées de cette législation dans l'empire d'Orient et dans l'Occident moderne.

Dans l'empire d'Orient la législation de Justinien forma la base du droit jusqu'à la destruction de cel empire. Peu après la publication de ses livres, il en fut fait des paraphrases grecques destinées à l'enseignement et à l'usage de l'empire byzantin et, parmi lesquelles la plus importante est la paraphrase des Institutes par Théophile l'un des professeurs qui y avait travaillé. Les successeurs de Justinien ne manquent pas d'ailleurs d'ajouter à leur tour des Novelles à celles de cet empereur. Au 1x siècle, la nécessité d'un nouveau compendium se fit sentir et l'empereur Léon publia en effet une éclogue du droit en 18 titres. Un siècle plus tard Basile le Macédonien publia un ouvrage de même nature sous le titre de Procheiron ou Manuel. Mais Basile voulait faire davantage encore. Il voulut faire soumettre à une nouvelle rédaction grecque toutes les comAvant même que le Digeste fùt terminé, pilations de Justinien, les fondre en une Tribonien, et les deux professeurs Théo- seule, et les mettre au courant de la légis phile et Dorothée, rédigèrent un livre élé-lation. Cette œuvre fut accomplie par Léon mentaire sur le plan des Institutes des anciens jurisconsultes, et notamment de celles de Gaius, dont ils copièrent des passages entiers. Ce livre élémentaire, célebre sous le nom d'Institutes de Justinien, reçut force obligatoire comme le Code et e Digeste, et fut publié le 21 novembre

le philosophe son fils et l'ouvrage nouveau qui en résulla fut appelé τὰ βασιλικά (νομιμά), les droits impériaux. Il est connu sous le nom de Basiliques et n'est pas sans utilité aujourd'hui pour la critique des livres de Justinien.

Les Basiliques elles-mêmes ont provoqué

dans l'empire byzantin des scolies, des commentaires et des résumés élémentaires. Parmi les jurisconsultes byzantins qui ont laissé des ouvrages de ce genre, le plus célèbre est Harménopule qui vivait au xiv siècle. Bien que modifiées par une foule de nouvelles constitutions des successeurs de Léon les basiliques restèrent la base du droit en Orient jusqu'à la prise de Constantinople.

En Occident le droit romain ne s'était conservé que comme coutume et aussi dans plusieurs recueils de droit romain conservés par les barbares et qui étaient extraits en partie du Code Théodosien qui lui-même resta longtemps en vigueur dans les Gaules, et d'ouvrages de quelques jurisconsultes. Mais après la chute de l'empire carlovin gien la plupart de ces textes furent oubliés. Cependant il parait que depuis Justinien il subsistait à Ravenne une école de Jurisconsultes qui avaient conservé les compilations byzantines. Cette école fut éclipsée par celle de Bologne, où fleurit au XI siècle Irnerius, auquel on attribue la connaissance du droit romain. Irnerius était un des quatre jurisconsultes qui furent consultés par l'empereur Frédéric Barberousse et qui justifièrent les prétentions de ce prince au nom du droit romain. A partir de ce moment les empereurs d'Allemagne firent tous leurs efforts pour faire accepter le droit romain comme législation positive de tous les pays qui leur étaient soumis et l'ardeur avec laquelle les jurisconsultes clercs et ecclésiastiques se livrèrent à l'étude de ce droit, qui au sein de l'anarchie législative du moyen âge et de la multiplicité des coutumes apparaissait avec un caractère de supériorité incontestable, leur vint puissamment en aide dans l'accomplissement de ce but.

A partir du x1° siècle en effet les livres de Justinien formèrent en Italie la base de l'enseignement et de la pratique du droit. Jusqu'au milieu du x siècle les jurisconsultes se bornèrent à revêtir les textes de notes marginales ou gloses, d'où le nom de glossateurs sous lequel ils sont connus. Les plus célèbres d'entre eux furent Lothaire de Crémone, Azon, Jacques Baudouin. C'est Accurse qui termine la série des glossateurs en résumant toutes les gloses. antérieures et en rédigeant la glose ordinaire qui rendit inutiles pour l'avenir les travaux de ce genre. Ce sont les glossateurs qui ont ajouté au corpus juris le livre des fiels et quelques constitutions des empereurs d'Allemagne, qui ont rédigé les authentiques et divisé le Digeste en trois parties nommées le Digestum vetus, l'Infortiat et le Digestum novum.

Accurse fonda une école qui fleurit jusqu'au xiv siècle et qui se borna à des commentaires. Enfin Barthole mort en 1359 ouvrit une voie nouvelle en écrivant des traités et en introduisant la dialectique dans le droit. Parmi les élèves de Barthole, le plus célèbre fut Balde de Ubaldis. Ange Politien,mort en 1394, essaya entin de faire sor

tir la jurisprudence des formes barbares dans lesquelles les élèves de Barthole l'avaient enfermée. Mais ce ne fut qu'Alciat mort en 1550 qui dégagea la jurisprudence de la scolastique en y mêlant les études humanistes et philologiques telles que les comprenait la renaissance. Déjà alors le droit romain était reçu comme droit commun et obligatoire, en Italie, en Allemagne, dans tout le midi de la France. Une ordonnance de la chambre impériale avait reconnu la force obligatoire des livres de Justinien pour l'Allemagne en 1495. L'étude du droit romain n'en fut poursuivie qu'avec plus d'ardeur et à la suite d'Aleiat parut bientôt la grande école des jurisconsultes du xvI° siècle qui fut presqu'entièrement française et à la tête de laquelle brillaient Cujas, Hotman, Budé, Duaren, Brisson, Baudouin. Charon

das etc.

Cette grande école disparut en France avec le xvi siècle. Mais le droit romain, désormais droit positif dans une grande partie de l'Europe ne cessa d'être cultivé, et la Hollande et l'Allemagne continuèrent à produire dans le xvir et le vir des juriscon sultes qui s'illustrèrent dans l'interprétation de ce droit. En France Domat et Pothier surent en résumer et en élaborer toutes les dispositions pratiques et préparèrent ainsi une partie des éléments dont se servirent dans leurs œuvres les auteurs des codes frauçais actuels. En Allemagne l'étude du droit romain a repris avec une nouvelle vigueur au commencement de ce siècle même. Mais c'est surtout au point de vue historique que l'étudia l'école dont Hugo, Haubold et M. de Savigny ont été les chefs, et bien qu'en Allemagne le droit romain ait encore une valeur pratique, les codes qui s'introdui sent ou sont déjà introduits dans la plupart des Etats allemands, ainsi que dans tout le reste de l'Europe, ne tarderont pas à ne lui laisser que ce seul intérêt.

Principes généraux du droit romain. Les institutes ou livres élémentaires des jurisconsultes romains se divisaient en trois parties, l'une se rapportant aux per sonnes, la seconde aux choses, la troisième aux actions. Nous adopterons la même d vision.

Les personnes donnaient lieu à plusieurs divisions. La première résultait de la dis tinction des hommes en libres et esclaves. Comme on le sait l'esclavage était un des éléments constitutifs de la société aut que, et à Rome plus que partout ailleurs il était consacré par les mœurs et la leislation. Nous ne reviendrons pas ici sur ce que nous avons dit sur cette matière au mỗi ESCLAVAGE et nous nous occuperons umquement des homines libres.

Si la condition des esclaves était à pea près la même en droit pour tous, il n'en était pas de même pour les hommes libres A l'égard de ceux-ci se présente une pre mière distinction, celle des citoyens et ces étrangers. Les étrangers originairement étaient privés de l'exercice de tous les

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